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Licenciement pour usage abusif de l’e-mail : un vrai faux débat secoue l’Espagne

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Est-ce parce que le Regulation of Investigatory Powers Act 2000 venait d’entrer en vigueur au Royaume Uni, concédant au chef d’entreprise une possibilité de supervision et interception des communications des salariés dans l’entreprise en l’encadrant et dans la limite de l’Human Right Act ? Ou parce que les média ont saisi l’occasion d’ouvrir un débat…

Est-ce parce que le Regulation of Investigatory Powers Act 2000 venait d’entrer en vigueur au Royaume Uni, concédant au chef d’entreprise une possibilité de supervision et interception des communications des salariés dans l’entreprise en l’encadrant et dans la limite de l’Human Right Act ? Ou parce que les média ont saisi l’occasion d’ouvrir un débat attendu et que les faits tardent à leur donner en pâture ?

Toujours est-il qu’au delà du paradoxe de la fumée sans feu, qui est peut-être le propre d’Internet et en tout cas caractérise cette affaire, la décision rendue le 14 novembre 2000 par la Salle Sociale du Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne (TSJC), a fait grand bruit médiatique (La Vanguardia du 27/11/2000 et, pour l’analyse, El País, 10/12/2000). Elle a sans doute contribué aussi, avec le Regulation of Investigatory Powers Act 2000, à ce que l’on s’intéresse de près a la Loi Organique 15/99 de protection des données de caractère personnel, dont les développements liés à la correspondance électronique au travail font actuellement l’objet de débats au sénat (Débats repris et enrichis par la campagne de protection de l’intimité au travail lancée par Kriptopolis et l’Association des Internautes espagnols).

Les faits sont les suivants: Gregorio G. est employé du Deutsche Bank de Barcelone depuis 30 ans. Mais son penchant pour le courrier électronique va le perdre. En particulier, entre le 7 octobre et le 19 novembre 1999, il envoie 140 messages à un total de 298 récepteurs, constitués en grande partie par des collègues de travail, mais aussi à son adresse électronique personnelle. Les messages sont humoristiques, le plus souvent carrément sexistes et même obsènes, avec des titres évocateurs cités dans la décision du TSJC.

Certains salariés vont être sanctionnés (mises à pied de 2 et 3 jours et admonestations) pour avoir participé à la conduite délictueuse de Gregorio G., d’autres avaient fait savoir qu’ils désiraient ne plus recevoir ses messages, mais le bombardement avait continué.

L’entreprise avait, antérieurement aux faits, adopté un code de conduite interdisant l’usage du courrier électronique à des fins personnelles pendant les heures de travail.

Les premiers juges estiment que, sans qu’il y ait lieu de revenir sur le comment des 140 messages, puisque l’employé lui-même reconnaît les avoir envoyés, le licenciement est nul au vu que « la perte de temps travaillé est minime et très faible le coût économique« . Surtout, l’ancienneté de l’employé et le « climat antisyndical de l’entreprise » provoqué par cette affaire ne justifiaient pas à leur yeux une telle mesure.

Le TSJC n’a fait que répondre aux premiers juges, se situant sur le terrain du droit du travail et en aucun cas n’examinant une possible violation de l’ intimité, puisque celle-ci n’était pas dénoncée, l’employé reconnaissant dès le début la véracité des faits qui lui étaient reprochés.

On a bien eu accès au courrier électronique de cet employé, puisque le nombre et le contenu des messages sont relatés, mais à quel moment? L’arrêt énonce laconiquement que cette incursion a été faite « pour préciser l’indubitable nature des messages judiciairement appréciés« , en se gardant bien de lui reconnaître caractère de preuve.

Finalement, le TSJC constate que le manquement de l’employé, tant pour son contenu que pour la réitération dans le temps, constitue une faute disciplinaire justifiant le licenciement. Il étoffe sa position en soulignant que l’article 54.2d du Statut des Travailleurs, qui sanctionne la transgression de la bonne foi contractuelle, revêt dans la jurisprudence le sens d’une adaptation aux règles de droiture conformément aux critères moraux et sociaux de chaque moment historique.

La grande question posée à partir de cet arrêt est : Que prévaut-il, entre l’intimité d’un salarié, et le contrôle que doit exercer l’employeur sur le travail réalisé à partir de moyens qui lui appartiennent ?

Il est temps d’y penser, et l’on vient de réaliser qu’en Espagne, comme ailleurs, Big Brother n’est pas un mythe. Seulement, les foudres qui se sont abattues sur l’arrêt rendu le 14 novembre 2000 par le TSJC de Barcelone ne sont qu’un reflet, une ombre de ce monde virtuel. Dans le cas présent, le seul débat possible, basé sur des faits reconnus par les parties, est de savoir s’il est justifié de licencier un employé au motif qu’il a consacré une durée minime de son temps à des questions personnelles est justifié. Rien d’autre.

Pour le reste, il faudra attendre qu’il soit fait application de l’article 197 du code pénal, qui punit d’une peine d’emprisonnement de 4 ans maximum celui qui, pour découvrir les secrets ou porter atteinte à l’intimité d’autrui, sans son consentement, entre en possession de ses papiers, lettres, ou messages électroniques, sans que le texte pénal n’établisse d’exception dans le cadre du travail. S’ il y a lieu à exception, c’est ce que décideront les juges quand la question leur sera soumise.

Mais pour le moment, le débat politique et juridique de fond de l’intimité au travail reste ouvert.

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