Les SMS à Saint Nicolas et au Père Noël font leur grand retour.
Publié le 23/11/2008 par Etienne Wery
Avec la proximité de la Saint-Nicolas et des fêtes de fin d’année, on voit refleurir les publicités incitant plus ou moins directement les enfants à pousser leurs parents à la consommation. L’occasion de repréciser le cadre juridique applicable.
Situation pas si fictive que cela :
- Ce matin, à la radio, l’animateur lit quelques SMS (surtaxés, bien entendu), envoyés au grand saint par des parents tout heureux de faire plaisir à leur progéniture surexcitée. Et la bande annonce d’insister : « vite, envoie toi aussi ton SMS au grand Saint, ou demande à tes parents de le faire, et reçois ton cadeau personnalisé si ton message est lu sur antenne ».
L’emploi du « Tu » révèle sans doute possible la cible de l’annonce : les enfants.
- Dans la presse, une publicité pour le dernier film pour enfants permet là aussi de gagner des places de cinéma en envoyant un SMS (toujours surtaxé).
Les enfants sont moins directement visés (pas de « Tu »), même s’il est à peu près certain que le public cible de l’annonce (très imagée et en couleurs pour être certain que même un bambin qui ne sait pas lire reconnaitra son héros) est constitué d’un public (très) jeune.
Les enfants sont – c’est bien connu – de très gros « prescripteurs d’achat ».
Avec la proximité de la Saint-Nicolas et des fêtes de fin d’année, on voit refleurir un peu partout les publicités incitant plus ou moins directement les enfants à pousser leurs parents à la consommation.
L’occasion de repréciser le cadre juridique applicable.
Il y a d’une part les interdictions générales.
Citons, en droit belge, l’article 94/11 de la loi sur les pratiques du commerce qui dispose que :
Sont des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, les pratiques commerciales agressives qui ont pour objet de :
5° dans une publicité, inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d’autres adultes de leur acheter le produit faisant l’objet de la publicité;
Le domaine audiovisuel
Plus fondamentalement, c’est dans le domaine audiovisuel que l’on trouve le plus de réglementation. Ce n’est guère étonnant puisque des directives européennes se sont très tôt intéressées à ce sujet. On songe notamment à l’article 16 de la directive communautaire "Télévision sans frontières" (TSF) du 3 octobre 1989 et à la récente directive relative aux médias audiovisuels (SMA).
En droit français, l’article 7 du décret du 27 mars 1992 dispose que « la publicité ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs. À cette fin, elle ne doit pas :
1° inciter directement les mineurs à l’achat d’un produit ou d’un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité ;
2° inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d’acheter les produits ou les services concernés ;
3° exploiter ou altérer la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d’autres personnes ;
4° présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse.
Le BVP et le CSA veillent au respect des normes ; le premier a rédigé une fiche pratique sur ce sujet.
L’annonceur doit ainsi tenir compte de la maturité de son jeune public et faire preuve de clarté et de simplicité pour intégrer leur niveau de connaissances et de vocabulaire.
Le message publicitaire ne doit pas suggérer que la possession ou l’utilisation d’un produit donne à l’enfant un avantage physique, social ou psychologique sur les autres enfants de son âge. Il ne doit pas davantage induire que le bien présenté est à la portée de tout budget familial ni minimiser son prix en utilisant des termes tels que "seulement".
Enfin, et ceci est important, il faut éviter d’ériger l’enfant en prescripteur : tout discours qui vise à inciter à convaincre ses parents ou des tiers de se porter acquéreur d’un bien ou d’un service donné est proscrit.
Il y a loin de la coupe aux lèvres
De plus en plus souvent, la situation est plus subtile et il est difficile d’apliquer les textes.
Premier exemple : quand un message « incite-t-il » à convaincre les parents d’acheter un bien ou un service ?
Quatre bambins heureux à l’arrière d’une voiture ? Une jolie frimousse embrassant sa maman pour la remercier de cette merveilleuse glace ? Des enfants déprimés qui retrouvent le sourire parce que leur papa leur offre une semaine dans tel hôtel ? Un enfant qui refuse de manger puis se régale d’une tartine garnie d’une célèbre pâte au chocolat à tartiner ?
Deuxième exemple : souvent, c’est moins une publicité pour un produit qui est suggéré, que la participation à un mouvement collectif via l’envoi, par exemple, d’un SMS.
Ce cas de figure est-il couvert par la loi ? Ce qui est certain, c’est que le CSA belge estime que la réponse est ‘oui’. C’est ainsi que le communiqué du 28 avril 2008 du CSA signale que :
En novembre dernier, Club RTL avait diffusé, pendant ses programmes pour les jeunes, une publicité invitant les enfants à téléphoner à Saint-Nicolas via un numéro surtaxé.
La bande sonore était la suivante : « le 6 décembre, c’est la fête des enfants avec Saint-Nicolas. Et cette année encore, il a plein de cadeaux pour vous. Demande à ton papa ou à ta maman d’appeler avec toi le 0900 21 211 et tu pourras parler directement au grand Saint-Nicolas. Si tu as été bien sage, tu recevras très certainement un super cadeau. N’hésite plus et appelle tout de suite Saint-Nicolas au 0900 21 211. »
Un téléspectateur s’est plaint de la diffusion de tels incitants à destination des enfants.
Selon les critères de qualification en vigueur, cette publicité destinée aux enfants relève du télé-achat, lui-même soumis aux règles applicables à la communication publicitaire. En incitant directement des enfants (« N’hésite plus et appelle tout de suite Saint-Nicolas ») à l’achat d’un service (en l’espèce, une communication téléphonique surtaxée), en exploitant leur inexpérience et leur crédulité (ici, la croyance en Saint-Nicolas) et en incitant directement les enfants à persuader leurs parents (« Demande à ton papa ou à ta maman d’appeler avec toi ») d’acheter ce même service, l’éditeur n’a pas respecté les dispositions du décret sur la radiodiffusion.
En conséquence, le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA a, le 24 avril dernier, adressé un avertissement à la S.A. TVi, assorti de l’obligation de diffuser un communiqué relatant l’infraction.