Les sites d’enchères sont soumis au droit fiscal, comme les autres formes de commerce. L’Etat y veillera.
Publié le 23/05/2006 par Etienne Wery
Les sites d’enchères entre particuliers, à la mode eBay, ont le vent en poupe. Les choses vont tellement bien que certaines personnes y voient une source de revenus non négligeables, au point de transformer ces petites annonces en véritable deuxième boulot. Des professionnels aussi, brocanteurs et marchands automobiles et autres, y mettent leurs annonces en…
Les sites d’enchères entre particuliers, à la mode eBay, ont le vent en poupe. Les choses vont tellement bien que certaines personnes y voient une source de revenus non négligeables, au point de transformer ces petites annonces en véritable deuxième boulot. Des professionnels aussi, brocanteurs et marchands automobiles et autres, y mettent leurs annonces en se faisant passer pour des particuliers.
L’Etat a tout à perdre à ce petit jeu, et commence à s’inquiéter.
Quand un particulier vend un bien sur ces sites, dans le cadre de la gestion son patrimoine privé, l’opération est parfaitement légale, elle n’est pas soumise à TVA et en règle le produit de la vente n’est pas un revenu à déclarer. Chacun peut, quand il agit à titre privé, vendre tranquillement son téléviseur d’occasion, le vélo du gamin qui a grandi entretemps, un ancien GSM ou le sofa du salon un peu élimé. Que l’on se rassure, c’est légal.
Le problème est ailleurs, et se décompose en deux : il y d’une part les particuliers qui, à force de vendre, deviennent en réalité des commercants au sens de la loi ; il y a d’autre part les commerçants qui se font passer pour des particuliers et écoulent leur marchandise de cette manière :
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Quand un particulier gère tellement d’annonces que cela en devient un deuxième métier, il devient en principe un « professionnel » au sens de la loi, ce qui implique une inscription ad hoc, la perception d’une TVA, un impôt sur ce revenu, etc.
Ne pas respecter ce cadre juridique peut mener loin. Un citoyen français a récemment été condamné par le tribunal correctionnel de Mulhouse pour « exécution d’un travail dissimulé et non tenue d’un registre par un revendeur d’objets mobiliers ». Entre 2003 et 2005, cette personne avait revendu par le biais d’un site électronique de vente aux enchères plusieurs centaines d’objets provenant de marchés aux puces et d’un héritage familial.
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De la même manière, quand un professionnel écoule via ces sites de la marchandise en se faisant passer pour un particulier, il déclare rarement ce chiffre d’affaire sur sa feuille d’imposition, et « oublie » d’appliquer la TVA.
En Belgique, le ministre chargé de la fraude fiscale a annoncé, avec une petite dose de démagogie, qu’il allait remettre de l’ordre en utilisant des solutions logicielles qui vont tracer les annonces et détecter les profils à risque.
En France, c’est un parlementaire qui s’est ému de la situation et a posé une question au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales sur le soi-disant vide juridique entourant la vente d’objets sur l’Internet. « Soi-disant » car le ministre a très justement rappelé que l’internet n’est pas une zone de non droit, et que le droit s’y applique tout naturellement :
Le commerce électronique connaît un essor très rapide en France, avec un chiffre d’affaires qui dépasse désormais 10 milliards d’euros et une croissance supérieure à 50 % par an depuis 2003. Il existe un véritable engouement des consommateurs pour ce nouveau type de commerce.
Le commerce par internet n’échappe pas pour autant au cadre législatif et réglementaire qui s’impose à toute activité commerciale, quel qu’en soit le vecteur.
L’obligation pour les vendeurs professionnels de tenir un registre décrivant les objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange et permettant l’identification de ces objets ainsi que celle des personnes qui les ont vendus, prévue par l’article L. 321-7 du code pénal, s’applique aussi bien au commerce électronique qu’aux autres formes de commerce.
De même, aux termes de l’article L. 121-1 du code de commerce, tout particulier accomplissant des actes de commerce à titre habituel acquiert de ce fait la qualité de commerçant, que les actes de commerce soient conclus grâce à internet ou par d’autres moyens. A cette qualité s’attache un certain nombre d’obligations, comme l’inscription au registre du commerce et des sociétés, la tenue d’une comptabilité, ou encore l’assujettissement à la TVA.
Le réseau internet ne saurait donc être une zone de non-droit au seul motif qu’il s’agit d’une nouvelle technologie. Ce réseau se prête d’ailleurs assez mal au commerce illicite. Le paiement ne peut y être effectué en liquide. L’utilisation des plates-formes de commerce électronique exige en particulier la communication du numéro de compte bancaire du vendeur et de l’acheteur, ce qui facilite considérablement les opérations de contrôle en cas de procédure judiciaire. L’accès à la description des produits à vendre est par ailleurs ouvert à l’ensemble du public, ce qui facilite la détection éventuelle d’objets volés. En outre, le juge saisi peut le cas échéant exiger la communication des données de connexion. Les services de la répression des fraudes sont enfin tout aussi présents sur internet que dans les magasins et sur les marchés.
En ce qui concerne le commerce en ligne entre particuliers, qui se développe notamment avec les sites d’enchères en ligne, le Gouvernement a engagé le 23 janvier 2006 la négociation d’une charte de déontologie du e-commerce, par laquelle l’ensemble des acteurs du commerce électronique s’engageront à prendre des mesures concrètes, permettant de mieux sensibiliser les internautes au cadre juridique applicable à ce type d’échanges, de dissocier systématiquement les vendeurs particuliers des vendeurs professionnels, et d’inciter les acheteurs et vendeurs réguliers à la création d’entreprises de commerce électronique.