Les nanotechnologies reçoivent petit à petit un cadre juridique européen
Publié le 29/03/2009 par Etienne Wery
En session cette semaine, le parlement européen s’est penché à deux reprises sur les nanotechnologies. D’une part dans le cadre d’un texte sur les produits cosmétiques ; d’autre part dans le cadre de la sécurité alimentaire. Probablement le début d’un long chemin de croix.
Nanotechnologies ?
Les nanosciences et nanotechnologies (NST) peuvent être définies comme l’ensemble des études et des procédés de fabrication et de manipulation de structures, de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle du nanomètre (nm).
Les nanosciences sont l’étude des phénomènes et de la manipulation de la matière aux échelles atomique, moléculaire et macromoléculaire, où les propriétés (physico-chimiques) diffèrent sensiblement de celles qui prévalent à une plus grande échelle.
Les nanotechnologies, quant à elles, concernent la conception, la caractérisation, la production et l’application de structures, dispositifs et systèmes par le contrôle de la forme et de la taille à une échelle nanométrique. (Wikipedia)
Bref, les nanotechnologies, c’est l’étude de l’ultra petit.
Petit comment au fait ? Un nanomètre (nm) correspond à un milliardième de mètre. Ou, si l’on veut, un millimètre divisé en un million ! Tout petit donc.
Pourquoi les nanotechnologies sont-elles intéressantes ?
Sans entrer dans des considérations trop techniques, disons qu’il y a au moins deux intérêts à la nanoscience :
- A l’échelle nanométrique, la matière présente des propriétés particulières qui peuvent justifier une approche spécifique. Il s’agit bien sûr des propriétés quantiques, mais aussi d’effets de surface, de volume, ou encore d’effets de bord.
En d’autres termes, une matière peut se comporter très différemment à l’échelle nanométrique, et cela pour deux raisons au moins :
soit parce qu’elle a un comportement réellement différent (exemple : le carbone devient plus solide que l’acier),
soit parce que la taille amplifie dans un sens ou dans un autre un comportement existant (exemple : l’effet de surface fait que plus la taille est petite, plus la surface est grande par rapport au volume, et quand la propriété recherchée est justement une propriété liée à la surface du matériau, cela devient intéressant).
- A l’échelle nanométrique, la toute petite taille fait en sorte que certaines choses peuvent passer là où, auparavant, la matière ne passait pas. Comme un filet de pêche : si le poisson est plus petit que la maille du filet, il passe. Cela permet d’envoyer à certains endroits des particules qui ne passaient pas auparavant, ou qui passaient mais dont la plus grosse taille causait des soucis. Dans le domaine médical, cet élément est très étudié.
Les risques
Les risques sont précisément liés à la taille : c’est une science en pleine émergence. On ne connaît donc pas nécessairement les effets secondaires de l’ultra-petit.
Les opposant aux nanotechnologies invoquent le principe de précaution, que l’on connaît bien dans le débats sur les ondes GSM, les biotechnologiques et les OGM.
Le règlement « cosmétiques ».
Les députés européens et le Conseil sont parvenus à un compromis sur une proposition de règlement relatif aux produits cosmétiques. Ce compromis a été adopté cette semaine. Le but : simplifier la législation européenne sur les cosmétiques en remplaçant les 27 législations nationales, soit quelques 3500 pages de textes juridiques, par un seul règlement, tout en assurant la sécurité de ces produits.
Les députés souhaitent que pour tout produit contenant des nanomatériaux, un niveau élevé de protection des consommateurs et de la santé humaine soit garanti.
Le texte adopté propose de définir un "nanomatériau" comme un "matériau non soluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externe(s) ou par une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm".
Les opposants critiquent cette définition, trop restrictive à leurs yeux. Il existe des nanomatériaux solubles et non bio-persistants, et ils ne voient pas pourquoi ceux-ci seraient exclus de la définition. Certes, les opposants admettent qu’en l’état actuel de la science, ces nanomatériaux solubles et non bio-persistants sont moins susceptibles de poser problème, mais ils ne voient pourquoi cela les exclurait de la définition.
Deux grands axes de protection sont prévus :
Tout ingrédient contenu sous la forme d’un nanomatériau devrait être clairement indiqué dans la liste des ingrédients sur l’étiquette. C’est le principe d’information.
Une méthode de test spéciale devrait être mise au point afin que les risques potentiels puissent être identifiés et évalués. C’est le principe de prudence. Quant à savoir comment ce principe sera mis en œuvre, le débat reste ouvert. Tous les nanomatériaux seront-ils soumis aux tests ? Qui fera les tests : le fabricant ou les autorités ? Qui les contrôlera ? Les résultats seront réévalués, et si oui par qui ? On se rappellera que ce point est l’un des grands confits dans le dossier des OGM puisque bien souvent, c’est le fabricant qui remet ses propres tests dont l’impartialité est souvent critiquée.
Le règlement « nouveaux aliments »
Dans un rapport de codécision concernant la mise à jour des règles sur les nouveaux aliments dans la Communauté, le Parlement appelle notamment la Commission à faire en sorte que les aliments produits grâce aux nanotechnologies soient soumis à des tests plus poussés.
Selon ses promoteurs, La proposition de règlement du Parlement et du Conseil sur les aliments nouveaux a pour objectif de :
Simplifier la procédure d’autorisation et développer un système d’évaluation plus adapté pour les aliments traditionnels en provenance de pays tiers, qui sont considérés comme de nouveaux aliments en vertu du règlement actuel ;
Préciser la définition d’un nouvel aliment, en tenant compte des nouvelles technologies, et le champ d’application du règlement relatif aux nouveaux aliments ;
Améliorer l’efficacité, la transparence et la mise en œuvre du système d’autorisation.
Sont définis comme nouveaux aliments, les aliments qui n’ont pas été consommés de manière significative avant mai 1997, date à laquelle la première législation sur les nouveaux aliments a été introduite. Ces nouveaux aliments peuvent être des produits récemment développés tels que les aliments produits à l’aide de nouveaux procédés comme les nanotechnologies, mais également les aliments consommés traditionnellement hors de l’UE. Jusqu’ici 20 nouveaux aliments ont été autorisés dans l’UE, comme, par exemple, le jus de nono ou noni (fait à base d’une plante tahitienne) ou les "salatrims" (des nouveaux lipides utilisés dans des aliments destinés aux régimes hypocaloriques en substitut de matières grasses traditionnelles).
Selon les députés, les aliments produits au moyen de nanotechnologies nécessitent des méthodes spécifiques d’évaluation des risques. Il n’existe actuellement aucune méthode permettant d’évaluer l’innocuité des nanomatériaux. Ceux-ci devraient donc être évalués sur la base d’essais spécifiques pour les nanomatériaux. En outre, tout ingrédient contenu sous la forme d’un nanomatériau devrait être clairement indiqué dans la liste des ingrédients.