Les clés pour réussir une informatisation
Publié le 02/09/2008 par Thibault Verbiest, Bertrand Vandevelde
L’informatisation d’une activité ou la migration informatique d’un système existant représente un travail de longue haleine qu’il convient d’anticiper et de ne pas considérer à la légère. En effet, un ordinateur ne peut prendre d’initiatives : il exécute des chaînes d’instructions qui lui ont été encodées, aussi erronées et illogiques soient elles.
Lorsque la direction d’une entreprise décide d’informatiser, très rares sont les cas où il lui suffit d’acheter des logiciels clefs en main. La spécialisation des métiers d’une entreprise l’oblige, au minimum, à une paramétrisation de logiciels du marché. Lorsque les spécificités recherchées sont plus pointues encore, l’entreprise doit souvent faire appel à de la programmation.
Dans les deux cas, même si l’entreprise possède en interne un service informatique très compétent, il convient souvent de faire appel à un professionnel informatique extérieur à l’entreprise et spécialisé dans les logiciels (progiciels ou logiciels ad-hoc) capables de répondre aux nouveaux besoins identifiés.
Les deux cas de figure imposent également une parfaite connaissance des besoins de l’entreprise et des solutions possibles. Il convient donc de faire dialoguer les professionnels de l’entreprise et les professionnels informatiques qui devront traduire les attentes en lignes de code.
Face à une relation contractuelle à naître, il convient, pour l’entreprise mais également pour le professionnel externe, de ne pas s’engager dans une relation mal-dégrossie. Les conséquences informatiques et juridiques pourraient rapidement être catastrophiques.
Dans le chef du professionnel externe, le dialogue se divise en quatre grandes d’obligations précontractuelles et contractuelles : le devoir de renseignement, le devoir de mise en garde, le devoir de conseil et l’obligation de délivrer une chose conforme. Dans le chef de l’entreprise, le devoir de collaboration est présent à tous les stades précédant une mise en production.
Le devoir de renseignement
Ce devoir aboutit habituellement à la rédaction d’un cahier des charges. Ce dernier est la mise sur papier : des objectifs de l’entreprise, de leur traduction en besoins informatiques, des solutions possibles renseignées par le professionnel externe, des solutions préconisées en fonction de la spécificité de l’entreprise, des coûts engendrés ainsi que des garanties qui peuvent être fournies.
L’important dans cette étape est de « parler la même langue ». Les décisionnaires doivent être capables d’exprimer correctement leurs objectifs (actuels et futurs) ; les techniciens doivent être capables de les traduire. Ensuite, les techniciens doivent être capables de renseigner en termes compréhensibles les solutions envisageables.
La seconde chose importante est d’aboutir à l’exhaustivité et de s’assurer de l’exactitude des besoins exprimés et des solutions à apporter.
Le devoir de mise en garde
L’informatique ne peut tout. Le professionnalisme du prestataire extérieur se mesurera souvent à sa capacité à freiner l’entreprise lorsqu’il est impératif de le faire. Il convient pour le professionnel informatique de ne pas promettre l’impossible pour rencontrer l’enthousiasme d’un entrepreneur aux mille idées.
Un entrepreneur mis en garde pourra faire les bons choix et décider d’accepter de réformer ses objectifs lorsque leur réalisation est, par exemple, impossible ou trop chère pour être accomplie totalement.
Le devoir de conseil
Ce devoir est l’aboutissement des deux autres. Après avoir renseigné et mis en garde l’entreprise, le professionnel externe doit indiquer la meilleure voie pour cette dernière. Il ne s’agit pas de la plus simple ou de la moins onéreuse mais de celle qui convient le mieux à l’organisation future de l’entreprise. Le devoir de conseil est celui qui permettra de combiner à long terme : minimalisation des coûts et maximisation de la capacité de production, dans une mise en œuvre réaliste. Le devoir de conseil doit donc perdurer durant la phase contractuelle, lorsque les tests montrent que des éléments imprévisibles obligent à refondre la stratégie préconisée.
Sans considérer les professionnels de l’informatique comme des devins, il convient de juger leur professionnalisme à l’aune de leur capacité à proposer à chaque instant des solutions pertinentes, efficaces, modulables et pérennes.
L’obligation de délivrer un produit utilisable
L’informatisation est avant tout affaire de spécialistes. Si le processus restait dans leurs hautes sphères, il est quasiment certain que la productivité ne pourrait être améliorée par l’informatisation. En effet, les lignes de codes doivent pouvoir être manipulées par des opérateurs.
La jurisprudence a donc dégagé un devoir supplémentaire dans le chef du professionnel informatique : celui de délivrer des solutions directement utilisables par leurs destinataires (CA Montpellier, 9 mars 2004, Sté Darty Provence Méditerrannée Ouest c/ M.T.).
Le devoir de collaboration
Une informatisation repose avant tout sur un dialogue et une réciprocité des intérêts.
L’entreprise doit donc être capable, à chaque stade du processus d’informatisation, de clairement rappeler ses objectifs, de répondre aux questions du prestataire et de valider les propositions reçues en retour.
Le devoir de collaboration se concentre donc avant d’injecter les données dans la « machine à informatiser » qu’est le prestataire externe et après que cette dernière ait digéré les problèmes pour préconiser des solutions, lorsqu’il s’agit de décider donc.
Mise en œuvre des devoirs
Les devoirs sont (sauf choix contractuel contraire) des obligations de moyens. Lorsqu’un aléa surgit, il peut provoquer des dysfonctionnements importants. Dans ce cas précis, le professionnel informatique ne devrait être tenu pour responsable (CA Toulouse, 25 janvier 2001, Société France réseaux systèmes c/ SARL Actipole).
Les devoirs sont logiquement à moduler en fonction du type d’informatisation et de l’implication du prestataire. Ainsi lorsqu’il s’agit « seulement » de paramétrer, les devoirs du prestataire sont de moindre importance que lorsqu’il s’agit de programmer. Le degré de difficulté technique détermine donc l’étendue de l’obligation qui pèse sur le prestataire (CA Paris, 30 septembre 2004, Atac, Isms/SAP, Ineum Consulting).
Le degré de collaboration de l’entreprise conditionne également les devoirs du prestataire. Même en l’absence de connaissances informatiques du client, ce dernier doit pouvoir expliquer ses besoins en des termes suffisamment précis que pour pouvoir être traduits en solutions techniques (Trib. Comm. Paris, 05 mai 2004, Sté Peyre c/Sté Silog, Silmo).
Conclusion
L’informatisation d’une entreprise repose sur une mise en œuvre équilibrée des devoirs de chacun des intervenants. Afin de minimiser les problèmes, le choix d’interlocuteurs compétents est la meilleure option vers la réussite.