Les casinos virtuels off shore soumis à la loi US
Publié le 02/09/1999 par Etienne Wery
La State Supreme Court de l’Etat de New-York a rendu une décision intéressante en matière de casino virtuel off shore. Le fait que le premier procès de ce type ait eu lieu à New-York n’est pas indifférent. On sait que le procureur Eliot Spizer de cet Etat a été le premier à constituer au sein…
La State Supreme Court de l’Etat de New-York a rendu une décision intéressante en matière de casino virtuel off shore. Le fait que le premier procès de ce type ait eu lieu à New-York n’est pas indifférent. On sait que le procureur Eliot Spizer de cet Etat a été le premier à constituer au sein de son office une cellule Internet très active.
Les faits
WIGC est une société du Delaware et possède des bureaux à New York. WIGC est la société mère de GCC, une filiale située sur l’île d’Antigua.
GCC a reçu une licence du gouvernement d’Antigua pour exploiter un casino. Via des contrats conclus par WIGC, GCC a réalisé un casino virtuel dont elle a fait la promotion, notamment dans un journal américain à diffusion nationale. WIGC a également directement orchestré des campagnes de promotion.
En outre WIGC recrutait activement des investisseurs, offrant des actions privilégiées de la société avec des promesses de plus-value importante. Elle a ainsi récolté 1.843.665 US$ venant d’environ 114 investisseurs, dont 10 sont résidents de l’Etat de New York.
Les arguments juridiques en présence
Les poursuites se basent notamment sur l’article 9 (1) de la Constitution de l’Etat qui interdit toute activité de jeu et paris non dûment autorisée.Les défendeurs n’ont pas manqué d’invoquer l’absence de juridiction de l’Etat de New York, et l’inapplicablilité de la loi new-yorkaise :
Respondents contend that the transactions occurred offshore and that no state or federal law regulates Internet gambling. They claim that they were operating a duly licensed legitimate business fully authorized by the government of Antigua and in compliance with that country’s rules and regulations of a land-based casino.
They further argue that the federal and state laws upon which the State relies either do not apply to the activities of WIGC or are too vague and ambiguous to criminalize the activity of Internet gambling, when such activity is offshore in Antigua.
Le tribunal compétent
Le juge commence par souligner le nombre important d’éléments qui raccrochent les activités de WIGC à l’Etat de New York :
Respondents in this case are clearly doing business in New York for purposes of acquiring personal jurisdiction. Although WIGC was incorporated in Delaware, WIGC operated its entire business from its corporate headquarters in Bohemia, New York. All administrative and executive decisions as well as the computer research and development of the Internet gambling website were made in New York. The cold-calls to investors to buy WIGC stock were made by WIGC agents employed and operating from this location.
Thereafter, respondents sent its prospectus and other solicitation materials about Internet gambling from the Bohemia, New York location. WIGC’s continuous and systematic contacts with New York established their physical presence in New York. WIGC and the other respondents are doing business in New York. They worked from New York in conjunction with another New York-based company Imajix Studios, to design the graphics for their Internet gambling casino. From their New York corporate headquarters, they downloaded, viewed, and edited their Internet casino website.
Furthermore, respondents engaged in an advertising campaign all over the country to induce people to visit their website and gamble. Knowing that these ads were reaching thousands of New Yorkers, respondents made no attempt to exclude identifiable New Yorkers from the propaganda. Phone logs from respondents’ toll-free number (available to casino visitors on the GCC website) indicate that respondents had received phone calls from New Yorkers. Respondents cannot dispute that they do business in New York and that the acts complained of are subject to this court’s jurisdiction.
Il constate ensuite que GCC n’est qu’une façade pour masquer WIGC qui est le véritable maître des activités :
The evidence indicates that GCC is a corporation completely dominated by WIGC. Aside from it being a wholly owned subsidiary of WIGC, GCC’s primary asset, the website, was purchased by WIGC pursuant to a corporate decision by WIGC’s CEO respondent Mr. Burton. The use of the GCC casino website was handled from WIGC’s corporate headquarters. From WIGC’s New York office, respondents also actively solicited investors to buy WIGC shares. Although WIGC was conducting operations from New York, WIGC failed to register with the State: as a foreign corporation doing business in New York, the stock offering, the brokers, dealers, issuers, or salespersons for the offering. All GCC top employees were hired by and reported to WIGC. WIGC itself contracted to buy GCC casinos website servers from AIE. Whenever GCC’s servers required servicing, AIE provided GCC with services pursuant to a contract executed between WIGC and AIE. Furthermore, the licensing agreement with AIE was executed by respondent Burton as CEO of WIGC and GCC.
At no time were any formalities observed to maintain a financial distinction between the two entities. GCC did not repay WIGC for the purchase of computer servers, nor did GCC execute any formal documents to commemorate the transfer sale of the servers. Therefore, the corporate form is disregarded and GCC will be deemed an alter ego of WIGC.
Ayant ainsi établit son pouvoir de juridiction sur WIGC, et considérant que GCC n’est qu’une façade de cette première société, le juge se déclare compétent pour juger des activités des deux entités..
Le droit applicable
La décision rappelle que selon le droit pénal new-yorkais, lorsque le parieur est situé dans l’Etat c’est cet Etat qui est considéré comme étant le lieu dans lequel le pari a été réalisé. Et le magistrat d’estimer que :
It is irrelevant that Internet gambling is legal in Antigua. The act of entering the bet and transmitting the information from New York via the Internet is adequate to constitute gambling activity within the New York state.
Lorsqu’il s’agit d’affirmer l’application du droit pénal new-yorkais, nous pouvons suivre le raisonnement du juge.
Par contre, nous sommes moins convaincus par le raisonnement a contrario que tient le magistrat qui dit (traduction libre) « ne pouvoir admettre les conséquences importantes qui découleraient d’une validation des moyens avancés par la défense. Cela réduirait considérablement la portée de la loi New-Yorkaise, et équivaudrait à exonérer systématiquement toute personne qui réaliserait via l’Internent des activités autrement punies dans le monde réel ».
Cette affirmation nous paraît beaucoup trop vague pour être suivie. Le fait que l’ubiquité du réseau pose problème ne saurait justifier à lui seul que toutes les lois du monde s’y appliquent simultanément. Rappelons par exemple que la liberté d’expression n’est pas reconnue partout dans le monde ; est-ce un motif suffisant pour instaurer une censure systématyique du réseau ?
Il faut un critère de rattachement pour appliquer un droit national à une activité réalisée sur le réseau. Cette condition semble du reste satisfaite dans le cas d’espèce qui était soumis au juge. Pourquoi dès lors ne pas avoir simplement rappelé ce rattachement à la loi new-yorkaise, plutôt que de procéder par un raisonnement a contrario beaucoup trop général et fort peu solide ?La décision est en ligne sur la page web du procureur de l’Etat de New-York.