Le rapport Lescure suggère de supprimer la HADOPI
Publié le 12/05/2013 par Etienne Wery
Le rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » a été remis aujourd’hui par Pierre Lescure au Président de la République et à la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti. Parmi les recommandations : la suppression de l’HADOPI et le transfert de ses compétences au CSA.
La mission Lescure
Les trois objectifs de la mission :
- Dans le souci de défendre les créateurs, la mission devait produire des conclusions sur les termes d’une lutte efficace contre les pratiques illégales, mise en place avec nos partenaires européens et qui tienne compte des attentes et des pratiques sociales.
- La régulation des flux financiers associés à la création impliquait aussi de définir les mécanismes qui garantiront un équilibre meilleur et éviteront la concentration progressive de la valeur créée par les échanges, du côté des opérateurs les plus puissants.
- La prise en compte des attentes des publics et la volonté d’offrir un accès du numérique au plus grand nombre supposaient de faire des propositions sur le financement de la numérisation, sur l’adaptation de l’offre à la demande, sur les mécanismes de financement de la création, sur les modalités de gestion des droits.
Les recommandations
La mission a pu dresser un panorama très complet et mener une réflexion approfondie sur les enjeux des industries culturelles dans l’univers numérique. Cela conduit à adapter les outils classiques de politique culturelle, fondés sur des mécanismes de solidarité entre la création en amont et ses modes de diffusion en aval. La mission propose des pistes d’évolution de ces outils, dits « d’exception culturelle », et fait 80 propositions, en trois axes : l’offre légale en ligne et l’accès des publics à cette offre ; la rémunération des créateurs et le financement de la création ; la défense et l’adaptation du droit d’auteur dans l’ère numérique (y compris la lutte contre le piratage).
Les mesures sur l’amélioration de l’offre légale portent sur l’extension de cette offre, sa rationalisation, son prix et son ergonomie. Le rapport propose notamment de réfléchir à des aménagements de la chronologie des médias, aux modes de financement de la numérisation, de la production et de la distribution des œuvres. Il suggère des dispositifs facilitant l’accès et l’utilisation des contenus pour les internautes. Il estime que la convergence numérique oblige à repenser la régulation des contenus culturels et propose de faire évoluer en conséquence les compétences du CSA.
S’agissant du financement de la création, la mission constate que l’entrée dans le numérique a entraîné un transfert de valeur très important des contenus vers les opérateurs de diffusion (fournisseurs d’accès à internet, matériels connectables, moteurs de recherche). Le rapport appelle à la vigilance sur le partage de revenus dans l’univers numérique, afin que les créateurs récupèrent le juste fruit de leur création. Il préconise d’intégrer les fabricants d’appareils connectés dans le financement de la création, permettant de rééquilibrer ce transfert de valeur vers les créateurs et donnant des perspectives nouvelles à des industries culturelles menacées (musique, photo…), qui jouent pourtant un rôle essentiel dans notre économie. Il s’agit de retrouver un outil à la fois puissant et adapté de politique culturelle dans l’univers numérique, tel qu’il en existe dans l’univers analogique.
La mission propose que la lutte contre le piratage soit réorientée en direction des sites contrefaisants, en s’appuyant, entre autres, sur les intermédiaires techniques (régies publicitaires, systèmes de paiement, etc.). Elle préconise de réaménager profondément la réponse graduée, en supprimant la sanction de la coupure d’accès à internet, en dépénalisant le régime de sanctions et en développant les aspects pédagogiques. Il est proposé de supprimer la HADOPI et d’adosser le nouveau dispositif à une autorité administrative existante.
Ces propositions doivent dorénavant être analysées et discutées. Le ministère de la culture et de la communication entendra les principaux acteurs concernés et souhaitant faire part de leurs réactions. Plusieurs rendez-vous sont déjà fixés : une première présentation aux professionnels dès le 13 mai, des Assises de l’audiovisuel le 5 juin prochain, une réunion de travail avec la filière musique le 6 juin. D’autres échéances seront rapidement programmées, sectorielles (photographie, jeu vidéo…) ou transversales (mise en place de groupes de réflexion sur la lutte contre le piratage commercial, etc.). L’objectif est de parvenir à un premier train de mesures dès le mois de juin prochain, en concertation avec l’ensemble des ministères concernés déjà associés au comité de pilotage de la mission.
Aurélie Filippetti a félicité Pierre Lescure et son équipe pour l’important travail réalisé. Grâce à une concertation large, s’appuyant notamment sur des déplacements en région et associant tous les professionnels, les propositions ont pu être construites sur la base d’une réflexion riche, explorant et expliquant tous les aspects de l’exception culturelle, cette notion qui reste au cœur de la politique culturelle en France. La ministre de la culture et de la communication adresse ses remerciements à la mission.
Plus d’infos ?
En consultant le site du ministère où le rapport peut être intégralement téléchargé.