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Le PSG perd un nouveau match, mais sur le terrain…juridique

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Le récent jugement rendu par le tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris est l’occasion de se pencher sur l’usage problématique des noms de clubs de football et de compétitions sportives, qui sont autant de marques protégées. Cet usage révèle une absence de prévisibilité juridique préjudiciable à tous les acteurs concernés.

Après avoir connu une saison difficile sur le plan sportif, le PSG a subi une nouvelle désillusion non pas sur la pelouse du Parc des Princes, mais devant les juges. Le célèbre club de football vient d’être débouté de son action en contrefaçon et parasitisme commercial intentée contre deux opérateurs de jeux en ligne, Unibet et Bwin International.

Semble se confirmer que le contentieux lié aux paris en ligne, qui classiquement portait sur l’atteinte aux libertés communautaires d’établissement et de prestation de services, s’est déplacé sur le terrain de l’atteinte aux droits exclusifs de propriété intellectuelle.

En effet, il s’agit là de la troisième affaire relative aux jeux en ligne et au droit des marques, soumise au TGI de Paris en l’espace de six mois. Cependant ces trois décisions peuvent surprendre les observateurs : si les faits sont similaires, les solutions des juges divergent.

Ainsi, les trois jugements rendus par le TGI Paris, plutôt que de conforter la position de l’un ou l’autre camp, plonge les acteurs du marché dans une imprévisibilité juridique qui leur est préjudiciable.

A l’heure de la dérèglementation du jeu en ligne, il est nécessaire pour les opérateurs et les équipes ou organisateurs de compétitions sportives de connaître l’étendu de leurs droits. Cet article n’envisage pas le problème de la confrontation de la législation française en matière de jeux et paris en ligne avec la libre prestation de services de l’article 49 CE, mais souligne les difficultés juridiques que suscite l’usage, par les sociétés de paris en ligne, du nom des équipes qui sont autant de marques déposées.

La jurisprudence récente du TGI a entrepris de définir le périmètre des droits exclusifs des clubs de football et des organisateurs de compétitions mais n’est pas parvenue à apporter une réponse dénuée d’ambigüité à la question de savoir si l’utilisation de leurs noms, par un opérateur de paris en ligne, est constitutive de contrefaçon (1) ou d’agissement parasitaire (2).

 

Un usage constitutif de contrefaçon ?

  

Dans les trois affaires soumises aux juges parisiens, la question de la violation des droits conférés par la marque fut évoquée. Les demandeurs, qu’ils soient organisateur de compétition sportive, comme la Fédération Française de Tennis (FFT) ou clubs de football, la Juventus et le PSG, ont attaqué différents opérateurs de paris en ligne sur le terrain de la contrefaçon.

 

L’article L.713-1 du Code de la propriété intellectuelle confère des droits exclusifs au titulaire d’une marque,  qui bénéficie ainsi d’un « droit de propriété » sur les produits et services que l’enregistrement désigne. En d’autres termes, il a le pouvoir d’interdire aux tiers d’user d’une marque sans l’autorisation de son titulaire, et de concéder des licences pour son utilisation contre rémunération sous la forme de redevances.

 

Les requérants, dans les trois affaires, ont déposé des marques identiques aux noms de leurs clubs et compétitions respectifs, qu’elles soient verbales ou semi-figuratives, nationales ou communautaires et font grief aux sociétés de paris en ligne de violer leurs droits intellectuels. En effet, selon les sociétés demanderesses, les opérateurs de paris en ligne se rendent coupables de contrefaçon en reproduisant servilement les marques protégées sur leurs sites internet.

La contrefaçon procède de la reproduction d’une marque, sans autorisation du propriétaire

Le point commun aux trois décisions réside dans l’argument avancé par les sociétés de paris en ligne, pour justifier de l’absence de contrefaçon : elles emploient les dénominations en cause, non pas à titre de marque, mais dans le but de désigner les clubs ou évènements sportifs, objets de paris potentiels.

Le raisonnement des juges dans les trois jugements obéit à une logique identique pour aboutir à des solutions divergentes.

D’une part, il fut considéré à chaque fois, que l’utilisation des signes (noms des clubs) constitue un usage à titre de marque. D’autre part, les juges ont confronté cet usage à l’utilisation « à titre informatif d’une marque ». Les trois jugements conviennent que l’utilisation de périphrases pour désigner les équipes est impossible sauf à induire les clients des bookmakers en erreur.

En effet, l’article 713-6 du code de la propriété intellectuelle (CPI)[1] prévoit que « l’enregistrement d’une marque ne peut faire obstacle à l’utilisation du même signe » comme « référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service (…) à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine ».

 

C’est à ce titre que se cristallise la divergence des solutions, source d’imprévisibilité juridique.

 

En effet, la 3ème section de la  3ème chambre du TGI Paris, le 30 janvier 2008, dans l’affaire « Juventus »  a rappelé que l’utilisation de la marque  au titre de l’article L713-6 du CPI est une exception au monopole conféré par la marque et doit « être limitée aux utilisations strictement nécessaires à l’activité de paris en ligne ». Le TGI a adopté une position restrictive en considérant que l’opérateur de paris en ligne utilisait la marque Juventus à des fins publicitaires et se rendait coupable de contrefaçon.

En revanche, la 2ème section de la 3ème chambre du TGI Paris (affaire « FFT ») et la 1ère section de la 3ème chambre du même tribunal (dernière affaire en date, l’affaire « PSG »), ont considéré, sur le fondement de l’article L713-6, que la contrefaçon de marque n’était pas constituée. Les juges, ont abandonné ici le critère de l’ « utilisation strictement nécessaire » employé par la 3ème section, au profit de celui, plus souple,  de la « référence nécessaire ».

 

Il en ressort qu’au sein de la même juridiction, deux solutions divergentes, reposant sur des faits similaires et s’appuyant sur les mêmes fondements juridiques, ont émergé.

Il nous semble que l’approche de la 3ème section de l’affaire « Juventus » est trop stricte et contredit la liberté de commerce et d’industrie. Il serait souhaitable, si de tels litiges venaient à se présenter de nouveau, que les juges réitèrent la solution des 1ère  et 2ème sections.

 

Un usage parasitaire ?

  

On le sait l’activité de paris sportifs en ligne permet aux joueurs de miser sur l’issue des matches qui impliquent notamment des clubs de football. Ces sites font expressément référence aux noms des clubs et des compétitions pour permettre à leurs clients d’identifier les équipes et de préparer au mieux leurs mises.

 

Faute de constituer une contrefaçon (à l’exception du jugement « Juventus »), cette utilisation d’une marque par des bookmakers constituerait un agissement parasitaire selon les clubs de football et la FFT. Cette action est subsidiaire à celle de l’action en contrefaçon et doit se fonder sur des faits différents. A ce titre, dans le jugement « Juventus », la demande portant sur le parasitisme fut rejetée. En revanche la question de savoir, si un agissement parasitaire a été constitué fut traitée dans les affaires « FFT » et « PSG ». Toutefois, les solutions rendues s’opposent.

 

Le parasitisme s’analyse en une prise de la substance de l’autre, ainsi appauvri et parfois même conduit à un dépérissement[2]. En d’autres termes, le parasite se place dans le sillage d’un tiers pour profiter de ses efforts et investissements sans bourse délier. Traditionnellement, la doctrine distingue le parasitisme, qui suppose deux opérateurs en situation de concurrence, de l’agissement parasitaire, qui intervient en l’absence de concurrence.

 

Le jugement « FFT » illustre en quoi l’utilisation sur un site de paris sportifs du nom Roland Garros est constitutif d’un agissement parasitaire engageant la responsabilité civile du bookmaker. Dans cette affaire, la désignation du tournoi parisien servait notamment à inciter le consommateur à parier sur un autre évènement sportif, à savoir les internationaux d’Australie. Les juges en ont déduit qu’était démontrée « la volonté de la société de promouvoir son activité de paris en ligne en faisant référence, sans nécessité aux internationaux de France de tennis ». Dès lors, selon la 2ème section de la 3ème chambre du TGI, l’opérateur s’est placé délibérément dans le sillage de la FFT pour tirer profits des efforts réalisés, sans bourse délier.

 

En revanche, les juges parisiens de la  1ère  section, dans « l’affaire PSG » relevèrent que les bookmakers en cause proposaient des paris sur des « évènements sportifs susceptibles d’intéresser les internautes parieurs en matière de football comme dans divers autres sports ». Faute de pouvoir établir, qu’en annonçant sur leurs sites les matchs auxquels participe le PSG, les sociétés de paris en ligne connaissent une augmentation de leur bénéfice, les juges ont débouté le PSG de sa demande fondée sur le parasitisme commercial.

 

A l’évidence, les solutions rendues en matière de parasitisme commercial par le TGI Paris divergent. Cependant, à la différence des solutions relative à la contrefaçon, on ne peut déplorer l’absence de prévisibilité juridique. Ce n’est pas l’utilisation d’une marque par un site de paris en ligne qui avait été considérée comme parasitaire, mais son usage à titre de support publicitaire d’un jeu concours.

 

Les différentes décisions rendues par le TGI sur la question du parasitisme sont empreintes d’une certaine cohérence. Ainsi, dans le jugement « Juventus », faute de faits distincts de ceux sur lesquels était fondée l’action en contrefaçon, les juges ont rejeté la demande fondée sur le parasitisme. Dans le jugement « FFT », c’est la volonté de profiter de la renommée de Roland Garros pour promouvoir une activité qui a été jugée parasitaire. Une définition du  périmètre de l’utilisation du nom des équipes et des événements sportifs semble donc se dégager de ces trois arrêts.

 

Conclusion

 

Il apparaît que le jugement rendu par le TGI le 17 juin 2008 dans l’affaire PSG, s’il est le premier favorable aux opérateurs de jeux en ligne, ne permet pas d’affirmer qu’il s’agit d’un revirement eu égard les précédentes décisions prononcées en 2008. Il ressort de ces trois décisions une réelle insécurité juridique préjudiciable à la défense des intérêts des acteurs du marché, bookmakers et titulaires des marques.

Ce jugement intervient alors que les conditions de l’ouverture du secteur des jeux en ligne se précisent. Si nous ne pensons pas que le paiement de droits aux clubs par les opérateurs de paris en ligne soit une solution à privilégier, à tout le moins serait-il utile que le Législateur prévoit une disposition pour permettre à ces sociétés de citer les clubs et compétitions sportives, supports des paris proposés.

[1] Transposant l’article 6 de la directive n° 89/104/CEE

[2] CA Paris, 18 mai 1989

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