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Le « pschit » de l’ouverture d’une canette n’est pas une marque sonore

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Un fichier audio contenant le son qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence et d’un pétillement, ne peut pas être enregistré en tant que marque pour différentes boissons et pour des conteneurs pour transport et entrepôt en métal, dans la mesure où il ne présente pas un caractère distinctif

Un fameux culot !

Il y en a qui ne doutent de rien … ou alors qui se disent qu’ils ne perdent rien d’essayer.

C’est ce qu’a dû penser Ardagh Metal Beverage Holdings GmbH & Co. KG, société allemande ayant introduit une demande d’enregistrement d’un signe sonore en tant que marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Ce signe, présenté par le biais d’un fichier audio, rappelle le son qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence d’environ une seconde et d’un pétillement d’environ neuf secondes.

Comme de bien entendu, l’enregistrement a été demandé pour  … différentes boissons ainsi que pour des conteneurs pour transport et entrepôt en métal.

Jackpot assuré si chaque canette ouverte dans le monde implique une licence et un paiement …

Pas une marque sonore

L’EUIPO a rejeté cette demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

Dans son arrêt, le Tribunal de l’Union européenne rejette le recours d’Ardagh Metal Beverage Holdings et se prononce, pour la première fois, sur l’enregistrement d’une marque sonore présentée en format audio. Il apporte des précisions quant aux critères d’appréciation du caractère distinctif des marques sonores et à la perception de ces marques en général par les consommateurs.

Tout d’abord, le Tribunal rappelle que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques sonores ne diffèrent pas de ceux applicables aux autres catégories de marques et qu’un signe sonore doit posséder une certaine prégnance permettant au consommateur visé de le percevoir en tant que marque et non pas comme un élément de nature fonctionnelle ou un indicateur sans caractéristique intrinsèque propre. Ainsi, le consommateur des produits ou des services en cause doit pouvoir, par la seule perception de la marque, sans qu’elle soit combinée à d’autres éléments tels que, notamment, des éléments verbaux ou figuratifs, voire une autre marque, faire le lien avec leur origine commerciale.

Pas de caractère distinctif

Ensuite, dans la mesure où l’EUIPO a appliqué par analogie la jurisprudence selon laquelle seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur n’est pas dépourvue de caractère distinctif, le Tribunal souligne que cette jurisprudence a été développée par rapport aux marques tridimensionnelles consistant en la forme du produit lui-même ou de son emballage, alors qu’il existe une norme ou des habitudes du secteur concernant cette forme. Or, dans un tel cas, le consommateur concerné qui est accoutumé à voir une ou des formes correspondant à la norme ou aux habitudes du secteur ne percevra pas la marque tridimensionnelle comme une indication de l’origine commerciale des produits si sa forme est identique ou similaire à la ou aux formes habituelles.

Le Tribunal ajoute que cette jurisprudence n’établit pas de nouveaux critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque, mais se limite à préciser que, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle que dans le cas d’une marque verbale, figurative ou sonore, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect extérieur ou de la forme des produits. Par conséquent, le Tribunal juge que ladite jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles ne saurait, en principe, être appliquée aux marques sonores.

Un élément technique et fonctionnel

Toutefois, bien que l’EUIPO ait appliqué, à tort, cette jurisprudence, le Tribunal constate que cette erreur n’est pas de nature à vicier le raisonnement exposé dans la décision attaquée qui se fonde également sur un autre motif.

S’agissant de cet autre motif, tiré de la perception de la marque demandée par le public pertinent comme étant un élément fonctionnel des produits en cause, le Tribunal observe, d’une part, que le son émis lors de l’ouverture d’une canette sera effectivement considéré, eu égard au type de produits, comme un élément purement technique et fonctionnel. En effet, l’ouverture d’une canette ou d’une bouteille est intrinsèque à une solution technique liée à la manipulation de boissons afin de les consommer, un tel son ne sera donc pas perçu comme l’indication de l’origine commerciale de ces produits.

D’autre part, le public pertinent associe immédiatement le son du pétillement des bulles à des boissons.

En outre, le Tribunal relève que les éléments sonores et le silence d’environ une seconde, pris dans leur ensemble, ne possèdent aucune caractéristique intrinsèque leur permettant d’être perçus par ce public comme étant une indication de l’origine commerciale des produits. Ces éléments ne sont pas assez prégnants pour se distinguer des sons comparables dans le domaine des boissons.

Partant, le Tribunal confirme les conclusions de l’EUIPO quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

Enfin, le Tribunal réfute le constat de l’EUIPO selon lequel il serait inhabituel sur les marchés des boissons et de leurs emballages de ne signaler l’origine commerciale d’un produit qu’à l’aide de sons au motif que ces produits sont silencieux jusqu’à ce qu’ils soient consommés. En effet, le Tribunal relève que la plupart des produits sont silencieux en eux-mêmes et ne produisent un son qu’au moment de leur consommation. Ainsi, le simple fait qu’un son ne puisse retentir que lors de la consommation ne signifie pas que l’usage de sons pour signaler l’origine commerciale d’un produit sur un marché déterminé serait encore inhabituel. Le Tribunal explique cependant qu’une éventuelle erreur de l’EUIPO à cet égard n’entraîne pas l’annulation de la décision attaquée car elle n’aurait pas eu d’influence déterminante sur le dispositif de cette décision.

Plus d’infos

La décision est téléchargeable en annexe.

Ce n’est pas la première fois qu’un opérateur économique tente, via la propriété intellectuelle ou industrielle, de monopoliser des éléments courants. On songe à la saga du smiley, ou plus récemment à cette société néerlandaise croyait détenir un droit d’auteur sur la saveur du fromage qu’elle avait développé (voir notre actu à ce sujet).

Droit & Technologies

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