Le PDG de Yahoo! sera jugé personnellement par un juge correctionnel français en raison des enchères sur son site américian
Publié le 27/02/2002 par Etienne Wery
Le procès Yahoo ! restera pour longtemps emblématique. Il oppose la société américaine à diverses associations françaises de lutte contre le racisme, qui lui reprochent la présence d’objets magnifiant la nazisme dans les rubriques de ventes aux enchères de son site américain. Ces faits ont donné lieu à des actions multiples des deux côtés de…
Le procès Yahoo ! restera pour longtemps emblématique. Il oppose la société américaine à diverses associations françaises de lutte contre le racisme, qui lui reprochent la présence d’objets magnifiant la nazisme dans les rubriques de ventes aux enchères de son site américain.
Ces faits ont donné lieu à des actions multiples des deux côtés de l’Atlantique.
-
En France d’abord, où fut tourné le premier acte de cette saga judiciaire. A la requête desdites associations, le TGI de Paris se reconnaissait compétent pour juger des faits, au motif que le site, bien qu’américain, était accessible depuis la France (le site français de Yahoo ne comportait pas ce genre d’enchères interdites en France mais tolérées aux USA en raison d’une interprétation différente de la liberté d’expression).
-
En France toujours, où le deuxième acte a donné lieu à une décision ordonnant le filtrage des informations, de telle sorte que les visiteurs français n’y aient plus accès.
-
En Californie ensuite, où le troisième acte a vu Yahoo prendre les devants dans son pays d’origine. Elle a obtenu d’un juge californien une sorte de décision « préventive » estimant que la décision française violait le premier amendement de la Constitution américaine et ne pouvait recevoir d’exequatur aux USA. Et le juge américain d’estimer que :
Yahoo! seeks a declaration from this Court that the First Amendment precludes enforcement
within the United States of a French order intended to regulate the content of its speech over the
Internet. Yahoo! has shown that the French order is valid under the laws of France, that it may be
enforced with retroactive penalties, and that the ongoing possibility of its enforcement in the United
States chills Yahoo!’s First Amendment rights. Yahoo! also has shown that an actual controversy
exists and that the threat to its constitutional rights is real and immediate. Defendants have failed to
show the existence of a genuine issue of material fact or to identify any such issue the existence of which
could be shown through further discovery. Accordingly, the motion for summary judgment will be
granted. The Clerk shall enter judgment and close the file.
On pouvait croire que les choses allaient en rester là, d’autant qu’entre-temps la convention internationale sur la cybercriminalité a été signée au sein du Conseil de l’Europe, et que les USA se sont publiquement dits intéressés de la signer volontairement. Dans la foulée, le Conseil de l’Europe adoptait un Protocole complémentaire sur le racisme sur l’internet.
Les choses viennent pourtant de bouger.
En effet, Tim Koogle, fondateur et PDG charismatique de Yahoo!, a été poursuivi personnellement devant le tribunal correctionnel parisien par une association d’anciens déportés d’Auschwitz.
Cette semaine, le tribunal a rendu une première décision : il se dit compétent pour juger des faits en observant que ce site est accessible aux internautes sur le territoire français.
Le Tribunal a ajouté que les faits n’étaient pas prescrits : chaque modification du site par une nouvelle mise en vente constitue une mise à jour et donc une nouvelle infraction qui fait repartir le délai de prescription de trois mois.
Un procès au fond aura donc lieu, probablement avant l’été.
Plus d’infos ?
En lisant les articles et études sur cette affaire, en ligne sur notre site.
En consultant les décisions rendues, en ligne sur notre site.