Le parlement européen limite les droits du consommateur sur l’internet
Publié le 24/09/2000 par Etienne Wery
Décidemment, la question de la juridiction compétente et de la loi applicable dans les contrats conclus avec les consommateurs, est un dossier chaud à multiples rebondissements. On pensait l’affaire conclue depuis la proposition de la Commission de Règlement modifiant la Convention de Bruxelles de 1968, mais le Parlement européen freine des quatre fers. Rétroactes ……
Décidemment, la question de la juridiction compétente et de la loi applicable dans les contrats conclus avec les consommateurs, est un dossier chaud à multiples rebondissements. On pensait l’affaire conclue depuis la proposition de la Commission de Règlement modifiant la Convention de Bruxelles de 1968, mais le Parlement européen freine des quatre fers.
Rétroactes …
Le régime actuel
Actuellement, la question de la juridicition compétente dans les contrats conclus avec les consommateurs est réglée par l’article 13 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l´exécution des jugements en matière civile et commerciale.
Sans entrer dans les détails, il faut retenir que l’action intentée contre le consommateur doit l’être dans le pays du consommateur, tandis que l’action intentée par le consommateur peut l’être, à sa discrétion, soit devant les tribunaux de son domicile soit devant ceux du domicile de l’autre partie, et ce dans les hypothèses suivantes :
- lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;
- lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liée au financement d’une vente de tels objets ;
- pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels, sous les deux conditions cumulatives que :
- la conclusion du contrat ait été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que
- le consommateur ait accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat.
- la conclusion du contrat ait été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que
C’est principalement le point 3 qui pose problème sur l’internet. Qu »est-ce qu’une proposition « spécialement faite », une « publicité » ou un acte nécessaire » ? La présentation d’une offre de conclure surune page web satisfait-elle ces critères, ce qui implique que le consommateur pourrait assigner quasi systématiquement chez lui.
La réforme de la Convention de Bruxelles
Depuis longtemps, la Commission européenne a initié une réflexion sur la modification de la Convention de Bruxelles, notamment pour la mettre en concordance avec le commerce électronique (voy. notre actualité du 5 août 1999).
Pour éclairer l’importante question ci-dessus, le Considérant 13 de la proposition de la Commission stipule que
Il y a lieu de tenir compte du développement croissant des nouvelles technologies de communication, notamment dans le domaine de la consommation ; en particulier la commercialisation de biens ou de services par un moyen électronique accessible dans un État membre constitue une activité dirigée vers cet État ; lorsque cet État est celui du domicile du consommateur, celui-ci doit pouvoir bénéficier de la protection qui lui est offerte par le règlement lorsqu’il souscrit depuis son lieu de domicile un contrat de consommation par un moyen électronique.
Cette disposition est éclairée par l’exposé des motifs, qui précise que
Le simple fait que le consommateur ait pris connaissance d’un service ou de la possibilité d’acheter des marchandises via un site internet passif accessible dans l’État de son domicile ne suffit pas à faire jouer la compétence protectrice.
Autrement dit, la Commission propose d’utiliser le critère « d’activité dirigées », et introduit une présomption d’activité dirigée lorsque le contrat est conclu sur l’internet.
Depuis cette proposition, les clans s’opposent furieusement : d’un côté l’industrie crie « casse-cou » devant cette universalisation de la juridiction applicable, tandis que les consommateurs clament qu’il est impossible de leur demander d’assigner à l’autre bout de la terre pour des sommes souvent dérisoires …
Le feu orange du Parlement européen
Devant le Parlement, l’industrie et les associations de consommateurs se sont chacun livrés à un lobbying intensif. Manifestement, les parlementaires se sont montrés sensibles à laposition de l’industrie.
Le Parlement européen a émis le 21 septembre une « Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de règlement du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (COM(1999) 348 final – C5-0169/1999 – 1999/0154(CNS)) ». Cette résolution est clairement moins favorable que la proposition de la Commission.
Le ton avait été donné par la commission juridique du Parlement, qui avait, à une faible majorité, décidé de modifier la clause de juridiction afin de permettre à l’entreprise de choisir la juridiction, afin de faire en sorte qu’elle ne puisse être poursuivie qu’à l’endroit où elle est enregistrée.
Cette approche a été rejetée par l’assemblée plénière, mais du bout des lèvres. Pour rencontrer les craintes exprimées par les entreprises, le Parlement européen a en effet adopté un amendement qui restreit fortement le régime introduit par la Commission. L’amendement 13 proposé par le Parlement devient (en gras les modifications par rapport à la proposition de la Commission) :
Il y a lieu de tenir compte du développement croissant des nouvelles technologies de communication, notamment dans le domaine de la consommation. En particulier la commercialisation de biens ou de services par un moyen électronique accessible dans un État membre constitue une activité dirigée vers cet État lorsque le site commercial en ligne est un site actif en ce sens que l’opérateur dirige intentionnellement son activité, de façon substantielle, vers cet autre État; lorsque cet État est celui du domicile du consommateur, celui-ci doit pouvoir bénéficier de la protection qui lui est offerte par le règlement lorsqu’il souscrit depuis son lieu de domicile un contrat de consommation par un moyen électronique. Toutefois, sous réserve de la Convention de Rome sur le droit applicable aux obligations contractuelles1 et des dispositions du droit européen applicable au commerce électronique, la loi applicable à la fourniture des biens ou services en question demeure celle du pays d’origine du fournisseur des biens ou services;
La présomption d’activité dirigée est donc limitée par l’introduction de nouveaux critères que sont l’intention du vendeur et l’existence d’une activité substantielle.
La proposition ainsi modifiée à été transmise à la Commission. L’avenir dira ce qu’il en est.
Plus d’infos
En effectuant une recherche sur ce sit sous le mot-clef juridiction compétente ».