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Le nouveau droit des paris sportif est-il compatible avec le droit communautaire ?

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Le nouveau « droit aux paris » prévu dans la future loi sur l’ouverture du secteur des jeux de hasard en ligne est-il compatible avec le droit communautaire ? Cette prérogative a fait l’objet d’une notification de la Commission Européenne en 2009 afin d’informer la France de difficultés réelles. Mais le législateur français en a-t-il tiré toutes les conséquences ? Rien n’est moins sûr à la lecture des derniers travaux de la Commission des finances en date du 22 juillet 2009.

Un nouveau droit aux paris pour les organisateurs d’évènements sportifs

Petit rappel : Ce nouveau droit aux paris permet aux fédérations sportives d’autoriser et de faire payer les opérateurs de jeux proposant des services de paris sportifs. De nombreux opérateurs de jeux pourraient se voir poursuivis en justice par les fédérations pour ne pas avoir conclu de contrats d’exploitation. Une incertitude existe en droit sur le fait de savoir si les dispositions actuelles du Code du sport[1] permettent un tel contrôle sur les offres de paris. Si cet article est adopté, la question sera tranchée ! 

En effet, l’article 52 du projet de loi prévoit que l’utilisation à des fins commerciales, de tout élément caractéristique des manifestations ou compétitions sportives, notamment leur dénomination, leur calendrier, leurs données ou leurs résultats, ne peut être effectuée sans le consentement des propriétaires des droits d’exploitation. Cette disposition vise au premier plan l’offre de paris.

Une remise en cause par Bruxelles 

Cette limitation à la liberté d’offrir un service de paris n’a pas été validée par la Commission Européenne. Bruxelles relève tout d’abord une évidence : ce nouveau droit empêche ou, en tout cas, rend moins attractif l’offre de paris sportifs en France. Ce nouveau droit pourrait alors être contraire à l’article 49 du Traité CE.  Ce dernier texte interdit les restrictions à la liberté de prestation de services en Europe sauf justifications particulières.

La Commission européenne rappelle ensuite plusieurs éléments à la mémoire du législateur français. Tout d’abord les restrictions à cette liberté devraient se fonder, soit sur la protection des consommateurs, soit sur la lutte contre la fraude ou l’addiction aux jeux. Mais, le financement d’activités bénévoles ou d’intérêt général comme le sport n’est pas un fondement acceptable pour limiter la liberté de prestation de services. En toutes hypothèses, la limitation envisagée doit être nécessaire pour poursuivre l’objectif affiché. C’est à l’Etat français de prouver que le même but ne saurait être atteint par une autre mesure moins réductrice de liberté. Enfin, ce nouveau droit est une première en Europe. Bruxelles remarque que ce droit aux paris ne rentre pas dans les catégories de droits qui sont harmonisés au niveau communautaire comme le droit d’auteur ou le droit des marques. Cet élément aura son importance quand il s’agira de gérer ce droit au niveau européen.

Ces critiques de la Commission ont été diversement appréciées.  Pour certains commentateurs, le projet français était remis en cause dans ses fondements. La France allait devoir abandonner son projet de nouveau droit. Pour d’autres, il fallait simplement que le législateur justifie différemment son texte. Un simple recadrage technique était suffisant.

Le Parlement français garde le cap

Il est encore trop tôt pour connaitre la version définitive du texte. Mais force est de constater que celui-ci n’a été que peu modifié lors des travaux de la Commission des finances par rapport à sa version initiale.

La lecture du rapport de J.F, Lamour du 22 juillet 2009 fait au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n°1549) est assez claire. (Disponible sur le site de l’Assemblée Nationale)

Le Parlement français garde le cap malgré la notification de la Commission Européenne. Les parlementaires ainsi que le Ministre ont très nettement opté pour le maintient du droit aux paris. A suivre les débats et les amendements sur l’article 52 du projet de loi, la notification de la Commission n’est évoquée qu’implicitement. Cette position reçoit l’appui des organisateurs d’évènements sportifs. A noter qu’un nouvel amendement vient solidifier la position des clubs de sport. Ceux-ci pourront faire fructifier leurs actifs incorporels (marque, images, bases de données) auprès des opérateurs de jeux. Il faudra dès lors bien distinguer le patrimoine des fédérations du patrimoine des clubs. Les futurs contrats d’exploitation avec les opérateurs de jeux ne porteront pas sur les mêmes actifs.

Afin de fonder ce droit, la jurisprudence récente du TGI de Paris est rappelée lors des débats[2]. On peut toutefois relever qu’une dernière décision du TGI de Paris en date du 9 décembre 2008 donne une interprétation moins extensive du monopole des organisateurs d’évènements sportifs[3]. Mais cette décision n’est pas citée. Par ailleurs, l’objection du « droit du public à l’information » qui empêcherait la mise en place de ce droit aux paris est rapidement écartée. En effet, le respect de ce principe est déjà assuré par toute une série d’articles du Code du sport[4] .

Mais surtout, le législateur se place dorénavant sur un nouveau fondement : le droit de propriété est « nécessaire pour assurer l’éthique des paris et la loyauté des compétitions sportives ». Il ne s’agit plus directement d’assurer le financement du monde sportif. Le changement de motivation est habile puisque la lutte contre la fraude est un des objectifs admis expressément par le Commission Européenne. On sait que l’un des risques soulevés par la libéralisation du marché des paris en ligne porte sur l’intégrité des compétitions sportives. Grâce à ce nouveau dispositif, les organisateurs de compétitions auront la possibilité d’insérer dans les contrats avec les opérateurs de paris des clauses limitant les risques d’atteinte à l’éthique sportive et à la loyauté des compétitions. On rappellera aussi que les Fédérations sportives et les ligues professionnelles souhaitent n’autoriser que les paris portant soit sur les résultats finaux des compétitions, soit sur des phases de jeux susceptibles d’avoir une incidence sur leurs issues. Enfin, cette nouvelle rémunération permettra aussi de couvrir les frais liés à la prévention et à la détection de la fraude. Le droit de la concurrence n’est pas oublié, car ce droit ne pourra pas faire l’objet d’accord exclusif avec un opérateur, le tout étant placé sous le contrôle de l’ARJEL pour éviter les abus.

Des interrogations qui subsistent

Ce maintient de cap laisse subsister certaines critiques. Au préalable, on rappellera que cette nouvelle manne financière risque de ne profiter qu’aux sports les plus médiatiques. Les opérateurs de jeux seront avant tout intéressés par le football ou le tennis. Du fait de la concurrence entre les opérateurs de jeux et à cause du niveau de taxes prévu, ceux-ci seront amenés à se tourner vers les sports les plus rentables. Certaines fédérations seront délaissées, et ce dispositif, en l’absence de mutualisation des revenus entre les fédérations, pourrait se révéler très inégalitaire.

On peut aussi s’étonner du lien « nécessaire » qui est fait entre la lutte contre la fraude et ce droit aux paris. La nécessité de la lutte contre la fraude est incontestable. Mais donner un droit d’autorisation aux fédérations est-il un moyen « nécessaire » pour atteindre cet objectif. Ne peut-on simplement inscrire dans la loi nouvelle des dispositions relatives aux obligations des opérateurs de jeux afin de lutter et de détecter la fraude. Le détour par un droit dit de « propriété » sur les paris est-il nécessaire ? Il ne suffit pas de modifier la motivation d’un texte pour le rendre compatible avec le droit communautaire. Encore faut-il démonter en quoi cette restriction est nécessaire pour aboutir au but poursuivi… Si des mesures moins limitatives en termes de liberté existent, elles devront lui être préférées. On peut estimer que les mécanismes de détection de la fraude sont indépendants de ce droit aux paris. Il n’est donc pas certain que le nouveau raisonnement du législateur emporte la conviction de Bruxelles.

Enfin, le législateur français fait ici cavalier seul : cette mesure est une première en Europe. En pratique, ce nouveau droit n’est donc absolument pas harmonisé au niveau européen. A la différence du droit d’auteur ou du droit des marques, il n’existe aucune directive à son sujet ni aucune convention internationale. Tout au plus connait-on une recommandation du Parlement européen du 8 mai 2008 qui invite les Etats-membres à assurer «  le respect (…) de toute exploitation dérivée des manifestations sportives ». Concrètement, ce nouveau droit n’existant pas dans les autres pays membres, on peut se demander jusqu’à quel point un opérateur de paris situé hors de France pourrait être soumis à autorisation et à prélèvement. Le système communautaire implique un minimum de coopération lors de la création de nouvelles normes. Internet ne connait pas les frontières. A défaut de prendre en compte cet aspect du problème, la mise en œuvre de cette prérogative vis-à-vis des opérateurs de jeux étrangers pourrait s’avérer complexe.

Affaire à suivre….


[1] Article L. 333-1 du Code du sport.

[2] Par exemple, dans un jugement du 30 mai 2008, le Tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 2ème section), dans un contentieux opposant la Fédération française de tennis aux sites de paris sportifs Expekt et Unibet, a considéré que « l’organisation de paris en ligne ne figure pas au rang des exceptions au droit exclusif d’exploitation […] et relève dès lors du monopole instauré au profit de l’organisateur de manifestations sportives ».

[3] TGI Paris, 9 décembre 2008 (SAS Tour de France, SA AMAURY SPORT ORGANISATION / Marko Kennedy, EUROCYCLER LLC ; RG N°08/00052)

[4] Articles L. 333-6 à L.333-9 du Code du sport.

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