Le Groupe 29 rend un avis remarqué sur l’opt-in
Publié le 06/04/2004 par Thibault Verbiest
Le 27 février 2004, le groupe de travail dit « Groupe 29 » – organe consultatif européen indépendant créé par l’article 29 de la directive 95/46/CE- -a adopté un avis très attendu « portant sur les communications de prospection directe non sollicitées selon l’article 13 de la Directive 2002/58/CE ». Pour rappel, la directive 2002/58/CE…
Le 27 février 2004, le groupe de travail dit « Groupe 29 » – organe consultatif européen indépendant créé par l’article 29 de la directive 95/46/CE- -a adopté un avis très attendu « portant sur les communications de prospection directe non sollicitées selon l’article 13 de la Directive 2002/58/CE ».
Pour rappel, la directive 2002/58/CE portant sur la vie privée et les communications électroniques a harmonisé les conditions dans lesquelles les communications électroniques (par ex. courrier électronique, SMS, télécopieur, téléphone) peuvent être utilisées à des fins de prospection directe : le principe consacré est désormais celui de l’opt-in.
Afin de contribuer à une application uniforme des mesures nationales selon la
directive 2002/58/CE, le groupe de travail a décidé d’émettre un avis sur les éléments suivants de ce nouveau régime :
- la notion de courrier électronique ;
- la notion de consentement préalable des abonnées ;
- la notion de prospection directe ;
- l’exception à la règle d’acceptation ;
- le régime des communications avec des personnes morales.
La notion de courrier électronique
Alors que les notions de télécopieurs (fax) ou de systèmes automatisés d’appels sans
intervention humaine (automates d’appel) étaient déjà mentionnées dans la directive
97/66/CE, qui précédait la directive 2002/58/CE, la notion de « courrier électronique » est nouvelle.
La définition du courrier électronique est la suivante (voir article 2 (h) de la directive
2002/58/CE) : « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communications qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère.
Cette définition a été reprise telle quelle par la loi belge de transposition (11 mars 2003) ainsi que par la future loi française pour la confiance dans l’économie numérique (LEN).
L’avis précise à cet égard que : « les services actuellement compris dans la définition du courrier électronique comprennent : le courrier SMTP (Simple Mail Transport Protocol), c’est-à-dire le « courrier électronique » classique ; le service de messages courts ou « SMS » (le considérant 40 de la directive 2002/58/CE indique clairement que le courrier électronique inclut également les SMS) ; le service de messages multimédias ou « MMS » ; les messages laissés sur répondeurs; les systèmes de messagerie vocale y compris sur les services mobiles ; les communications « net send » adressées directement à une adresse IP. Les bulletins d’information envoyés par courrier électronique tombent également dans le champ d’application de cette définition. Cette liste ne peut être considérée comme exhaustive et peut devoir être révisée en considération de développements technologiques et des marchés. »
Cette énumération confirme ce que le législateur belge avait affirmé lors des travaux préparatoires : la notion de courrier électronique viserait également les « messages laissés sur répondeurs »…
Le consentement préalable
La règle d’acceptation est basée sur le consentement préalable (opt-in) comme le précise le paragraphe 1 de l’article 13 de la directive 2002/58/CE : “1. L’utilisation de systèmes automatisés d’appel sans intervention humaine (automates d’appel), de télécopieurs ou de courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable.”.
La directive 95/46/CE définit le consentement de la personne concernée comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique et informée par laquelle la personne
concernée accepte que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. » (Article 2 (h) de la directive 95/46/CE).
A nouveau, l’on retrouve cette définition mot pour mot dans la loi belge du 11 mars 2003 ainsi que dans la LEN.
Le groupe 29 estime à cet égard que la technique de la « case à cocher » (et non celle des cases « pré-cochées »), très courante sur le sites web, est parfaitement valable :
« conformément au droit communautaire, le consentement peut être donné de différentes manières. La méthode effective pour obtenir ce consentement n’a pas été spécifiquement prévue dans la directive 2002/58/CE. Le considérant 17 réaffirme cela : « (…) Le consentement peut être donné selon toute modalité appropriée permettant à l’utilisateur d’indiquer ses souhaits librement, de manière spécifique et informée, y compris en cochant une case lorsqu’il visite un site Internet. » Sans préjudice des autres exigences applicables, relatives, par exemple, à l’information sur les finalités de la collecte, les modalités par lesquelles un abonné donne son consentement préalable en s’enregistrant sur un site Internet et à qui l’on demande par la suite de confirmer qu’il était bien la personne s’étant enregistrée et de confirmer son consentement semblent compatibles avec la directive. D’autres modalités peuvent également être compatibles avec les dispositions légales. »
Toutefois, le groupe 29 se prononce contre une autre pratique, également très courante, qui consiste à demander le consentement préalable par email :
« Par contraste, la simple demande de consentement pour recevoir des courriers
électroniques commerciaux par un courrier électronique général envoyé aux destinataires ne serait pas compatible avec l’article 13 de la directive 2002/58/CE, afin de respecter l’exigence selon laquelle la finalité doit être légitime, explicite, et spécifique. »
Cette prise de position (prudente comme l’indique l’usage du conditionnel) n’est pas à l’abri de la critique car l’on se demande comment solliciter a posteriori le consentement préalable (en dehors de l’hypothèse de la case à cocher) autrement que par email (l’usage du téléphone ou du fax étant certainement plus intrusif !). La question est d’autant plus épineuse lorsqu’il s’agit de transformer ses bases de contacts emails « opt-out » en bases « opt-in »…
Rappelons à cet égard qu’en Belgique, le tribunal de commerce de Nivelles a validé la pratique de l’envoi d’emails ne visant qu’à solliciter le consentement préalable des destinataires.
L’avis rappelle enfin que « la ou les finalité(s) du traitement doivent également être clairement indiquées. Ceci implique que les biens et services, ou les catégories de biens et services, pour lesquels
des messages de prospection directe pourraient être envoyés aux fins de prospection
directe, doivent être clairement indiqués à l’abonné. Le consentement à communiquer
des données personnelles à des tiers devra également être obtenu le cas échéant.
L’information fournie à la personne concernée devra alors inclure les biens et services
(ou catégories de biens et services) pour lesquels les tiers procéderaient à l’envoi de
courriers électroniques à des fins de prospection. »
Listes d’adresses électroniques : la question de la période transitoire
Une des faiblesses de la directive « vie privée et communications électroniques » est de n’avoir pas prévu de régime transitoire pour les pays – la majorité des Etats européens – qui sont passés d’un régime d’opt-out à un régime d’opt-in.
La question est pourtant importante : que faire des millions de fichiers qui ont été constitués partout dans l’Union sous l’empire de l’ancienne législation et qui étaient donc, au moment de leur constitution, parfaitement légaux ?
Sur ce point, l’avis se contente de relever que « les listes qui n’ont pas été établies moyennant le consentement préalable ne peuvent plus en principe être utilisées sous le régime de l’opt-in, du moins jusqu’à ce qu’elles soient adaptées aux nouvelles exigences. Vendre de telles listes incompatibles n’est pas davantage légal. Les entreprises souhaitant acheter des listes d’adresses électroniques doivent faire attention à ce que ces listes soient conformes aux exigences applicables, et en particulier à l’exigence de consentement préalable donné en conformité avec ces
exigences.”
Toutefois, rien n’empêche les Etats membres d’instituer des régimes transitoires.
C’est ce qu’a fait e législateur français, puisque, contrairement à la loi belge, il a heureusement prévu une période de transition de 6 mois au cours de laquelle un email (mais un seul) peut être envoyé aux destinataires pour solliciter leur consentement.
La notion de prospection directe
L’avis du groupe de travail est que l’article 13 de la directive 2002/58/CE englobe toute forme de promotion des ventes, y compris la prospection directe
réalisée par les associations caritatives et les organisations politiques (par ex. collecte de fonds, etc.).
L’exception des produits et services analogues
Le paragraphe 2 de l’article 13 prévoit une exception (transposée telle quelle en France et Belgique) à la règle d’acceptation qui s’applique aux clients existants, laquelle est soumise à certaines conditions :
« 2. Nonobstant le paragraphe 1, lorsque, dans le respect de la directive 95/46/CE, une personne physique ou morale a, dans le cadre d’une vente d’un produit ou d’un service, obtenu directement de ses clients leurs coordonnées électroniques en vue d’un courrier électronique, ladite personne physique ou morale peut exploiter ces coordonnées électroniques à des fins de prospection directe pour des produits ou services analogues qu’elle-même fournit pour autant que les lesdits clients se voient donner clairement et expressément la faculté de s’opposer, sans frais et de manière simple, à une telle exploitation des coordonnées électroniques lorsqu’elles sont recueillies et lors de chaque message, au cas où ils n’auraient pas refusé d’emblée une telle exploitation.«
L’avis précise notamment à cet égard que « seule la même personne physique ou morale que celle qui a collecté les données peut envoyer des courriers électroniques à des fins de prospection. Les filiales ou sociétés mères par exemple ne sont pas la même entreprise. ».
Précision importante car nombre de groupes de sociétés confient les activités de vente et de marketing à des entités juridiques différentes…
Concernant la notion fort controversée de « produits et services analogues », l’avis n’innove guère : « L’avis du groupe de travail est que, bien que cette notion de ‘produits et services similaires’ ne soit pas une notion aisément applicable en pratique et nécessite davantage d’attention, la similarité pourrait en particulier être jugée du point de vue objectif du destinataire (attentes raisonnables), plutôt que du point de vue de l’expéditeur. ».
Il faudra probablement attendre une jurisprudence à cet égard, en particulier de la Cour de Justice des Communautés Européennes…
Plus d’informations :
Notre chronique « Courriers électroniques non sollicités : le débat juridique n’est pas clos ».