Le gouvernement allemand doit fermer sa Page Facebook
Publié le 02/03/2023 par Etienne Wery
Facebook est au centre de plusieurs procédures liées au RGPD. Jusqu’à présent, l’utilisateur était relativement épargné par ces décisions : c’est le réseau social qui devait répondre de sa gestion des données personnelles, sous peine d’amende. L’autorité allemande de protection des données a donc frappé un grand coup en février, en enjoignant au gouvernement fédéral de clôturer ses Pages Facebook aussi longtemps que le RGPD et les règles relatives aux cookies ne sont pas intégralement respectées.
La pression sur Facebook s’est, jusqu’à présent, essentiellement consacrée sur la société elle-même. On sait qu’elle est l’objet de toutes les attentions et a engendré un conflit désormais public entre d’une part l’autorité irlandaise qui joue de plus en plus ouvertement le rôle d’avocat des GAFA, et d’autre part les autorités des autres pays de l’UE qui veulent que le réseau social soit contraint plus sévèrement de respecter les règles.
Et l’utilisateur ?
Force est de constater que l’utilisateur est relativement épargné.
Cela ne coule pas de source.
Suite aux arrêts Schrems 1 et Schrems 2 (et les décisions Google analytics dont les enseignements fondamentaux sont largement transposables à Facebook), on pouvait imaginer que l’utilisateur serait plus fortement inquiété. La Cour de justice a en effet, d’un point de vue théorique, rendu l’utilisateur potentiellement responsable à travers deux arrêts :
- En 2019, dans Fashion ID, la Cour a jugé que le gestionnaire d’un site Internet équipé du bouton « j’aime » de Facebook, peut être déclaré conjointement responsable avec Facebook de la collecte et de la transmission à Facebook des données à caractère personnel des visiteurs du site.
- Préalablement, en 2018, dans Wirtschaftsakademie, la Cour avait considéré que l’administrateur d’une page fan sur Facebook est conjointement responsable avec Facebook du traitement des données des visiteurs de sa page, voici une pierre supplémentaire à l’édifice.
En substance : c’est le réseau qui doit être mis au pas, et non celles et ceux qui s’en servent même s’ils sont d’une certaine manière complices de ce que l’on reproche au réseau.
C’est cet équilibre que l’autorité allemande vient de rompre en enjoignant au gouvernement fédéral de clôturer ses pages Facebook tant que le réseau social n’est pas en mesure de garantir un traitement des données conforme au RGPD, et à la règlementation en matière de cookies.
Le message est clair : d’un côté il faut accentuer la pression sur Facebook en perturbant le cœur de son activité, et d’un autre côté on embête un gouvernement puissant qui a les moyens de mettre ce dossier tout en haut de l’agenda politique européen et mondial.
Quels sont les griefs retenus ?
L’autorité en retient trois :
- Le ministère fédéral de la presse qui gère la page Facebook exploitée par le gouvernement fédéral (https://www.facebook.com/Bundesregierung/) a violé l’article 5, paragraphe 2 du RGPD, en exploitant la page Facebook sans être en mesure de prouver le respect des principes essentiels qui y figurent, pendant une période allant du 25 mai 2018 au jour d’aujourd’hui.
- En outre, le ministère a violé la règlementation en matière de cookies en stockant des informations dans les terminaux des utilisateurs finaux sur sa page Facebook depuis le 1er décembre 2021, sans respecter les bases juridiques nécessaires et en accédant aux informations déjà stockées dans les terminaux des utilisateurs finaux.
- Enfin, le ministère a violé les articles article 5, paragraphe 1, lettre a et l’article 6, paragraphe 1 du RGPD en collectant et en transmettant des données personnelles à Meta relatives aux visiteurs de sa page Facebook.
L’injonction se présente comme suit (traduction libre) : conformément à l’article 58, paragraphe 2, lettre f du RGPD, le ministère fédéral de la presse est interdit de traiter des données personnelles dans le cadre de la page Facebook exploitée par le gouvernement fédéral (https://www.facebook.com/Bundesregierung/) jusqu’à nouvel ordre. Cette interdiction prend effet quatre semaines après la notification de la décision.
Le gouvernement allemand a pris note de l’injonction, qu’il se réserve de contester.
Accusé de se mêler de politique, l’autorité a invoqué le devoir d’exemplarité : ”All public agencies have a responsibility to uphold the law in exemplary fashion. The result of my assessments is that this is currently impossible when running a fan page because of the wide-ranging processing of users’ personal data.”
Plus d’infos ?
En lisant l’injonction, disponible en annexe (en allemand).