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Le commerçant qui offre du wi-fi gratuit est-il un fournisseur d’accès à l’Internet ?

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Le commerçant qui a une activité totalement étrangère à l’Internet (bar, train, commerce de détail), et qui offre de façon accessoire un accès wi-fi à sa clientèle, est-il par rapport à ce service-là, un fournisseur de service de la société de l’information ? La question est importante car les conséquences en termes de responsabilité sont énormes.

Les faits

Le requérant – M. Mc Fadden – est un commerçant.

Il est propriétaire d’une connexion Internet qu’il exploite via un réseau Wi-Fi. Par cette connexion, le 4 septembre 2010, une œuvre musicale a été illicitement proposée pour téléchargement.

Sony Music est producteur de phonogrammes et titulaire des droits sur cette œuvre. Par lettre du 29 octobre 2010, elle envoie une lettre de mise en demeure concernant l’atteinte à ses droits.

En réponse, le commerçant fait valoir que, dans le cadre de son entreprise, il exploitait un réseau Wi-Fi accessible à tout utilisateur et sur lequel il n’exerçait aucun contrôle. Il ne l’a sciemment pas protégé par un mot de passe afin de permettre au public un accès à Internet. M. Mc Fadden affirme ne pas avoir commis l’atteinte alléguée, mais ne pas pouvoir exclure qu’elle ait été commise par l’un des utilisateurs de son réseau.

De procédure en procédure, le commerçant est condamné au titre de sa responsabilité directe pour la violation en cause ; il doit payer des dommages et intérêts ainsi que les frais de mise en demeure et les dépens.

L’affaire aboutit devant une juridiction supérieure, qui s’interroge quant à l’application aux commerçants de régime spécial de responsabilité créé pour les fournisseurs d’accès. Préalablement, elle se demande si un commerçant dont l’activité est très éloignée de l’Internet et qui propose, de façon accessoire, un accès wi-fi à sa clientèle, est un fournisseur de services de la société de l’information.

L’enjeu

Derrière cette affaire singulière, l’enjeu est énorme : si l’on considère le commerçant comme un fournisseur d’accès, c’est l’ensemble des commerces qui offrent, accessoirement aux biens ou services qu’ils proposent, un wi-fi gratuit, qui sont concernés.

Le cas est extrêmement fréquent. Vous allez boire un café, on vous offre une connexion. Vous faites la file dans une grande surface, l’accès wi-fi vous est proposé. Vous êtes dans le train, l’opérateur vous propose de travailler via le wi-fi.

Dans chaque cas, l’accès wi-fi n’est pas le bien ou le service proposé à titre principal par le commerçant. Il s’agit d’un service complémentaire, souvent gratuit, proposé dans le but de fidéliser la clientèle, de lui faire passer un moment plus agréable et en fin de compte de favoriser la bonne marche des affaires.

Tous ces accès wi-fi accessoires sont-ils, dans le chef du commerçant qui le propose, un service de la société de l’information et plus précisément un service de fourniture d’accès ?

Tel est l’enjeu de la première question préjudicielle posée

La réponse n’est pas évidente : par définition, lorsqu’on boit un café, qu’on fait ses courses dans une grande surface ou qu’on est dans un train, on est assez éloigné de la notion de service de la société de l’information. Ce n’est qu’accessoirement que le commerçant propose le wi-fi.

Le cadre juridique

Il y a deux composantes à la question préjudicielle:

·         La première porte sur la définition des services de la société de l’information.

·         La seconde porte sur l’application ou non du régime de responsabilité allégée prévue notamment pour les fournisseurs d’accès.

Concernant la définition des services de la société de l’information

Ces services ne sont pas définis dans la directive sur le commerce électronique, mais dans une directive de 1998 : au terme de la directive 98/34, il s’agit de « (…) tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services. Aux fins de la présente définition, on entend par les termes :

·         ‘à distance’ : un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

·         ‘par voie électronique’ : un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ;

·         ‘à la demande individuelle’ d’un destinataire de services : un service fourni par transmission de données sur demande individuelle ».

Le « service de la société de l’information » n’est pas réellement défini par rapport à son contenu, mais par rapport à la manière dont il est presté. Plus précisément, il doit être presté : (i) à distance, (ii) par voie électronique, et (iii) à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Concernant la définition des fournisseurs d’accès

Trois catégories de services intermédiaires sont visées par les articles 12, 13 et 14 de la directive 2000/31, à savoir, respectivement, le simple transport («mere conduit»), le stockage («caching») et l’hébergement («hosting»).

Ces trois catégories d’intermédiaires bénéficient d’un régime spécifique de responsabilité.

L’article 12 de la directive 2000/31, intitulé «Simple transport (‘Mere conduit’)», dispose: «Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le prestataire de services ne soit pas responsable des informations transmises, à condition que le prestataire :

a)         ne soit pas à l’origine de la transmission;

b)         ne sélectionne pas le destinataire de la transmission, et

c)          ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la transmission. […] »

L’opinion de l’avocat général

Nous nous intéressons dans cette note à la première composante de la question : lorsque le réseau wi-fi est offert accessoirement à une activité, celui qui le propose est-il un service de la société de l’information ?

Le service fourni contre la minoration

L’avocat général commence à s’intéresser au « service », qui doit être fourni « normalement contre rémunération ».

Il relève que cette notion est reprise de l’article 57 TFUE et reflète la considération, bien établie dans la jurisprudence, selon laquelle seuls les services de nature économique sont couverts par les dispositions du traité FUE relatives au marché intérieur. De jurisprudence constante, les notions d’activité économique et de prestation de services dans le contexte du marché intérieur doivent recevoir une interprétation large.

L’avocat général est d’avis que la fourniture d’un accès à Internet constitue normalement une activité économique. Ce constat vaut également pour la fourniture d’un tel accès via un réseau Wi-Fi.

Il indique ce qui suit :

« Selon moi, lorsqu’un opérateur économique propose un tel accès au public dans le cadre de ses activités, même en mode non payant, il fournit, bien qu’à titre accessoire par rapport à son activité principale, un service de nature économique.

Le fait même d’exploiter un réseau Wi-Fi ouvert au public, en rapport avec une autre activité économique, s’inscrit nécessairement dans un contexte économique.

À cet égard, l’accès à Internet peut constituer une forme de marketing permettant d’attirer et de fidéliser les clients. Dès lors qu’il contribue à l’exercice de l’activité principale, le fait que le prestataire de services n’est pas rémunéré directement par les destinataires n’est pas déterminant. Conformément à une jurisprudence constante, la condition de contrepartie économique visée à l’article 57 TFUE n’exige pas que le service soit payé directement par ceux qui en bénéficient. »

L’avocat général relève qu’il y a un certain nombre de cas, dans lesquels l’accès est non payant. Pour lui, ce n’est pas un motif suffisant pour écarter la notion de service fourni normalement contre rémunération. En effet, la gratuité de l’accès « n’exclut nullement le constat que la prestation en cause s’accompagne d’une contrepartie économique incorporée dans le prix des autres services. »

La fourniture d’un accès.

Pour l’avocat général, le verbe «fournir» implique seulement que l’activité concernée permette l’accès du public à un réseau, tout en s’inscrivant dans un contexte économique.

« En effet, la qualification d’une activité donnée de «service» a un caractère objectif. Il n’est donc pas nécessaire, à mon sens, que la personne concernée se présente à l’égard du public en tant que prestataire ou encore qu’elle promeuve explicitement son activité auprès de clients potentiels. »

Conclusion

Pour l’avocat général, la notion de service de la société de l’information s’applique à une personne qui, de manière accessoire par rapport à son activité économique principale, exploite un réseau Wi-Fi avec une connexion à Internet, ouvert au public et gratuit.

Nous verrons, dans une analyse ultérieure, les conséquences de ceci notamment sur le plan de la responsabilité.

Rappelons que même si elle suit généralement la vie de l’avocat général, la cour n’est pas tenue de le partager. L’arrêt est attendu dans le courant du printemps.

Plus d’infos ? En lisant les conclusions de l’avocat général, jointes en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Avis de l’avocat général

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