LCEN et droit de réponse en ligne : un régime difficilement applicable ?
Publié le 26/09/2004 par Thibault Verbiest
Déjà dans les années 80, l’on s’interrogeait sur l’application du régime du droit de réponse au minitel. La question est devenue plus épineuse avec l’émergence des sites web et leur inépuisable contenu éditorial. Lorsqu’une personne se plaignait d’avoir été désignée dans un écrit sur le web et souhaitait faire valoir son point de vue, fallait-il…
Déjà dans les années 80, l’on s’interrogeait sur l’application du régime du droit de réponse au minitel.
La question est devenue plus épineuse avec l’émergence des sites web et leur inépuisable contenu éditorial.
Lorsqu’une personne se plaignait d’avoir été désignée dans un écrit sur le web et souhaitait faire valoir son point de vue, fallait-il appliquer le régime du droit de réponse de la presse écrite (la loi du 29 juillet 1881), ou celui, très différent, de la presse audiovisuelle (loi du 29 juillet 1982) ?
Le 5 juin 2002, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a été saisi de la question et a refusé d’ordonner l’insertion d’un droit de réponse sur un site internet qui avait publié des articles contestés, au motif que ni le droit de réponse en matière de presse écrite ni le droit de réponse prévu pour l’audiovisuel n’était adapté au support électronique…
Cest la raison pour laquelle le législateur a décidé d’instaurer un droit de réponse spécifique dans la récente loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
Le droit de réponse « internet »
Désormais, toute personne nommée ou désignée dans un « service de communication au public en ligne » (un site web par exemple) disposera d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser audit service.
Deux situations doivent être distinguées :
- soit le site web en question est la propriété d’un professionnel (un journal en ligne par exemple). La demande d’exercice du droit de réponse est alors adressée au directeur de la publication, dont la désignation est rendue obligatoire par la LCEN.
- Soit le site web est édité par une personne agissant à titre
non professionnel (un site personnel par exemple). Dans ce cas, deux autres hypothèses sont à distinguer : l’éditeur du site peut avoir désigné le directeur de publication auquel adresser directement la demande de réponse, ou avoir conservé l’anonymat. Dans ce dernier cas, c’est l’hébergeur du site qui sera chargé de transmettre la demande sans délai au directeur de la
publication.
</ol<La demande doit être adressée dans les trois mois de la diffusion
La demande de réponse doit être présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant la demande.
Notons à cet égard que la LCEN prévoyait initialement que le délai commençait à courir lorsque la mise à disposition cessait. Elle a été censurée sur ce point par le Conseil constitutionnel, qui a suivi une jurisprudence antérieure de la Cour de cassation (arrêt du du 27 novembre 2001).
Lorsqu’une demande de réponse lui est adressée, le directeur de la publication est tenu de l’insérer dans les trois jours, sous peine d’une amende de 3 750 EUR, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article litigieux pourrait donner lieu.
Un droit de réponse inspiré de la presse écrite
Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La réponse sera toujours gratuite.
Que prévoit cet article 13 ? Un régime conçu pour la presse écrite et qu’il sera pour le moins malais é d’appliquer tel quel à l’internet…
Ainsi, et sans être exhaustif, en ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication sera tenu d’insérer la réponse « dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception ».
Cette insertion devra être faite à la même place et « en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation ».
Sera assimilé au refus d’insertion, « le fait de publier, dans la région desservie par les éditions ou l’édition ci-dessus, une édition spéciale d’où serait retranchée la réponse que le numéro correspondant du journal était tenu de reproduire »…
En cas de refus d’insertion, le plaignant pourra saisir le tribunal, qui se prononcera dans les dix jours de la citation. Il pourra décider que le jugement ordonnant l’insertion, mais en ce qui concerne l’insertion seulement, sera exécutoire sur minute, nonobstant opposition ou appel. S’il y a appel, il y sera statué dans les dix jours de la déclaration, faite au greffe.
En outre, pendant toute période électorale, le délai de trois jours prévu pour l’insertion sera, pour les journaux quotidiens, réduit à vingt-quatre heures. La réponse devra être remise six heures au moins avant « le tirage du journal dans lequel elle devra paraître ».
Toutefois, la LCEN prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat pourra fixer les modalités d’application du nouveau régime de droit de réponse. Une manière de déjà anticiper une adaptation (nécessaire) du régime à l’univers électronique…
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