L’Assemblée Nationale adopte l’amendement « responsabilité des hébergeurs »
Publié le 16/06/2000 par Etienne Wery
Ce jeudi 15 juin, l’Assemblée Nationale française connaissait, en seconde lecture, du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Parmis les amendements les plus controversés depuis la célèbre décision « Estelle Halliday », celui du député Bloche sur la responsabilité des intermédiaires du réseau. Fournisseurs d’accès Tout au long du…
Ce jeudi 15 juin, l’Assemblée Nationale française connaissait, en seconde lecture, du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Parmis les amendements les plus controversés depuis la célèbre décision « Estelle Halliday », celui du député Bloche sur la responsabilité des intermédiaires du réseau.
Fournisseurs d’accès
Tout au long du parcours législatif, la réglementation de la responsabilité des fournisseur d’accès a été définitivement abandonnée, l’assemblée estimant que celle-ci est suffisament cernée par la jurisprudence
Fournisseurs d’hébergement
Le député Bloche a présenté comme suit l’esprit et la lettre de l’amendement proposé au vote :
L’arrêt du 10 février 1999 de la cour d’appel de Paris, dans l’affaire Altern-Estelle Halliday, est à l’origine d’un amendement qui, après plus d’un an de procédure parlementaire, a fait son chemin. La cour d’appel, qui faisait référence à la définition de services de communication audiovisuelle pour qualifier le contenu d’un service en ligne, avait ainsi appliqué un régime de responsabilité automatique, normalement réservé aux délits de presse, à une atteinte à l’intimité de la vie privée.
Pour éviter que le développement d’une telle jurisprudence ne crée une insécurité pour les prestataires d’hébergement, nous avons voulu, avec le soutien du Gouvernement, atteindre l’indispensable équilibre entre liberté d’expression et droit des personnes.
Deux conceptions se sont exprimées dans le débat entre les deux assemblées. Pour citer Didier Mathus : « la première conception fait prévaloir l’intérêt d’une victime à ce qu’une information préjudiciable soit rendue inaccessible le plus rapidement possible. La seconde donne la priorité à la liberté d’expression et au droit à l’information qui ne peuvent être restreints que par une autorité judiciaire. »
L’article premier A adopté par la commission s’efforce donc de réaliser une synthèse sur la responsabilité et les obligations des prestataires techniques de services en ligne comme sur l’obligation d’identification des éditeurs de ces services.
En premier lieu, les fournisseurs d’accès sont tenus d’informer leurs abonnés de l’existence de logiciels de filtrage et de leur proposer au moins un de ces logiciels. Il s’agit notamment de protéger les mineurs. S’agissant de la responsabilité des prestataires techniques, il est proposé de ne traiter que celle des hébergeurs, celle des fournisseurs d’accès pouvant évoluer lors de l’examen de la loi sur la société de l’information.
En principe les hébergeurs sont exonérés de responsabilité sauf dans deux cas : si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès à un contenu en cause ; si, ayant été saisis par un tiers estimant que le contenu qu’ils hébergent est illicite ou préjudiciable, ils n’ont pas procédé aux diligences appropriées. L’autorité judiciaire, demeure seule juge du caractère illicite ou illégal d’un contenu en cause.
En ne précisant pas ce que pourraient être les diligences appropriées, le législateur fait confiance au juge et aux hébergeurs eux-mêmes qui doivent prendre les marges de manoeuvre souhaitables. Le tribunal de Nanterre, dans l’affaire opposant l’Union des étudiants juifs de France à Multimania, a précisé le 24 mai dernier, que l’obligation de vigilance du prestataire d’hébergement n’est pas une obligation de résultat et qu’il doit uniquement « prendre les mesures raisonnables qu’un professionnel avisé mettrait en oeuvre pour évincer de son serveur les sites dont le caractère illicite est apparent, cette apparence devant s’apprécier au regard des compétences propres » de l’hébergeur. Cela étant, je salue le remarquable travail de vigilance et de traque des sites néo-nazis ou révisionnistes qu’effectuent l’UEJF et la LICRA.
Le dernier point que je souhaiterais évoquer est l’identification des éditeurs de services en ligne. Si nous avons maintenu ce principe, tout en précisant les obligations des prestataires techniques en matière de confidentialité des données d’identification et de connexion, nous avons été naturellement sensibles aux réactions provoquées par le texte que nous avions adopté en seconde lecture. Ce principe n’est donc plus assorti de sanctions pénales spécifiques ni de l’obligation pour les hébergeurs de vérifier que leurs abonnés ont procédé aux formalités d’identification. Dans le même esprit, les éditeurs non professionnels se voient reconnaître un droit à l’anonymat, sous réserve d’avoir respecté une obligation minimale d’identification auprès de l’hébergeur.
L’amendement, mis au voix, a été adopté par l’Assemblée. Le texte complet est accessible en format .pdf sur le site de l’Assemblée Nationale dfans la rubrique « textes adoptés » (projet 539 de législature).