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La « visualisation » de pornographie enfantine est-elle punissable?

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La cour de cassation belge a récemment estimé que la possession de pornographie enfantine ne requiert pas que l’utilisateur d’un ordinateur manifeste sa maîtrise d’une image par le téléchargement ou l’impression de celle-ci ni qu’il la détienne de manière continue. La seule consultation d’un site web en connaissance de cause, suffit.

Le cadre légal

La diffusion de pornographie enfantine est réprimée par l’article 383bis du Code pénal belge (voir ci-dessous pour le code pénal français) :

« (…) quiconque aura exposé, vendu, loué, distribué, diffusé [NDR : terme ajouté par la loi du 1er avril 2001] ou remis des emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou présentant des mineurs ou les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus, importés ou fait importer, remis à un agent de transport ou de distribution, sera puni de la réclusion de cinq ans à dix ans et d’une amende de cinq cents francs a dix mille francs ».

Une disposition spéciale aggrave l’incrimination si elle constitue un acte de participation à l’activité principale ou accessoire d’une association, et ce, que le coupable ait ou non la qualité de dirigeant. En ce cas, la peine de réclusion est prononcée (dix ans à quinze ans) et l’amende peut aller de cinq cents francs à cinquante mille francs.

Le paragraphe 2 de l’article 383bis franchit une étape de plus et incrimine la détention de pornographie enfantine :

« Quiconque aura sciemment possédé les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels visés sous le § 1er, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent francs à mille francs ».

Quand y a-t-il possession de matériel pédopornographique ?

La réponse dépendra souvent du cas d’espèce mais on imagine sans peine les débats que peut susciter, par exemple, la consultation sur l’internet de matériel illicite sans téléchargement. Y a-t-il possession, par exemple en raison de l’enregistrement temporaire en mémoire cache ?

Deux écoles s’affrontent. D’une part, ceux pour qui le principe d’interprétation restrictive du droit pénal doit primer : on ne peut pas élargir la portée de l’article par une interprétation téléologique. D’autre part, ceux pour qui la volonté du législateur est de combattre la possession de façon absolue au nom de l’intérêt supérieur de la défense des mineurs.

Le problème se pose identiquement en France et en Belgique, mais a été résolu de façon diamétralement différente.

En France

L’article 227-23 du code pénal réprime la pornographie enfantine en ces termes :

« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. La tentative est punie des mêmes peines. (…)

Le fait de détenir une telle image ou représentation est puni de deux ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende. »

En 2005, la cour de cassation a estimé que :

« … Pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, les juges retiennent que les images observées n’ont été ni imprimées ni enregistrées sur un support et que la simple consultation de sites pornographiques mettant en scène des mineurs ne suffit pas à caractériser le délit prévu par l’article 227-23, alinéa 4, du Code pénal ».

En Belgique

Saisie d’une affaire similaire, la cour de cassation belge a tranché le 20 avril 2011 (P.10.2006.F/1) de façon opposée :

« Insérée par la loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l’égard des mineurs, cette disposition sanctionne quiconque aura sciemment possédé les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou présentant des mineurs.

Il ressort des travaux préparatoires que la loi a pour but de protéger la personne du mineur et l’usage de son image, et de combattre l’ensemble du marché pédopornographique en permettant la condamnation du simple consommateur de matériel de cette nature.

Il s’ensuit que, contrairement à ce que le demandeur soutient, la possession ne requiert pas que l’utilisateur d’un ordinateur manifeste sa maîtrise d’une image par le téléchargement ou l’impression de celle-ci ni qu’il la détienne de manière continue.

En considérant que le seul fait d’accéder à un site informatique et de visionner les images, en connaissance de cause, suffit, cette consultation impliquant que le demandeur a été en possession d’un écran d’ordinateur montrant de la pornographie enfantine, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition invoquée ».

Commentaires

Le fait que deux cours suprêmes tranchent différemment une situation similaire, est pour le moins dérangeant et montre qu’il y a un vrai problème. On est à l’opposé du principe de « sécurité juridique », tant du côté du droit de la défense que de la lutte contre la pédopornographie.

C’est d’autant plus regrettable que le problème est connu depuis longtemps.

Peu importe donc de savoir si la cour de cassation belge a mieux ou moins bien appliqué le droit ; c’est le législateur qu’il faut montrer du doigt. On se désolera de la rédaction approximative de la loi, critiquée de longue date ; il suffit d’un petit ajout dans le code pénal pour clarifier les choses de  façon légale et certaine.

C’est ce qu’a fait la législateur français après l’arrêt de la cour de cassation de 2005, ajoutant un aliéna à l’article 227-23 :

« Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende.

Il suffit au législateur belge de se mettre cinq minutes au travail pour régler le problème.

Plus d’infos ?

En lisant l’ouvrage édité chez Larcier et LGDJ sur « Sexe en ligne : aspects juridiques et protection des mineurs ».

En lisant l’arrêt de la cour de cassation belge, disponible en annexe.

En lisant l’arrêt de la cour de cassation française.

Droit & Technologies

Annexes

Arrêt de la cour de cassation belge

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