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La reproduction partielle et provisoire par traitement informatique d’extraits de presse et le droit d’auteur : la Cour de justice a tranché

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Dans sa décision du 16 juillet 2009 (C-5/08), la Cour de Justice des Communautés Européennes a interprété pour la première fois la notion de « reproduction partielle » et de « reproduction provisoire », et ce dans un contexte de numérisation de l’information originale tirée d’articles de presse. Au cour du débat se trouvait la question d’une autorisation éventuellement nécessaire des auteurs des articles pour la reproduction partielle et provisoire.

Les faits

Le 21 décembre 2007, la Cour Suprême du Danemark a posé une question préjudicielle à la Cour de de Justice des Communautés Européennes sur l’interprétation de la notion de reproduction partielle et de reproduction provisoire au sens du droit d’auteur européen et sur les conditions d’exemption d’autorisation de l’auteur de l’œuvre reproduite partiellement ou provisoirement.

Le litige opposait d’une part Infopaq International A/S, société spécialisée dans la veille et l’analyse de la presse écrite, et d’autre part le Danske Dagblades Forening (DDF), un syndicat professionnel de la presse quotidienne danoise. Celui-ci reprochait à Infopaq le fait d’avoir numérisé par balayage et transformé en fichier informatique des parties d’articles de presse, sans le consentement des auteurs de ces articles. Les fichiers informatiques étaient utilisés par Infopaq pour livrer à ses clients des synthèses de la presse quotidienne ou périodique. Les feuilles sont détachées et numérisées, le texte étant reproduit dans un fichier TIFF (Tagged Image File Format) qui reproduit la page sous forme d’image. Le fichier est ensuite envoyé sur un serveur OCR (Optical Character Recognition) qui reconnait la police de caractères utilisée sur l’image et transforme le texte qu’elle contient en fichier texte pouvant faire l’objet d’un traitement de texte. Le fichier texte fait ensuite l’objet d’une analyse par un logiciel qui détecte si le texte tiré de la publication contient suffisamment un mot clé associé aux domaines au sujet desquels le client d’Infopaq souhaite être tenu au courant. Les mots-clés sont saisis, ainsi que les cinq mots qui les précèdent et les suivent. Ces extraits de onze mots sont imprimés sur papier et collationnés pour fournir une synthèse, tandis que le fichier contenant le texte est détruit au bout du processus.

Le raisonnement de la Cour et la définition des notions de « reproduction partielle » et « reproduction provisoire »

Si le fait de réaliser une synthèse est un acte licite, le syndicat DDF conteste à Infopaq le droit de se prévaloir de l’exemption d’autorisation de reproduction, telle que définie à l’article 5 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Le débat fut principalement axé sur l’étendue de la protection du droit d’auteur par l’article 2 de la directive qui dispose que :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie: 

a) pour les auteurs, de leurs œuvres […] »

En effet, la reproduction des articles opérée par Infopaq est une reproduction partielle d’articles de presse, les extraits sélectionnés comprenant onze mots. Or, la directive, si elle interdit la reproduction totale ou partielle d’une œuvre sans accord de l’auteur, ne définit pas le concept de reproduction et, a fortiori, celui de reproduction partielle. La Cour souligne que cette interdiction a pour présupposition le fait que l’œuvre reproduite est une œuvre originale imputable à l’auteur. Elle considère que, sous réserve d’un examen au fond par les juridictions nationales, un ensemble de onze mots est hautement susceptible d’être une création intellectuelle de l’auteur – si un mot n’est pas une création, l’agencement des mots dans une phrase ou un extrait relève au contraire d’un processus créatif. Le fait que l’œuvre soit reproduite partiellement n’entame en rien la protection de la portion de l’œuvre reproduite par le droit d’auteur. La Cour souligne par ailleurs que c’est le souci d’une protection accrue du droit d’auteur qui a présidé à l’élaboration de la directive 2001/29 CE.

Le débat a ensuite porté sur l’interprétation à donner à l’article 5 de la directive. Cet article pose 5 conditions cumulatives pour que la personne reproduisant une œuvre protégée par le droit d’auteur – ce qui est le cas des articles de presse – puisse être dispensée de l’autorisation de l’auteur :

  • Il doit s’agir d’un acte de reproduction provisoire ;
  • Il doit s’agir d’un acte transitoire ou accessoire ;
  • Il doit s’agir d’un acte faisant partie intégrante et essentielle d’un procédé technique ;
  • Il doit s’agir d’un acte visant une transmission dans un réseau entre tiers ou une utilisation licite ;
  • Il doit s’agir d’un acte dépourvu de signification économique indépendante.

Rappelant la jurisprudence communautaire énonçant que les conditions permettant de déroger à un régime général établi par la même directive sont d’interprétation stricte, la Cour examine si les 5 conditions sont remplies cumulativement.

La Cour énonce qu’un acte n’est provisoire et transitoire que s’il vise à la réalisation d’un procédé technique dont il est partie intégrante et essentielle. La numérisation sous forme de fichier au format texte est une étape indispensable au traitement des textes de presse par Infopaq. Cependant, la Cour relève qu’on ne peut qualifier l’acte de transitoire car le fait que l’extrait soit systématiquement imprimé rend sa destruction dépendante d’une intervention humaine. Il aurait fallu pour remplir la condition qu’Infopaq ne fixe pas la reproduction partielle sur un support matériel et que les fichiers informatiques soient détruits systématiquement, par le biais d’une suppression programmée.

Dès lors, Infopaq ne pouvait se prévaloir de l’exemption d’autorisation prévue à l’article 5 de la directive.

Conclusion

Il ressort de cet arrêt deux enseignements importants sur les plans juridique  et économique.

Le premier est qu’un extrait de presse, aussi restreint qu’il soit, bénéficie de la protection par le droit d’auteur au même titre qu’un article entier. Cette protection a pour conséquence financière que le titulaire du droit d’auteur peut réclamer le paiement d’une somme par la personne désirant reproduire l’extrait. Les entreprises offrant pour service la réalisation de revues de presse devront à l’avenir être attentives quant au processus menant à la confection de la synthèse, une addition d’extraits de presse tombant a priori sous le coup de la protection du droit d’auteur.

Le second est que le critère de l’intervention humaine conditionne le caractère provisoire et transitoire de la reproduction exemptée d’autorisation. A la lecture de l’arrêt, seule une reproduction sur support informatique et dont la destruction est pré- programmée pourrait bénéficier de l’exemption d’autorisation.

Cet arrêt illustre le renforcement de la protection du droit d’auteur dans un contexte d’informatisation de l’information et de reproduction aisée de cette même information. Droit de la propriété intellectuelle et informatique n’ont aujourd’hui et n’auront à l’avenir de cesse de se trouver au cœur de débats juridiques et d’enjeux économiques.

Droit & Technologies

Annexes

Arrêt CJCE du 16 juillet 2009

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