La procédure dite d’engagements va-t-elle réconcilier la concurrence et la propriété intellectuelle ?
Publié le 13/04/2008 par Etienne Wery , Fabien Gaucher
Un communiqué de procédure du Conseil de la Concurrence rendu public le 3 avril 2008 révèle que la « procédure d’engagements » est utilisée principalement pour résoudre les affaires dans lesquelles se posent des difficultés d’articulation entre le droit de la concurrence et les droits de propriété intellectuelle.
La procédure d’engagements est prévue, au niveau communautaire, par l’article 5 du règlement n° 1/2003 du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE et, au niveau national, par les articles L. 464-2 et R. 464-2 du code de commerce.
Elle permet à une entreprise, suspectée de commettre une entente ou un abus de position dominante, de proposer des remèdes permettant d’y mettre fin en contrepartie d’un abandon des poursuites et la clôture de la procédure.
Elle s’applique, en droit interne, à des situations qui soulèvent des « préoccupations de concurrence » actuelles, et auxquelles il peut être mis fin rapidement au moyen d’engagements. Son recours est donc en principe exclu pour les pratiques anticoncurrentielles particulièrement néfastes à l’économie, telles que les cartels et abus de position dominante ayant déjà causé un dommage important.
Un survol rapide de la pratique décisionnelle du Conseil en la matière suffit à se rendre compte que la procédure d’engagements est essentiellement appliquée aux pratiques unilatérales ou verticales dont l’effet serait de nature à restreindre l’accès à un marché. Ainsi, ce mécanisme s’est avéré particulièrement adapté pour assurer l’articulation entre le droit de la concurrence et les droits de propriété intellectuelle, par exemple en cas de refus d’accès à des ressources rares et dans des secteurs caractérisés par des mutations technologiques ou commerciales, telles que le développement de la vente sur Internet.
Pour bénéficier de la procédure d’engagements, l’entreprise concernée doit faire connaître son intention au Conseil au début de la procédure et avant toute notification des griefs. Cette démarche peut se faire de manière informelle (par exemple par des contacts téléphoniques ou électroniques) pourvu qu’elles attestent que celle-ci est déterminée à explorer sérieusement la voie des engagements.
Une « évaluation préliminaire des pratiques en cause » est alors dressée par le Conseil, sur laquelle va s’appuyer l’entreprise concernée pour formaliser et proposer des engagements.
Ni l’établissement d’une évaluation préliminaire, ni la formulation d’engagements par l’entreprise concernée, ne préjuge de la décision du Conseil d’enclencher formellement ou non la procédure, cette faculté relevant de son appréciation en opportunité.
Pour être acceptés, les engagements doivent être pertinents, crédibles et vérifiables. Ils peuvent prendre des formes diverses et variées (modification de clauses contractuelles, autorisation d’accès à une ressource rare, etc.).
Lorsque les engagements proposés répondent aux préoccupations de concurrence identifiées dans l’évaluation préliminaire, le Conseil adopte une décision (i) qui rend ces engagements obligatoires et (ii) qui met fin à la procédure. Le Conseil peut, en outre, demander à la partie concernée de lui remettre ultérieurement un ou plusieurs rapports circonstanciés lui permettant de vérifier que les engagements sont respectés.
La décision du Conseil rendant obligatoires les engagements ne met pas, cependant, la partie concernée à l’abri de toute procédure ultérieure.
Ainsi, la procédure d’engagements pourra être révisée à l’avenir par le Conseil lorsqu’il apparaît (i) que l’un des faits sur lesquels repose la décision subit un changement important, (ii), que les engagements ne sont pas respectés ou encore que (iii) la décision initiale repose sur des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées fournies par la parties à la procédure.
La décision du Conseil pourra également faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris.
Elle n’interdit pas, en outre, à l’une des parties à la procédure d’engager une action en justice.
Le juste équilibre entre, d’une part, le droit de la concurrence, qui en principe s’oppose à tout monopole susceptible de perturber le jeu normal de l’offre et de la demande et, d’autre part, les droits de la propriété intellectuelle, qui confèrent un monopole d’exploitation aux titulaires de droits privatifs, peut être trouvé dans le développement de solutions alternatives aux sanctions, telles que la procédure d’engagements, qui permet à une entreprise de ne pas être sanctionnée lorsque l’utilisation exclusive d’un droit de propriété intellectuelle est susceptible d’affecter le jeu de la concurrence sur un marché.
Sa mise en œuvre permet, en outre, d’accélérer la résolution de ces affaires dans lesquelles deux logiques a priori contradictoires s’affrontent, en privilégiant le rétablissement rapide et constructif de la concurrence. Elle contribue donc à l’efficacité de la régulation de la concurrence, au bénéfice des entreprises et des consommateurs.