La nouvelle loi italienne “anti-piraterie”
Publié le 26/09/2000 par Sandrine carneroli
En Italie, la loi sur le droit d’auteur n° 248 du 18 août 2000, dite « loi anti-piraterie », est entrée en vigueur le 19 septembre dernier (publication dans la Gazetta Ufficiale du 4 septembre 2000, n° 206). Cette loi modifie et complète la loi n° 633 du 22 avril 1941 sur le droit d’auteur…
En Italie, la loi sur le droit d’auteur n° 248 du 18 août 2000, dite « loi anti-piraterie », est entrée en vigueur le 19 septembre dernier (publication dans la Gazetta Ufficiale du 4 septembre 2000, n° 206).
Cette loi modifie et complète la loi n° 633 du 22 avril 1941 sur le droit d’auteur et les droits reliés à l’exercice du droit d’auteur.
En chantier depuis plus de 3 ans, ce texte vient combler le retard marquant de l’Italie en matière de protection des programmes informatiques en instaurant le principe de l’interdiction de copie privée en matière de logiciel et en prévoyant de sévères condamnations pénales pour toute personne qui enfreindrait cette interdiction : de 6 mois à 3 ans de prison et de 5 à 30 millions ITL d’amende.
L’ article 13 de la loi, qui modifie l’article 171 bis de la loi de 1941, prévoit que « quiconque reproduit de façon abusive dans le but de tirer profit, des programmes d’ordinateur ou pour les mêmes objectifs importe, distribue, vend, détient dans un but commercial ou d’entreprise ou donne en location des programmes contenus dans les supports non marqués de la Société Italienne des Auteurs et de l’Edition (SIAE), est soumis à une peine de six mois à trois ans de prison et à une amende de cinq à trente millions de lires » (traduction libre).
Dorénavant le simple fait de «tirer profit » (« trarne profitto ») suffit pour être reconnu coupable de contrefaçon. Rappelons que l’ancienne loi de 1941, exigeait pour qu’il y ait contrefaçon que la personne qui duplique le programme réalise un avantage commercial (« fini di lucro »). Cette disposition permettait à la jurisprudence italienne de défendre l’idée que les entreprises étaient en droit de dupliquer les logiciels utilisés dans l’entreprise et d’utiliser ces copies sans porter atteinte au droit d’auteur. Cette analyse ne sera plus possible avec l’introduction de la nouvelle loi puisque, selon la jurisprudence constante en Italie, la notion de « profit » comprend l’économie de dépense obtenue lorsqu’on copie un programme au lieu de l’acheter.
Si la loi est essentiellement saluée par l’industrie informatique, d’autres innovations méritent d’être soulignées :
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Ainsi, la nouvelle loi introduit l’obligation d’apposer un « bollino» (c’est-à-dire un marquage signalétique) sur « tous les supports qui contiennent des programmes pour ordinateurs ou multimédia ainsi que sur tout support qui contient des sons, voix ou images en mouvement, comportant la fixation d’oeuvres ou parties d’oeuvres » » (article 10 de la loi qui introduit un article 181bis dans la loi de 1941 – traduction libre). Les CD audio, vidéocassettes, jeux vidéo et logiciels devront donc être marqués de ce « bollino » qui doit mentionner le titre, le nom de l’auteur, le produit, le numéro continu et l’usage autorisé. L’acquisition d’un produit cloné, ne disposant pas de marquage signalétique, serra punie d’une amende de trois cents mille ITL et le produit pirate sera confisqué (article 10 de la loi, modifiant l’article 181 de la loi de 1941).
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La copie privée est autorisée mais limitée à 15 % de l’œuvre. Il ne sera donc plus possible de reproduire intégralement un ouvrage ou un périodique, mais seulement une partie de celui-ci qui ne pourra pas dépasser 15 % du volume total de l’œuvre. Même si les pages de publicité sont expressément excluent de cette limite, l’application de cette règle des 15% s’avèrera certainement des plus sensible. Les bibliothèques qui autorisent la photocopie de livre dans leur entièreté sont menacées d’amende pour un montant pouvant atteindre 4 millions ITL (article 2.2 de la loi qui ajoute un alinéa 2 à l’article 68 de la loi de 1941).
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Les bibliothèques et magazins de photocopies sont frappés d’une redevance selon des accords qui devront être fixés avec la SIAE.
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La loi crée également un Comité pour la protection de la Propriété Intellectuelle (« Comitato per la tutela della proprieta intellettuale ») (article 19 de la loi).
Il est vrai qu’en Italie, le phénomène du piratage se fait chaque jour plus alarmant. Les données sur la piraterie audiovisuelle et informatique font état pour l’année 1999 de montants de l’ordre de 320 milliards ITL en ce qui concerne les vidéocassettes pirates, (soit 25 % du marché), de 120 milliards ITL pour les CD audio pirates (25 % du marché), de 672 milliards ITL pour les programmes informatiques pirates (44 % du marché) et de 122 milliards ITL pour les jeux vidéo pirates (52% du marché).
Dans son rapport sur le développement de la société de l’information, le bureau du Premier Ministre a déclaré notamment que « dans la société d’information, la culture, la connaissance et la créativité doivent être considérées de tout point de vue comme des ressources économiques (…) Avec l’affirmation des nouvelles technologies de l’information, la distinction entre le contenu informatif (le « message ») et le support et moyen de diffusion de l’information (le « média ») est de moins en moins perceptible (…) Tout peut être numérisé, reproduit et transmis n’importe où dans le monde pour un coût très faible (…) A l’heure des produits de l’édition électronique, une étape importante est franchie avec l’approbation des nouvelles normes en matière de droit d’auteur, qui étendent l’application du droit de reproduction à tout support, et donc également au support électronique (…) » (traduction libre).
En proposant une loi qui tient compte tant de l’intérêt des auteurs et producteurs que de ceux des consommateurs réclamant un droit d’accès à l’information, l’Italie marque sa volonté de rattraper un retard souvent critiqué. La loi est en vigueur, il reste à l’appliquer.