La nouvelle LCEN fait des vagues : le Conseil Constitutionnel est saisi … et le Forum s’inquiète
Publié le 23/05/2004 par Thibault Verbiest, Etienne Wery
La loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) a été transmise au Conseil Constitutionnel ce 18 mai 2004, la saisine ayant été signée par plus de 60 sénateurs. Rappelons que lorsqu’une loi ordinaire ou une loi organique est soumise au Conseil constitutionnel, ce dernier doit statuer dans le délai d’un mois, selon l’article 61…
La loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) a été transmise au Conseil Constitutionnel ce 18 mai 2004, la saisine ayant été signée par plus de 60 sénateurs. Rappelons que lorsqu’une loi ordinaire ou une loi organique est soumise au Conseil constitutionnel, ce dernier doit statuer dans le délai d’un mois, selon l’article 61 aliéna 3 de la Constitution. A la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Par ailleurs, dans un récent communiqué, le Forum des droits sur l’internet s’est dit heureux de voir la France adopter la LCEN, transposant ainsi (enfin …) la directive européenne sur le commerce électronique. Il est vrai que ce texte est absolument fondamental pour l’économie digitale, et qu’il était très attendu, tant par les professionnels que les utilisateurs et les autorités.
Dans l’ensemble, le Forum des droits sur l’internet se dit « heu-reux » !
Toutefois, comme la perfection n’est pas de ce monde, le Forum pointe certains lacunes du texte. Celles-ci n’ont rien de neuf : elles sont dénoncées depuis longtemps par une belle brochette d’observateurs, que le parlement et le gouvernement ont refusé d’entendre.
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Premier point de faiblesse : la responsabilité des intermédiaires.
Le fait de mettre à la charge des hébergeurs une obligation de retrait des données, mises en ligne par un tiers, présumées illicites, ou bien, à défaut de retrait, les obliger à rendre ces données inaccessibles, est jugée par certains comme contraire à la liberté d’expression. Cette disposition, contenue dans l’article 6 relatif aux prestataires techniques, a pour objectif de mettre les hébergeurs face à une obligation de contribuer à la lutte contre la diffusion de certaines infractions de presse (ex : apologie de crimes contre l’humanité, incitation à la haine raciale, pornographie enfantine, etc…). Vu le recours devant le Conseil Constitutionnel, cette haute instance sera amenée à déclarer si oui ou non, les hébergeurs sont érigés au rang de « juge de proximité » ce qui, dans ce cas, irait au-delà de leurs prérogatives et pourrait porter atteinte à la liberté d’expression.
Pour sa part, le Forum estime que :
Il subsiste encore un risque dans l’interprétation du texte relatif à la responsabilité des prestataires techniques : celui-ci, inhérent à la transposition de la directive, est d’aboutir à un effet de « censure préventive » par les hébergeurs. En effet, ces derniers pourraient préférer supprimer des contenus dont le caractère illicite ne leur apparaît pas clairement plutôt que de risquer une procédure judiciaire.
Ce risque avait été souligné par le Forum des droits sur l’internet dès février 2003.
Pour limiter les atteintes potentielles à la liberté d’expression, le Forum proposait d’une part, la condamnation de la dénonciation abusive de contenus et, d’autre part, l’instauration d’une procédure de notification permettant aux hébergeurs de mieux traiter les demandes de retrait de contenu qui leur sont formulées. Ces deux dispositions ont été reprises par le législateur et améliorent substantiellement le texte mais une incertitude demeure quant au champ exact de la responsabilité pénale des hébergeurs.
(…)
Il reviendra au Conseil constitutionnel, s’il est saisi, de trancher cette question.
Dans cet intervalle, le Forum des droits sur l’internet souhaite rappeler l’interprétation qu’il faisait du texte initial de l’article 2 bis I.-3. : la responsabilité pénale de l’hébergeur ne sera mise en œuvre que si celui-ci connaissait l’existence d’une information ou d’une activité manifestement illicite et qu’il n’a rien fait pour en empêcher la diffusion ou la continuation.
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Deuxième point de faiblesse : le délai de prescription introduit par amendement en seconde lecture.
Plusieurs personnes refuse l’application aux publications sur l’internet, d’un délai de prescription (3 mois suivant la fin de la mise à disposition du public du texte en infraction) différent de celui prévu par la loi du 29 juillet 1881, en matière de délit de presse (3 mois après la publication). Elles considèrent que cela porte atteinte au principe d’égalité des supports, voire même une atteinte au principe de non-rétroactivité des délits et des peines
Le Forum abonde dans ce sens :
[Il] regrette qu’une telle disposition majeure n’ait pas fait l’objet d’une concertation préalable. Le Forum rappelle que son Conseil d’orientation n’était pas favorable à une disposition ayant pour effet de rendre les délits de presse imprescriptibles sur l’internet.
Plus d’infos ?
En consultant le texte du
recours devant le Conseil constitutionnel .
En consultant le texte du projet LEN voté par le Sénat en seconde lecture (coordination officieuse par le Cabinet ULYS).
En lisant l’article de fond sur la première version du projet
En lisant l’ouvrage paru chez Litec : La protection juridique du cyber-consommateur.