La musique en ligne a-t-elle fait l’objet d’une entente illicite ? La justice enquête.
Publié le 02/01/2006 par Etienne Wery
Le procureur général de l’Etat de New York, M. Elliot Spitzer, s’est déjà illustré dans plusieurs affaires célèbres comme pourfendeur des ententes, cartels et autres entorses à la concurrence. M. Elliot Spitzer est probablement mélomane … car il ne se passe jamais longtemps avant qu’il n’ouvre un dossier lié à ce secteur. Souvenons-nous qu’il y…
Le procureur général de l’Etat de New York, M. Elliot Spitzer, s’est déjà illustré dans plusieurs affaires célèbres comme pourfendeur des ententes, cartels et autres entorses à la concurrence. M. Elliot Spitzer est probablement mélomane … car il ne se passe jamais longtemps avant qu’il n’ouvre un dossier lié à ce secteur. Souvenons-nous qu’il y a peu, il s’est intéressé aux maisons de disques et a démontré que certaines payaient secrètement les stations radio pour qu’elles assurent des quotas de diffusion de leurs artistes, en vue de matraquer le public et d’augmenter ainsi les ventes : il est bien connu que pour faire un hit, il n’y a rien de tel que de le faire écouter le plus possible au public qui finit par l’aimer.
Cette fois, c’est à la musique en ligne que le procureur général s’attaque.
M. Spitzer a manifestement surfé quelque temps sur les sites musicaux et il a été frappé par le fait que la quasi-totalité des chansons vendues à l’unité sont proposées à un prix unique fixé à 99 cents, quelle que soit la maison qui dispose des droits et la plate-forme en ligne qui distribue les fichiers.
En 2003, lorsque la société Apple a mis en place le service iTunes, la vente de tout le catalogue à un prix unique par titre de 99 cents était l’un des éléments clefs du système. C’était présenté à l’époque comme une avancée majeure pour le consommateur qui peut limiter son achat à un titre qui lui plaît sans devoir acquérir l’ensemble de l’album.
Le système d’Apple n’a pas fait que des heureux.
Il pose notamment un problème majeur lorsqu’il s’agit d’exploiter les fonds de tiroir, c’est-à-dire ces centaines de milliers de titres et albums que les éditeurs musicaux ont dans leur catalogue et qui ne font plus partie du hit-parade. C’est que hormis le classique, l’essentiel du chiffre d’affaires est réalisé en très peu de temps au moment de la sortie d’un titre.
Le public ne le sait pas toujours, mais la plupart des éditeurs disposent donc d’un département spécialisé dans l’exploitation des fonds musicaux, que ce soit par le biais de « best of », « collector » ou à l’occasion de l’anniversaire de la mort du chanteur ou de ses 20 ans de carrière. Le but est de (re)stimuler les ventes, sachant que les frais de production ont par définition été exposés et que tout ce qui rentre en plus constitue du beurre.
Il est évident que pour ces acteurs spécialisés dans l’exploitation des fonds musicaux, le prix unique du titre est un frein, puisqu’il met sur pied d’égalité le dernier hit de Madonna et un titre d’un crooner décédé depuis 20 ans.
Outre les problèmes de l’exploitation des fonds musicaux, le prix unique pose manifestement un problème au procureur général de l’Etat de New York qui soupçonne une entente.
Selon les communiqués disponibles, M. Spitzer a en effet été frappé par le fait que la quasi-totalité des chansons vendues à l’unité via l’Internet était proposées à un prix unique de 99 cents, quelque soit la maison de disque qui dispose des droits et la plate-forme qui distribue les fichiers.
Pour l’instant, il semble qu’Apple reste en-dehors de l’enquête de la justice américaine qui se concentrerait sur Universal, Sony, EMI et Warner Music.
Mais on murmure en coulisse que l’industrie feint d’être embêtée par cette enquête qui devrait vite s’étendre à Apple.
En effet, le succès du service iTunes lancé par Apple en 2003 est insolent. 500 millions de chansons ont été vendues sur cette plateforme, alors que le reste de l’industrie du disque se meurt en désignant l’internet comme étant l’assassin. 500 millions de chansons ! Cela représente trois-quarts du marché total de la musique sur l’internet à ce jour.
En d’autres termes, si le prix unique devait être remis en cause par l’enquête du procureur général et que celle-ci devait aussi viser Apple, c’est non seulement le modèle économique d’iTunes qui disparaitrait, faisant la place libre aux concurrents (dont beaucoup tournent sur des plateformes compatibles PC), mais cela relancerait la concurrence pour le marché de la musique en ligne et permettrait aux maisons de disque de solutionner le problème de l’exploitation des fonds de catalogues.
Vous avez dit « simple » ?