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La loi espagnole sur la société de l’information : «Payez et vous verrez»

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À l’évidence, le débat suscité par le projet de loi sur la Société de l’Information voté par le gouvernement Espagnol le 8 Février ne s’est pas focalisé sur le commerce électronique, objet de la directive à l’origine de cette loi, mais sur le fait de savoir si les web à contenu informatif ou d’opinion vont…

À l’évidence, le débat suscité par le projet de loi sur la Société de l’Information voté par le gouvernement Espagnol le 8 Février ne s’est pas focalisé sur le commerce électronique, objet de la directive à l’origine de cette loi, mais sur le fait de savoir si les web à contenu informatif ou d’opinion vont tomber sous son joug.

Du commerce électronique aux banners publicitaires

Le concept de service de la Société de l’Information adopté par le projet de loi est très largement entendu et inclut explicitement, selon l’exposé des motifs “la fourniture d’information (comme le font les journaux ou revues en ligne)”, toujours à la condition que le service “représente une activité économique”. Les retombées économiques requises pour que la loi soit d’application incluent, la ministre Anna Birulés l’a confirmé, le fruit des banners publicitaires qu’une web peut insérer pour subsister. Ce n’est pas sans soulever certaines interrogations qui tiennent de la pure logique.

Il est en effet insensé qu’une web personnelle, du seul fait de ses banners publicitaires, supporte tous les effets de la loi, alors que la web sans banners se trouve hors de son atteinte. Ne peut-elle donc pas se trouver en situation délictueuse? L’argument est trop mince pour supporter la critique et le temps: si c’est la publicité qui est source de bénéfices pour la web, c’est l’activité publicitaire qui devrait être soumise à la loi, et non celle consistant à informer ou divulguer des opinions, qui en rien ne se confond avec le sponsoring. Si l’objet de la persécution sont les contenus, il vaudrait mieux le dire et chercher une justification qui tienne.

De fait, le vocabulaire utilisé met la puce à l’oreille. La ministre, rassurante, maintient dans un discours amplement divulgué par la presse et commenté dans les média (y compris des web personnelles!), que les “délits d’opinion” ne pourront être poursuivis que par un juge. Délit d’Opinion? L’expression englobe les délits pénaux contre l’honneur (la calomnie et l’injure) quand ils sont commis contre une autorité publique. Pas exactement le genre de délits commis tous les jours! (jusqu’à la LSSI).

La meilleure Loi sur Internet serait-elle : « pas de loi sur Internet » ?

Eduardo Haro Tecglen, célèbre chroniqueur qui a la sagesse de l’âge, se souvient de temps déjà lointains où l’on disait en Espagne: “la meilleure loi de la Presse est pas de loi de la presse”. Internet, c’est différent, mais c’est la même chose, dit-il. La Loi, c’est-à-dire le code civil, pénal, du commerce, sont nécessaires et suffisants pour régler les différends et protéger les citoyens dans tous les aspects de leurs relations.

Ce serait bien sûr l’idéal, et toute loi devrait obéir à cette condition première: le respect du droit commun, et de la constitution, ce qui n’est pas non plus sans poser problème dans le cas de la loi qui nous occupe: Oui, la liberté d’expression, protégée constitutionnellement, est directement mise en danger par la LSSI. Ainsi, l’article 8-1, ennonce: “Dans le cas où un service déterminé de la société de l’information…attente ou puisse attenter contre les principes exprimés ci-après, les autorités compétentes pour leur protection, dans l’exercice des fonctions qui leur sont légalement attribuées, pourront adopter les mesures nécessaires pour que soit interrompue leur prestation ou pour retiter les données qui vont à l’encontre”. Selon Alfons López Tena, membre du Conseil général du Pouvoir Judiciaire et qui s’était prononcé contre l’avant-projet quand il fut soumis à cette organe, ces mesures incluent la fermeture d’un journal diffusé sur Internet, comme le reconnît le mémoire justificatif et économique du 9 Octobre 2001, page 32, paragraphe 20, lignes 5 et 6. Les principes protégés par le projet LSSI, entre autres, incluent “la protection de la jeunesse et de l’enfance” principe aux contours flous pour la sauvegarde duquel Socrates fut condamné à se donner la mort, exemple, toujours selon Alfons López Tena, d’application de la LSSI…

Quand la spécificité du média supplante celle de l’activité qui s’y déroule

Pour ce qui est du droit commun, on osera répondre à Eduardo Haro Tecglen qu’il met lui-même le doigt sur le problème. En leur temps les relations commerciales atteinrent tel volume et niveau de sophistication qu’il falut les extraire du code civil. On se trouve aujourd’hui devant le dilemne de légiférer de façon verticale comme l’ont fait les Américains avec le Millenium Digital Copyright Act, ou de façon horizontale, dont résulte l’émergence d’ un droit de la presse, de l’audiovisuel, et aujourd’hui de l’Internet. En effet les spécificités des uns et des autres, malgré leur enchevètrement et la convergence qui s’opère actuellement, ne permettent pas (encore) de leur appliquer les mêmes règles. La langue s’emballe plus vite que la plume, le droit de réplique ne peut s’exercer sur les ondes comme dans la presse, etc.

Quant aux matières en friche, la jurisprudence se charge d’interpréter les comportements sociaux. La section 22 du tribunal de Première Instance de Barcelone ne vient-elle pas de condamner la société Traxdata à payer un canon à la SGAE (Société des Droits d’Auteurs) pour chaque CD-R vendu depuis 1997 car “On connaît l’habitude des usagers Espagnols de graver sur les CD-R la musique qui circule sur Internet”. Cette afirrmation a bien sûr été contredite par les rapports les plus divergents, mais en attendant insinue que tous les internautes espagnols sont des pirates, et balaie d’un revers de manche le droit à la copie privée reconnu par l’article 31.2 du code de la propriété intellectuelle espagnol. Sans parler du risque de faillite certaine de la société productrice de CD-R, qui n’a pas répercuté cet impôt sur le consommateur entre 1997 et 2002. On comprend qu’il faille prendre le tournant de la rentabilité, mais l’insécurité juridique n’y a jamais contribué.

Droits Fondamentaux et « Économie de l’Information »

Le gouvernement, et quand ce sera son tour le législateur, auraient donc déjà beaucoup à faire s’ils s’en tenaient au devoir qui leur incombe: ménager aux citoyens des règles telles que leurs droits fondamentaux soient préservés. Cependant, sentant le vent venir et dans un élan de solidarité avec l’économie nationale, on imagine facilement le stratagème ourdi: Il s’agit de brandir les banners publicitaires, concept que tout le monde comprend, pour contrôler les contenus gratuits jusqu’à ce que soit assimilé un concept des plus impopulaires pour le moment: les contenus payants. On peut en effet prédire (et craindre) qu’avec cette loi, toutes les web personnelles, qui offrent gratuitement l’information, vont disparaître par crainte des sanctions draconniennes auxquelles elles sont exposées. Une fois découragés ceux que la ministre a appelé “petits malins qui veulent profiter de la candeur des consommateurs”, la presse online des grands groupes de communication arrive triomphante avec des contenus payants, les seuls accessibles, après un travail de fond sur les droits d’auteurs attenant à la publication on line.

Une protection spécifique pour les contenus informationnels ?

Des déclarations prémonitoires ont déjà été prononcées dans ce sens par Lycos, dans la revue “Emprendedores”, nº53 de février 2000: “l’objectif consiste à convertir l’usager en un client disposé à payer. Wanadoo se déclare également “prêt à faire payer l’information, mais seulement quand Terra le fera”. Dans El País du 26 Février, est annoncée une chute de 81,5% du groupe Recoletos en 2001, attribuée aux faibles marges laissées par la TV, la radio et Internet. La LSSI vient à point nommé pour éviter la catastrophe!

Le débat sur les droit d’auteur sera, à ce stade de notre fiction, difficile à éviter, et, en soi, on comprend qu’ils soient différenciés des droit pour la publication papier, les droits d’auteur protégeant non l’essence de l’oeuvre, sinon comment elle nous parvient- ce n’est pas le champ de blé vert, mais la perception qu’en a Van Gogh, qui est protégée, et en ce sens l’article on line se différencie de l’article papier, comme l’a déjà souligné la jurisprudence (voir affaire Voltaire): le temps n’a pas le même effet sur l’un et l’autre, etc. Cependant, du tableau de van Gogh à un article de presse il y a un pas de géant, et peut-être est-il temps de donner corps légal au “contenu informationnel”, création objet de protection, bien ou service de marché, ou appartenant au domaine public, cela reste à définir. Mais cette réflexion s’avère nécessaire car l’excuse des banners publicitaires ne tient pas la route, et les droits d’auteurs, déjà fragilisés par l’utilisation abusive qui en est faite, n’ont plus grand chose à voir avec l’information. Spécialement sur Internet, elle est le résultat d’un traitement collectif des événements et réflexions qu’ils déclenchent, s’enrichit, se transforme, au fil des cerveaux par lesquels elle passe. On ne peut discocier ce phénomène de la gratuité des échanges qui caractérise, encore, Internet. S’il s’agit de rectifier le tir parce que la nouvelle société est celle de l’information et notre économie va tourner autour de l’information, plus de transparence, et un débat de fond, seraient les bienvenus.

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