La justice élargit toujours plus la protection du consommateur dans l’e-commerce
Publié le 01/10/2012 par Etienne Wery
Le cas est classique : après des recherches sur l’internet, le consommateur se rend à l’étranger chez le vendeur pour y conclure le contrat, souvent parce qu’il a un doute ou que le bien ne se prête pas à une vente à distance. La Justice a considéré que même dans ce cas, le consommateur peut la plupart du temps assigner le vendeur dans son propre pays Une décision de justice qui pourrait impacter beaucoup de commerçants !
Peu de consommateur sont prêts à acheter une voiture, une œuvre d’art, un objet technologique d’un certain prix ou tout autre bien répondant à des caractéristiques bien précises, sans le voir préalablement.
Dans ce cas, après avoir cherché sur le web, ils trouvent un vendeur parfois situé dans un autre Etat membre, et vont s’y rendre pour voir et/ou tester l’objet avant de l’acquérir.
C’est exactement ce qui s’est produit avec une citoyenne autrichienne, Mme M., qui cherchait une voiture d’occasion et est parvenue sur l’offre de l’Autohaus Yusufi grâce à ses recherches réalisées sur Internet. Le vendeur étant à Hambourg, en Allemagne, elle s’y rend pour voir la voiture, signer le contrat d’achat et réceptionner la voiture. De retour en Autriche, elle a découvert que le véhicule était affecté de vices substantiels.
Le vendeur ayant refusé de réparer la voiture, Mme M. a introduit un recours devant les juridictions autrichiennes. Mais celles-ci sont-elles compétentes ? La Cour suprême autrichienne considère que les activités commerciales du vendeur étaient bien dirigées vers l’Autriche parce que leur site Internet était accessible dans cet État et qu’il y a eu des contacts à distance (téléphone, courriels) entre les parties contractantes. Toutefois, elle se demande si la compétence des juridictions autrichiennes ne présuppose pas que le contrat ait été conclu à distance ?
L’affaire aboutit devant la Cour de justice de l’Union européenne qui a confirmé sa jurisprudence traditionnellement militante en la matière.
On sait que le droit de l’Union vise à protéger le consommateur, en tant que partie contractante la plus faible, dans les litiges transfrontaliers, en lui facilitant l’accès à la justice notamment par une proximité géographique avec la juridiction compétente. Ainsi, le consommateur peut assigner devant les tribunaux nationaux le commerçant avec lequel il a conclu un contrat, même si ce commerçant est domicilié dans un autre État membre, et ce, sous deux conditions :
- premièrement, le commerçant doit exercer ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre où réside le consommateur ou, diriger par tout moyen (par exemple par Internet) ses activités vers cet État membre, et
- deuxièmement, le contrat sur lequel porte le litige doit relever de ces activités.
La Cour suprême autrichienne se demande donc, en l’espèce, si la possibilité de saisir les juridictions nationales dans ces conditions, présuppose que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance.
La cour relève que si la réglementation européenne exigeait jusqu’en 2002 que le consommateur devait avoir accompli dans l’État membre de son domicile les actes nécessaires à la conclusion du contrat, la réglementation actuelle ne contient plus une telle condition. Par cette modification, le législateur de l’Union a entendu assurer une meilleure protection des consommateurs.
La condition essentielle à laquelle est subordonnée l’application de cette règle est celle liée à l’activité commerciale ou professionnelle dirigée vers l’État du domicile du consommateur. À cet égard, tant la prise de contact à distance, que la réservation d’un bien ou d’un service à distance ou, a fortiori, la conclusion d’un contrat de consommation à distance sont des indices de rattachement du contrat à une telle activité.
Dès lors dit la Cour, « si i) le commerçant domicilié dans un autre État membre exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre du domicile du consommateur ou, dirige par tout moyen ses activités vers cet État membre, et ii) si le contrat litigieux entre dans le cadre de telles activités, le consommateur peut assigner, devant les juridictions de son propre État membre, ce commerçant, même si le contrat n’a pas été conclu à distance du fait qu’il a été signé dans l’État membre du commerçant. »