La géolocalisation des salariés est-elle légale ?
Publié le 08/01/2019 par Etienne Wery
L’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation. La Cour de cassation aligne sa jurisprudence sur celle du conseil d’Etat.
Pour mesurer l’activité des postiers, la société Médiapost utilise un système qui enregistre la localisation des distributeurs toutes les dix secondes au moyen d’un boîtier mobile, que les distributeurs portent sur eux lors de leur tournée et qu’ils activent eux-mêmes.
La Fédération Sud des activités postales et des télécommunications Sud PTT (la Fédération) soutient que la mise en place et l’exploitation du système de géolocalisation (appelé Distrio), était illicite et a assigné à jour fixe la société Médiapost.
La Cour d’appel valide le système, au motif notamment que le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable d’enquêtes n’apparaissent pas adaptés au but recherché.
La Cour de cassation refuse cette analyse.
Elle commence par rappeler que selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Par rapport à la géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, elle en déduit que :
- l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût -il moins efficace que la géolocalisation :
- ce contrôle n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.
Ce faisant, la Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence du Conseil d‘Etat. Dans un arrêt du 15 décembre 2017, celui-ci avait jugé que « Il résulte de [l’article L. 1121-1 du code du travail] que l’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation. En dehors de cette hypothèse, la collecte et le traitement de telles données à des fins de contrôle du temps de travail doivent être regardés comme excessifs au sens du 3° de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 précité. »
Les deux Cours privilégient donc l’application la plus rigoureuse possible du principe de minimisation des données prévu à l’article 5 du GDPR énonce que « Les données à caractère personnel doivent être: (…) c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) (…). »
Est-ce à dire que la géolocalisation est morte ?
Non, mais elle ne passera la rampe que dans des cas très spécifiques.
Rappelons par exemple que la CEDH a validé pareil contrôle pour ce qui concerne le contrôle anti-dopage des sportifs. Sans nier l’impact que les obligations de localisation ont sur la vie privée des sportifs, la CEDH accepte qu’ils soient soumis à des obligations auxquelles la majorité de la population active n’est pas tenue.
Elle a estimé que le dispositif de localisation a le mérite de fixer un cadre légal à la lutte antidopage qui ne saurait être sous-estimé du point de vue des garanties des droits des sportifs concernés. Elle estime, d’autre part, que si le dispositif de localisation n’est certes qu’un aspect de la lutte antidopage, les intéressés doivent prendre leur part de contraintes inhérentes aux mesures nécessaires pour lutter contre un mal qui sévit particulièrement dans le milieu de la compétition de haut niveau. Elle considère encore que, compte tenu du fait que la localisation éventuelle à leur domicile se fait à leur demande et selon une plage horaire déterminée, les contrôles antidopage sont différents de ceux placés sous la supervision de l’autorité judiciaire et destinés à la recherche d’infractions ou susceptibles de donner lieu à des saisies. Elle considère enfin que les requérants et la requérante ne démontrent pas que des contrôles limités aux lieux d’entraînement et respectant les moments dédiés à la vie privée suffiraient pour réaliser les objectifs que se sont fixés les autorités nationales, compte tenu des développements des méthodes de dopage et des brefs espaces de temps pendant lesquels les substances prohibées peuvent être détectées.
Plus d’infos ?
- En lisant l’arrêt de la cour de cassation, joint en annexe.
- En lisant notre précédente actu sur l’arrêt du conseil d‘Etat
- En lisant nos autres actualités sur la géolocalisation.