La future réglementation sur les communications électroniques : quel impact sur les opérateurs exerçant une influence significative ?
Publié le 15/06/2003 par Franklin Brousse
Nous voici à l’avant-dernière livraison de notre cycle de 7 analyses consacrées à l’analyse du paquet télécoms, et plus spécifiquement à sa transposition en droit français. Le parcours a débuté avec un panorama général (1), suivi d’une analyse des règles d’accès au marché (2), des droits des utilisateurs (3) de l’harmonisation des règles des communications…
Nous voici à l’avant-dernière livraison de notre cycle de 7 analyses consacrées à l’analyse du paquet télécoms, et plus spécifiquement à sa transposition en droit français. Le parcours a débuté avec un panorama général (1), suivi d’une analyse des règles d’accès au marché (2), des droits des utilisateurs (3) de l’harmonisation des règles des communications électroniques et audiovisuelles (4) et de la gestion des fréquences radioélectriques (5). Nous allons aujourd’hui aborder le droit de la concurrence avec l’impact de la nouvelle législation sur les opérateurs exerçant une influence significative.
Le « paquet télécom » fait allusion, en jargon du droit des nouvelles technologies, à un corps de règles d’origine européenne, adopté entre 1999 et 2002.
Qu’en est-il exactement ? A la suite de la libéralisation, au 1er janvier 1998, des marchés des télécommunications, la Commission européenne lançait en 1999 la procédure de réexamen du cadre réglementaire (ancien) des télécommunications. La même année, elle réalisait un « état des lieux » du cadre et constatait les nombreuses difficultés rencontrées dans son application, notamment en raison de la convergence entre les télécommunications, les technologies de l’information et des médias. Par ailleurs, dès 1999, tout le monde a senti la nécessité de « toiletter » les textes : supprimer ce qui n’avait plus de sens parce que le secteur avait entre-temps été libéralisé, et coordonner le reste pour en faire un corps plus simple et cohérent. De ce travail législatif mené à l’échelon européen est sorti le paquet télécom auquel nous avons consacré de nombreuses analyses.
Rappelons que ce cycle est une republication, avec l’aimable l’accord de l’auteur, d’une série d’analyses publiées dans le JournalDuNet.
La volonté générale du projet : réintroduire purement et simplement le droit de la concurrence
Les dispositions actuelles du CPT ont permis de définir des règles adaptées à l’ouverture à la concurrence du marché des télécommunications mais qui sont devenues aujourd’hui obsolètes.
Le développement de la concurrence et les transformations du marché ont conduit le législateur européen à envisager la modification des mécanismes de la régulation par le biais d’un rapprochement avec certaines notions du droit de la concurrence telles que « position dominante » dans l’objectif de définir les opérateurs exerçant une influence significative sur le marché et leurs obligations.
Aux termes de l’exposé des motifs de l’avant projet de loi, la future réglementation « marque l’entrée dans une nouvelle phase de la régulation qui doit conduire graduellement au remplacement des règles sectorielles spécifiques par l’application du droit général de la concurrence ».
Les obligations des opérateurs exerçant une influence significative
Le projet de loi introduit de nouvelles dispositions spécifiques aux opérateurs qui exercent ou exerceront une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques.
Reprenant les dispositions de la directive « cadre » du 7 mars 2002 relatives aux entreprises puissantes sur le marché, l’avant projet de loi indique qu’est considéré « comme exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».
Lorsqu’un opérateur exerce une influence significative sur un marché, il peut également être considéré comme exerçant une influence significative sur un autre marché étroitement lié au premier par des liens tels qu’ils permettent d’utiliser sur un des deux marchés, par effet de levier, la puissance significative détenue sur l’autre marché.
Comme l’ART s’y attache déjà, elle devra continuer à déterminer, après avis du conseil de la concurrence, les marchés du secteur des communications électroniques pertinents aux fins de l’application de ces nouvelles dispositions spécifiques, et analyser le développement de la concurrence sur ces marchés, notamment par l’établissement chaque année d’une liste des opérateurs considérés comme exerçant une influence significative sur ces marchés.
Les opérateurs considérés comme exerçant une influence significative sur un marché de détail du secteur des communications électroniques pourront lorsque les conditions d’accès et interconnexion ne permettront pas de réaliser certains objectifs, comme l’exercice d’une concurrence effective et loyale ou la liberté de communication des utilisateurs, se voir imposer des obligations destinées à assurer la réalisation de ces objectifs.
Ainsi, les opérateurs concernés pourront être tenus de respecter certaines prescriptions en matière de contrôle tarifaire, d’égalité de traitement des utilisateurs, de comptabilisation des coûts.
Ces dispositions seront également applicables aux installations utilisant des fréquences radioélectriques établies en application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Interconnexion, accès et opérateurs exerçant une influence significative
Conformément aux dispositions de la directive relative à l’accès aux réseaux et à leur interconnexion, l’avant projet de loi intègre la notion d’accès au sein des dispositions existantes relatives à l’interconnexion, afin de favoriser une concurrence durable et de garantir l’interopérabilité des services au bénéfice des consommateurs.
La notion d’accès définie à l’article L. 32 du CPT a une portée large puisqu’elle couvre notamment l’accès à des éléments de réseaux, comme la boucle locale, l’accès aux bâtiments, gaines et pylônes, l’accès aux équipements et logiciels servant à l’exploitation des réseaux, les prestations nécessaires à la mise en œuvre de l’itinérance ou de réseaux virtuels.
L’accès au réseau de diffusion hertzienne terrestre ainsi qu’aux réseaux câblés est désormais couvert par le CPT, mais ne couvre pas l’accès aux systèmes d’accès conditionnel pour les services de télévision, régi par la loi relative à la liberté de communication
Sous réserve du respect d’une procédure de consultations préalables, l’ART pourra imposer des modalités d’accès ou d’interconnexion par le biais de décisions motivées, afin que l’interconnexion ou l’accès soient assurées dans des conditions répondant aux exigences d’objectivité, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité.
Dans ce cadre, les opérateurs considérés comme exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques pourront se voir imposer certaines obligations liées à la publication des informations et des offres techniques et tarifaires d’interconnexion ou d’accès, à la fourniture de certaines prestations d’interconnexion ou d’accès dans des conditions non-discriminatoires, aux réponses devant être apportées aux demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseaux ou à des ressources associées déterminées, dans le respect d’un encadrement tarifaire des prestations d’interconnexion ou d’accès.