La France transpose la directive SEPA sur les services de paiement.
Publié le 19/07/2009 par Etienne Wery , Cathie-Rosalie Joly
L’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement, transpose en droit français la directive dite SEPA créant un marché unique des paiements en euros. Le paiement électronique européen est dorénavant une réalité en France.
Alors que la libre circulation des personnes et des services au niveau européen, constituent des libertés fondamentales bien connues et effectives (même s’il est vrai que des améliorations sont toujours possibles et souhaitables), la libre circulation des capitaux est une affaire autrement plus délicate. La création en 1992 du Marché Unique, qui a bien réussi aux deux premières libertés, n’a pas été d’un même secours pour la dernière.
La création de l’euro a certes permis de faire un pas en avant, mais elle n’a pas tout solutionné. S’il a souffert (et continue de souffrir) des propos démagogiques de certains chefs d’Etat plus prompts à l’accuser de tous les maux qu’à nettoyer leurs écuries d’Augias, il s’est aussi révélé insuffisant, à lui seul, pour créer un véritable espace unique du paiement. Les pratiques et réflexes nationaux sont très différents d’un Etat à l’autre, et ont la vie dure.
De ce constat échec est née l’idée d’un véritable espace unique des paiements en euros, appelé SEPA (Single Euro Payment Area). SEPA est à l’euro scriptural ce qu’est SECA (Single Euro Cash Area) à l’euro fiduciaire : la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère.
Comme l’explique la FBE (Fédération Bancaire Européenne) : « C’est un espace économique où les citoyens, les entreprises et les autres acteurs économiques pourront effectuer et recevoir des paiements en euro, dans l’Union Européenne élargie, que ce soit à l’intérieur de frontières nationales ou transfrontières, sous les mêmes conditions de base, avec les mêmes droits et obligations, quelque soit leur lieu de résidence. La monnaie unique en est le ferment, la fondation. L’objectif principal pour le citoyen est de rendre les paiements scripturaux intra européens, surtout électroniques, aussi faciles que les paiements fiduciaires » .
Une évolution majeure du paysage français
En France, conformément à l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier (CMF), les opérations de banque comprenaient, jusqu’à l’ordonnance du 15 juillet, les opérations suivantes : (i) la réception de fonds du public ; (ii) les opérations de crédit ; (iii) la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement.
Dès l’instant où une personne morale exerce à titre de profession habituelle au moins une des opérations de banque, elle est qualifiée d’établissement de crédit (art. L. 511-1, CMF). Le fait d’être qualifié d’établissement de crédit entraîne l’obligation d’être agréé par le CECEI (Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement). Il s’agit d’un agrément préalable (art. L. 511-10, CMF), assorti de peines pénales. En contrepartie de cet agrément, les opérations de banque sont réservées en monopole aux établissements de crédit (art. L. 511-5, CMF).
La situation était intenable au niveau européen car tous les pays n’avaient pas la même définition des opérations de banque. La même activité exercée par un fournisseur de services de paiement peut requérir un agrément d’établissement de crédit dans le pays A, un agrément d’établissement de monnaie électronique dans le pays B, un agrément spécial dans le pays C, et être considérée comme une activité déréglementée dans le pays D.
Des pays aussi proches que la France et la Belgique connaissent déjà des divergences fondamentales : l’activité d’un opérateur consistant à offrir un service de paiement sans octroi de prêt et sans réception de fonds est libre en Belgique, mais soumise à l’agrément des établissements de crédit en France !
La situation ne plaisait à pas grand monde, sauf peut-être à quelques banques françaises.
Un grand nombre de sociétés françaises spécialisées dans les paiements électroniques disposent d’un réel savoir-faire qu’il leur était difficile, si pas impossible, d’exploiter dans leur propre pays, car l’exercice de cette activité nécessite d’entrer dans un cadre juridique dont les contraintes dépassaient leur capacité financière et organisationnelle. Certaines de ces sociétés s’expatraient à l’étranger sous des cieux plus cléments. Par ailleurs, les détracteurs du système affirmaient que les utilisateurs pâtissent de ce pré carré réservé aux établissements de crédit qui seraient moins innovants et moins réactifs aux évolutions du marché.
Pareillement, les opérateurs étrangers qui exerçaient librement ce métier dans leur pays d’origine critiquaient la difficulté de percer sur le marché français, qu’ils disaient artificiellement protégé par ces mesures dont ils perçoivent d’autant moins l’utilité qu’elles sont inconnues dans leur pays d’origine, où le contrôle prudentiel était exercé différemment mais pas nécessairement moins efficacement.
Pour harmoniser tout cela, la directive SEPA a créé un nouveau cadre juridique pour les « services de paiement ». Ceux-ci ne sont :
- ni tout à fait libres (les pays très libéraux ont donc du renforcer leur contrôle) ;
- ni tout à fait aussi sévèrement réglementé que les banques (les pays très restrictifs comme la France ont donc du assouplir leur contrôle).
Cette évolution tout à fait fondamentale du paysage bancaire et financier français, est reflétée dans l’ordonnance du 15 juillet.
La directive SEPA
Il était en effet inimaginable qu’un projet aussi vaste (on le compare en difficulté à l’introduction de l’euro fiduciaire), soit mené sans la collaboration la plus totale de l’industrie. Celle-ci a répondu à l’appel, créant dès 2002 l’EPC (European Payments Council), qui se définit lui-même comme un centre de décision et de coordination pour l’industrie bancaire européenne dès l’instant où celle-ci est confrontée aux paiements. Son objectif déclaré est de favoriser et de promouvoir l’avènement du SEPA.
Il revenait toutefois aux autorités publiques, à l’euro-système et à la Commission européenne en particulier, de clarifier les objectifs finaux du SEPA et d’en fixer le cadre juridique.
Après un parcours malheureusement trop long (le premier document de travail date de 2002), la proposition de directive publiée en décembre 2005 a été approuvée en deuxième lecture par le Parlement européen lors de sa séance du 24 avril 2007. Après adoption formelle par le Conseil, le texte sera publié et transposé dans les législations nationales d’ici fin 2009 environ.
La directive s’articule autour de trois piliers :
1. Le premier pilier vise la liberté de fournir des services de paiements. L’objectif est l’harmonisation des conditions d’accès au marché, dans le but de créer des conditions de concurrence égales, de stimuler la concurrence sur les marchés nationaux, et de favoriser l’entrée sur le marché d’un nouveau métier : les prestataires de services de paiement (autres que les établissements de crédit).
Les exigences de fonds propres pour les établissements de paiement ont été l’objet de discussions tendues. Le consensus final consiste à imposer un plancher variant de 20.000 à 125.000 euros en fonction des activités que souhaite exercer l’établissement de paiement.
Les activités que les établissements de paiement peuvent entreprendre ont aussi donné lieu à un débat viril. En fin de compte, leur activité est limitée à l’offre de services de paiement, de services opérationnels et de services auxiliaires aux services de paiement (services de change, services de conservation, de stockage et de traitement de données…), ainsi qu’à l’octroi de crédits liés aux services de paiement. Malgré la réticence qu’à rencontrée la possibilité d’octroi de crédit, un consensus a été trouvé en imposant que le crédit n’excède en aucun cas douze mois.
2. Le deuxième volet porte sur l’harmonisation des exigences de transparence et d’informations.
3. Enfin, le troisième pilier définit les droits et obligations des utilisateurs et des prestataires de services de paiements.
Les trois chantiers du SEPA
SCT est l’harmonisation paneuropéenne du virement bancaire que nous connaissons et utilisons tous. Ce chantier se déroule en deux phases.
Actuellement, le virement standard du SEPA est disponible parallèlement aux instruments nationaux. Le client a donc la possibilité d’utiliser un virement SEPA, aussi bien pour les transactions nationales qu’internationales. Fin 2010 au plus tard, les administrations publiques et les entreprises recourront exclusivement aux virements SEPA.
La directive harmonise plusieurs points importants dans l’exécution du virement. Notamment au niveau du délai d’exécution, fixé à J+1 partout en Europe. Par ailleurs, quelle que soit la destination du virement, le système garantira que le montant intégral soit crédité sur le compte du bénéficiaire, sans fixer de limite à la valeur du paiement.
SDD ou SEPA Direct Debit, est l’harmonisation paneuropéenne de l’autorisation de prélèvement ou, pour reprendre un jargon communément utilisé, de la domiciliation : le payeur autorise son créancier à prélever directement sur son compte la somme nécessaire au paiement de la facture. Très pratique pour éviter les dépenses répétitives et éviter les coupures de téléphone ou d’électricité !
Ce chantier est extrêmement délicat car on entre ici dans la relation (commerciale ou non) qui justifie le paiement, avec toutes ses particularités et spécificités. Le défi consiste donc à harmoniser le paiement sans nuire à la souplesse et aux besoins des parties.
SCF ou SEPA Card Framework touche au monde des cartes : il se matérialisera par un environnement exempt de barrières techniques, juridiques ou commerciales empêchant les parties prenantes d’utiliser ou de proposer des services de paiement par carte sans considération de frontière au sein de la zone euro.
Concrètement, cela signifie donc au moins que :
– tout porteur d’une carte sera en mesure d’utiliser celle-ci à chaque DAB ou avec tout terminal de paiement électronique (pour autant dans ce cas que la banque ou le commerçant accepte le type de carte/la marque en question) ;
– le coût de la transaction ne peut pas dépendre de critères fondés sur le pays d’émission de la carte ;
– un commerçant pourra choisir de traiter avec toute banque distributrice, où qu’elle se situe dans la zone euro ;
– lorsque le système de cartes prévoit le paiement d’une commission interbancaire, le niveau de celle-ci ne devrait pas varier en fonction de facteurs géographiques.
Plus d’infos ?
En lisant l’ordonnance, disponible sur notre site.