La France condamnée à cause du taux TVA réduit sur les livres électroniques
Publié le 10/03/2015 par Etienne Wery
La France et le Luxembourg ne peuvent pas appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques, contrairement aux livres papier. La TVA française sur les e-books passera à 20% d’ici peu.
Les taux réduits en France
En France et au Luxembourg, la fourniture de livres électroniques est soumise à un taux réduit de TVA. Ainsi, depuis le 1 er janvier 2012, la France et le Luxembourg appliquent respectivement un taux de TVA de 5,5 % et de 3 % à la fourniture de livres électroniques.
Les livres électroniques (ou numériques) en cause en l’espèce recouvrent les livres au format électronique fournis à titre onéreux par voie de téléchargement ou de diffusion en flux (streaming) à partir d’un site web pour être consultés sur un ordinateur, sur un téléphone intelligent, sur un lecteur de livres électroniques ou sur tout autre système de lecture.
La Commission demande à la Cour de justice de constater qu’en appliquant un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques, la France et le Luxembourg ont manqué aux obligations qui leur incombent en vertu de la directive TVA (Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; JO, L 347, p. 1).
L’arrêt rendu
Dans ses arrêts rendus le 5 mars 2015, la Cour accueille les recours en manquement de la Commission (C-479/13 et C-502/13).
La Cour relève tout d’abord qu’un taux réduit de TVA ne peut s’appliquer qu’aux livraisons de biens et aux prestations de services visées à l’annexe III de la directive TVA. Cette annexe mentionne notamment la « fourniture de livres, sur tout type de support physique ». La Cour en conclut que le taux réduit de TVA est applicable à l’opération qui consiste à fournir un livre se trouvant sur un support physique. Si, certes, le livre électronique nécessite, aux fins d’être lu, un support physique (comme un ordinateur), un tel support n’est cependant pas fourni avec le livre électronique, si bien que l’annexe III n’inclut pas dans son champ d’application la fourniture de tels livres.
Par ailleurs, la Cour constate que la directive TVA exclut toute possibilité d’appliquer un taux réduit de TVA aux « services fournis par voie électronique ». Selon la Cour, la fourniture de livres électroniques constitue un tel service. La Cour écarte l’argument selon lequel la fourniture de livres électroniques constituerait une livraison de biens (et non un service). En effet, seul le support physique permettant la lecture des livre s électroniques peu t être qualifié de « bien corporel », un tel support étant cependant absent lors de la fourniture de livres électroniques.
La Commission reproche également au Luxembourg d’appliquer un taux super – réduit de TVA de 3 %, alors que la directive TVA interdit, en principe, les taux de TVA inférieur s à 5 %. La Cour rappelle que, selon la directive TVA, un État membre peut appliquer des taux réduits de TVA inférieurs à 5 %, à condition notamment que les taux réduits soient en conformité avec la législation de l’Union. La Cour ayant auparavant conclu que l’application d’un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques n’est pas conforme à la directive TVA, la condition de conformité avec la législation de l’Union n’est pas remplie, si bien que le Luxembourg ne peut pas appliquer un taux super-réduit de TVA de 3 % à la fourniture des livres électroniques.
Les arrêts rendus n’empêchent pas les États membres d’instaurer un taux réduit de TVA pour les livres sur support physique, comme notamment les livres papier.
Le site web du ministère annonce déjà une modification : « Le taux de TVA applicable au livre numérique, qui est fixé depuis 2012 au taux réduit de 5,5 % comme le livre imprimé, doit passer au taux normal de 20 %. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 5 mars 2015 considère que le livre numérique constitue « service fourni par voie électronique » auquel doit être appliqué le taux normal de la TVA, ce qui contraint l’État français à modifier l’article 278-0 bis du code général des impôts. »
La TVA sur les services en pleine mutation
Rappelons que depuis le 1er janvier 2015, la TVA applicable aux services en ligne a changé dans l’Union européenne.
Auparavant, l’application du taux de TVA du pays du vendeur, permettait à des sociétés de s’organiser de telle manière que même si les services techniques et commerciaux sont situés dans un pays A, la vente soit juridiquement faite (et facturée) par une société établie dans un pays B proposant un taux de TVA faible. D’où une tentation très forte de délocaliser.
Depuis le 1er janvier, la TVA appliquée est celle du client pour ce qui concerne les services électroniques. Sont visés par les services électroniques, les « services fournis sur Internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information. Sont par exemple visés : les informations sur le trafic et sur les conditions météorologiques en ligne, l’abonnement à des journaux et à des périodiques en ligne, les services de stockage de données en ligne, l’accès au téléchargement de logiciel, l’utilisation de moteurs de recherche, les jeux en ligne … »
Plus d’infos sur le nouveau système TVA : https://www.droit-technologie.org/actuality-1683/tva-du-commerce-electronique-les-regles-changent-le-1er-janvier.html