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La FFT gagne un set dans son match contre le pari en ligne

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Saisi par la Fédération Française de Tennis (FFT), le Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI) a ordonné à Unibet de mettre un terme à la prise de paris sur le tournoi de Roland Garros au double motif, que d’une part cette activité porterait atteinte au monopole d’exploitation conféré à la FFT, organisateur du tournoi et d’autre part, qu’elle constituerait un acte de parasitisme.

Il n’est pas utile de rappeler la réticence des autorités françaises à dérèglementer le secteur des jeux en France, même si le récent rapport « Durieux » en annonce une ouverture maîtrisée. Contrairement à l’emblématique affaire Zeturf, le litige ne portait pas sur la violation d’un monopole légal sur l’organisation de paris mais sur l’utilisation indue du nom « Roland Garros » par un bookmaker en ligne, violant les droits exclusifs de la FFT organisatrice du tournoi.

 

Saisi par la FFT, le TGI Paris  fut amené à se prononcer sur la prise de paris en ligne portant sur les matchs du tournoi de Roland Garros. Ainsi, fut-il jugé que l’usage à des fins promotionnelles de la marque Roland Garros, d’une part, caractérisait la pratique parasitaire du bookmaker (2),  et d’autre part, méconnaissait le monopole d’exploitation de la FFT sur ses tournois (1). La société UNIBET ltd envisage de faire appel du jugement.

 

 

1. L’affirmation des droits exclusifs de l’organisateur d’un tournoi

  

La FFT, association « loi 1901 » a pour objet statutaire l’ « accès à tous à la pratique du tennis » au moyen, notamment de « l’organisation et la promotion de toutes épreuves ou manifestations sportives entrant dans le cadre de son activité » en particulier du tournoi de Roland Garros. A la différence du PMU ou de la Française des Jeux, la FFT ne détient pas de monopole pour l’organisation et la collecte de paris.

Le jugement se distingue du contentieux « classique » des jeux en ligne, en ce qu’il affirme que le droit d’exploitation  exclusif que détient l’organisateur d’une manifestation sportive s’étend à l’organisation de paris en ligne.

 

 

Le TGI :

• rappelle que l’article L333-1 du code du sport dispose que toute fédération sportive est propriétaire du « droit d’exploitation des (…) compétitions qu’elle organise ».

• considère que l’organisation de paris en ligne est un mode d’exploitation de la compétition sur laquelle portent les paris.

• conclut qu’UNIBET a méconnu le monopole d’exploitation reconnu à la FFT et condamne la société au paiement d’une somme de 200 000€ de dommages et intérêts.

 

Par conséquent, dans le silence de la loi, les juges précisent la portée des droits exclusifs que détient la FFT (et toute autre fédération sportive) sur les tournois qu’elle organise, qui englobe ainsi les paris en ligne.

Auparavant, le monopole d’un organisateur sur l’exploitation de l’image de sa manifestation sportive avait été consacré par la Cour de cassation[1]. Ce droit d’exploitation présente les caractéristiques du droit de propriété, dans la mesure où son titulaire peut empêcher les tiers d’utiliser une compétition à des fins commerciales sans autorisation. La seule limite à ce droit réside dans le droit à l’information.

 

La FFT se félicite de la décision rendue car elle expose clairement le principe que les droits exclusifs de l’exploitation commerciale d’un évènement sportif appartiennent à son organisateur. Dès lors se pose la question de la concession du « droit d’exploitation des paris ».

Va-t-on, comme le souhaitent les représentants de la FFT, s’orienter vers un mécanisme d’appel d’offre comparable à celui opéré par la Fédération Française de Football pour l’octroi des droits de diffusion de la Ligue 1 ? Dans cette perspective, il est certain que la Commission européenne veillera à ce que les organisateurs d’événements sportifs commercialisent le « droit d’exploitation des paris » dans respect du droit de la concurrence, notamment par le biais d’un appel d’offre ouvert et non discriminatoire.

 

2. L’utilisation parasitaire du nom Roland Garros

  

La société UNIBET ltd a fait figurer sur son site Internet la mention « internationaux de Paris », pour permettre à ses clients d’identifier le service proposé mais également dans le cadre d’un tirage au sort pour remporter des places pour les internationaux d’Australie.

 

Le TGI en a déduit qu’UNIBET a fait référence au tournoi parisien dans le but de promouvoir son activité, notamment en incitant à la prise de paris pour remporter le concours proposé. Ainsi, les juges de première instance ont conclu que l’opérateur de paris  basé à Malte s’était rendu coupable de parasitisme économique, pratique par laquelle un opérateur tire un avantage injustifié des efforts et des investissements réalisés par un autre. En conséquence de quoi, UNIBET devra verser 300 000€ de dommages et intérêts.

  

En revanche, les juges ont rejeté la demande de la FFT s’agissant de la contrefaçon de la marque Roland Garros[2]. Les juges, ont, à juste titre, reconnu le droit exclusif attaché à la marque, qui permet à son titulaire d’interdire l’utilisation par les tiers de sa marque. Cependant, l’article 713-6 du code de la propriété intellectuelle[3] prévoit que le titulaire d’une marque ne peut faire obstacle à l’utilisation de celle-ci comme « référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service (…) à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine ». Dès lors, le nom Roland Garros apparaît comme  nécessaire pour informer les internautes de l’objet des paris proposés[4].

 

 

En avril dernier, pour des faits similaires la FFT avait saisi le tribunal de première instance de Liège, en Belgique, pour obtenir l’interdiction pour les joueurs belges de parier sur les matchs de Rolland Garros et des Masters Series de Paris. La FFT avait dénoncé l’absence de comportement diligent de la part des opérateurs, un risque de corruption des sportifs et l’utilisation parasitaire du nom Roland Garros. 

Les juges liégeois avaient conclu que l’utilisation du nom d’un événement sportif était strictement nécessaire à l’activité des bookmakers impliqués, dans la mesure où elle indiquait quels matchs étaient susceptibles de paris. Faute d’utilisation du nom Roland Garros à des fins publicitaires pour leurs sites, les opérateurs de paris en ligne ne s’étaient pas rendus coupables d’acte de parasitisme.

 

 

3. Les droits d’exploitation, nouveau cheval de bataille des fédérations sportives ?

 

 

Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de paris le 30 mai 2008, s’inscrit dans le sillage du jugement rendu par la même juridiction tranchant le litige opposant le club de football de la Juventus de Turin à des opérateurs de jeu en ligne[5].

 

Les juges parisiens avaient sanctionné l’usage des marques concernées à des fins promotionnelles :

 

• Dans l’ « affaire Juventus », les juges ont considéré que l’usage de la marque Juventus était constitutif d’une contrefaçon, car ne relevant pas d’une utilisation strictement nécessaire à l’activité de paris en ligne.

• Tandis que les juges, dans  « affaire Roland Garros », ont qualifié de parasitaire,  l’usage de la marque Roland Garros.

 

 

Il est enfin intéressant de relever que le TGI dans la présente affaire semble avoir voulu, selon l’expression familière, « tendre la perche » à Unibet en indiquant qu’en l’espèce cette dernière « ne se propose pas de démontrer en quoi le monopole d’exploitation reconnu à la demanderesse constituerait une restriction injustifiée, inadaptée, disproportionnée et discriminatoire  au principe de la libre prestation de services, de sorte que la liberté du commerce et de l’industrie  ne saurait constituer, en l’espèce, un obstacle légitime au droit dont la FFT entend se prévaloir. »

 

En d’autres termes, le débat en appel pourrait-il se placer sur le terrain de savoir si un droit d’exploitation exclusif comme celui des ligues sportives professionnel, qui s’étend désormais à l’organisation de paris en ligne, peut constituer une restriction justifiée à la libre prestation de services ?

 

Sans pouvoir fournir une réponse immédiate à cette question, le contentieux relatif aux paris en ligne semble à tout le moins pour l’heure glisser du terrain de l’atteinte à la libre prestation de service vers celui de l’atteinte aux droits intellectuels des organisateurs des événements sportifs.

 

Alors que le récent rapport Durieux amorce une ouverture maîtrisée  du secteur des jeux en ligne – à laquelle les monopoles de la Française des Jeux et du PMU sont désormais bon gré, mal gré préparés – ces décisions récentes illustrent l’émergence d’un autre contentieux  lié aux droits intellectuels des fédérations sportives.

 

Ces dernières semblent ainsi bien décidées à se tailler un morceau du gâteau de l’ouverture du marché des paris en ligne. Le législateur les entendra-t-il ?

 

 


[1] Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mars 2004.

[2] Plus précisément, il s’agit d’une marque semi-figurative française et d’une marque verbale communautaire

[3] Transposant l’article 6 de la directive n° 89/104/CEE

[4] Le 30 janvier 2008, le même tribunal avait considéré que l’utilisation du nom « Juventus » par un site de paris en ligne, n’était pas « strictement nécessaire » à l’activité en question, et par conséquent, était constitutive de contrefaçon, car utilisée à titre publicitaire.

[5] TGI Paris, 3ème Chambre, 30 janvier 2008

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