La directive sur les secrets d’affaires et les informations confidentielles a été validée par le Conseil.
Publié le 12/06/2016 par Etienne Wery
C’était dans l’air depuis décembre 2015 et la position politique commune. C’est chose faite juridiquement : la directive sur les secrets d’affaire a été adoptée le 27 mai 2016 par le Conseil, marquant la fin du parcours législatif de ce texte. La directive sera prochainement publiée au J.O. et entrera en vigueur dans deux ans.
Les entreprises disposent de savoir-faire et d’informations. Cet investissement en capital intellectuel a une incidence sur leur compétitivité et leurs performances en matière d’innovation sur le marché et, partant, sur les avantages et la motivation qu’elles ont à continuer d’innover.
C’est ce que l’on appelle les secrets d’affaires. Cela couvre des informations très variées, qui vont des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d’affaires ou les études et stratégies de marché.
Les secrets d’affaires jouent un rôle important pour la protection de l’échange de connaissances entre entreprises, notamment les PME, et les institutions de recherche dans le contexte de la recherche et développement et de l’innovation dans le marché intérieur.
De nos jours, il existe dans les États membres une grande variété de systèmes et de définitions en ce qui concerne le traitement et la protection des secrets d’affaires. Le nouvel instrument apportera de la clarté juridique et assurera des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises européennes. Il permettra également d’accroître leur intérêt à l’égard du développement d’activités de recherche et d’innovation.
La directive, qui établit des mesures communes contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites de secrets d’affaires, vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Elle est également destinée à avoir un effet dissuasif contre la divulgation illégale de secrets d’affaires, sans mettre en péril les droits et libertés fondamentaux ou l’intérêt général, notamment la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique, la protection de l’environnement et la mobilité des travailleurs.
Protection des enquêtes menées par les médias
Si la directive contient des mesures visant à empêcher la divulgation d’informations afin de protéger le caractère confidentiel des secrets d’affaires, les nouvelles mesures garantissent pleinement que le journalisme d’investigation pourra s’exercer sans nouvelles restrictions, notamment en ce qui concerne la protection des sources des journalistes.
La directive est conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui protège la liberté et le pluralisme des médias.
(note : ce point est un des plus discutés, plusieurs journalistes dénonçant au contraire un retour en arrière)
Mobilité des salariés
La directive n’imposera aucune restriction en ce qui concerne les contrats de travail des salariés, pour lesquels le droit national continuera de s’appliquer.
C’est pourquoi il n’y aura aucune limitation à l’utilisation par les salariés d’expériences et de compétences acquises de manière honnête dans l’exercice normal de leurs fonctions.
En outre, l’autonomie des partenaires sociaux et leur droit de conclure des conventions collectives ne seront pas affectés par la mise en œuvre des nouvelles conditions.
Lanceurs d’alertes
Les personnes qui, de bonne foi, révèlent des secrets d’affaires aux fins de protéger l’intérêt public général, appelées "lanceurs d’alertes", bénéficieront d’une protection appropriée. La protection des secrets d’affaires ne s’étendra pas aux cas visant à révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général.
(note : avec la question des médias, ce point est l’un des plus controversés. Plusieurs associations soulignent qu’au contraire, les lanceurs d’alerte vont se retrouver plus facilement en prison qu’avant et qu’un Snowden ne serait plus possible aujourd’hui avec ce nouveau texte)
Indemnisation des détenteurs de secrets d’affaires
Conformément au nouveau cadre juridique, les États membres de l’UE devront prévoir les mesures, procédures et réparations nécessaires pour qu’un recours civil soit disponible contre l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites de secrets d’affaires.
Elles devront être équitables, effectives et dissuasives, sans être inutilement complexes ou coûteuses, ni comporter des délais déraisonnables ou entraîner des retards injustifiés. Le délai de prescription pour les recours ne dépassera pas six ans.
Les détenteurs de secrets d’affaires auront le droit de demander réparation en cas de dommages subis à la suite de l’appropriation illicite de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique contenant le secret d’affaires ou dont le secret d’affaires peut être déduit.
Si nécessaire, le caractère confidentiel des secrets d’affaires sera également sauvegardé pendant la durée ou après la fin de la procédure judiciaire.
Prochaines étapes
Après la publication de la directive au Journal officiel de l’UE et son entrée en vigueur, les États membres disposeront d’un délai maximal de deux ans pour intégrer les nouvelles dispositions dans leur droit national.
Plus d’infos en lisant la directive adoptée, en annexe à cette actu.
(Source : communiqué du Conseil)