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La cour européenne de justice interprète la notion de « rémunération équitable »

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La notion de « rémunération équitable » est importante dans l’ordre juridique communautaire de la propriété intellectuelle. Elle apparaît souvent, tant des les textes européens que dans les transpositions nationales. Mais il n’en existe aucune définition ! Il était inévitable que la Cour européenne de justice (CEJE) soit amenée à se pencher sur cette question.…

La notion de « rémunération équitable » est importante dans l’ordre juridique communautaire de la propriété intellectuelle. Elle apparaît souvent, tant des les textes européens que dans les transpositions nationales. Mais il n’en existe aucune définition ! Il était inévitable que la Cour européenne de justice (CEJE) soit amenée à se pencher sur cette question.

Elle vient de le faire dans le cadre d’une question préjudicielle posée par arrêt du 9 juin 2000, parvenu à la Cour le 19 juin suivant, du Hoge Raad der Nederlanden sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61).

La directive 92/100 vise à mettre en oeuvre une protection juridique harmonisée pour le droit de location, le droit de prêt et certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, dont l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/100 dispose :

1. Les États membres prévoient pour les artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques et la communication au public de leurs exécutions, sauf lorsque l’exécution est elle-même déjà une exécution radiodiffusée ou faite à partir d’une fixation.

2. Les États membres prévoient un droit pour assurer qu’une rémunération équitable et unique est versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d’accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération.

Il n’y avait pas une mais trois questions préjudicielles, libellées comme suit :

1) La notion de `rémunération équitable’ employée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive est-elle une notion communautaire qui doit être interprétée et appliquée de la même manière dans tous les États membres de la Communauté européenne?

2) Si la première question appelle une réponse affirmative:

a) Selon quels critères faut-il fixer le montant de la rémunération équitable?

b) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui avaient été convenues entre les organisations concernées dans l’État membre en question ou qu’elles avaient coutume de verser, avant l’entrée en vigueur de la directive?

c) Faut-il ou peut-on tenir compte des attentes que l’adoption de la loi interne de transposition de la directive a suscitées chez les intéressés quant au montant de la rémunération?

d) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui sont versées au titre du droit d’auteur sur les oeuvres musicales pour des émissions d’organismes de radiodiffusion?

e) La rémunération doit-elle être fonction du nombre potentiel ou du nombre effectif de spectateurs ou d’auditeurs ou bien doit-elle être fonction des deux et, dans ce cas, dans quelle proportion?

3) Si la première question appelle une réponse négative, cela signifie-t-il alors que les États membres sont parfaitement libres de déterminer les critères servant à fixer le montant de la rémunération équitable? Ou bien cette liberté connaît-elle certaines limites et, dans ce cas, lesquelles?»

La notion de `rémunération équitable’ employée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive est-elle une notion communautaire qui doit être interprétée et appliquée de la même manière dans tous les États membres de la Communauté européenne?

La Cour commence par rappeler qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité, que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, par exemple, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11; du 19 septembre 2000, Linster, C-287/98, Rec. p. I-6917, point 43, et du 9 novembre 2000, Yiadom, C-357/98, Rec. p. I-9265, point 26).

Pour la Cour, la réponse est donc : oui , l’interprétation doit être uniforme.

Mais encore faut-il voir si cela nécessite des critères uniformes pour déterminer cette rémunération.

La Cour commence par relever l’absence de définition de cette notion. Or, en l’absence d’une définition communautaire de la rémunération équitable, il n’existe aucune raison objective justifiant la fixation par le juge communautaire de modalités précises de détermination d’une rémunération équitable uniforme qui amènerait forcément la Cour à se substituer aux États membres auxquels la directive 92/100 n’impose aucun critère particulier (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1999, Carbonari e.a., C-131/97, Rec. p. I-1103, point 45).

Cela dit, la liberté des Etats n’est pas totale car ils doivent agir dans le cadre juridique communautaire (on pense notamment aux discriminations entre ressortissants d’états différents).

Et la Cour de conclure que : « Il convient donc de répondre à la première question que la notion de rémunération équitable figurant à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 doit être interprétée d’une manière uniforme dans tous les États membres et mise en oeuvre par chaque État membre, celui-ci déterminant, sur son territoire, les critères les plus pertinents pour assurer, dans les limites imposées par le droit communautaire, et notamment par ladite directive, le respect de cette notion communautaire ».

Quels sont les critères de détermination ?

La Cour traite en une fois les questions préjudicielles 2 et 3 qu’elle résume comme suit : « Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande en substance quels critères doivent être mis en oeuvre pour déterminer le montant de la rémunération équitable et quelles limites s’imposent aux États membres dans la fixation de ces critères ».

Logique avec elle-même, la Cour souligne que vu la réponse à la question 1, il ne lui appartient pas à la Cour de fixer elle-même les critères d’une rémunération équitable ou de poser des limites générales et préétablies à la fixation de tels critères mais de fournir à la juridiction de renvoi les éléments lui permettant d’apprécier si les critères nationaux servant à fixer la rémunération des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes sont de nature à assurer leur rémunération équitable dans le respect du droit communautaire.

La solution néerlandaise préconise un savant mélange par le recours à un modèle de calcul comportant des facteurs variables et fixes (le nombre d’heures de diffusion des phonogrammes, l’importance de l’audience des organismes de radio et de télévision représentés par l’organisme de diffusion, les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits d’exécution et de radiodiffusion d’oeuvres musicales protégées par le droit d’auteur, les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les États membres voisins des Pays-Bas et, enfin, les montants payés par les stations commerciales).

La Cour de justice valide ce système, dès lors qu’il est de nature à permettre d’atteindre un équilibre adéquat entre l’intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d’un phonogramme déterminé et l’intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables et qu’il n’est contraire à aucun principe du droit communautaire.

Plus d’infos ?

En consultant l’arrêt, en ligne sur le site de la Cour.

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