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La Cour de justice de l’UE souhaite plus de rigueur dans le contrôle de la compétence des juges nationaux

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La simple accessibilité du site Internet du commerçant ou de celui de l’intermédiaire dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante. Il en va de même de la mention d’une adresse électronique ainsi que d’autres coordonnées ou de l’emploi d’une langue ou d’une monnaie qui sont la langue et/ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel le commerçant est établi.

On le sait, les litiges relatifs au commerce électronique sont très souvent transfrontaliers. Se pose alors chaque fois la question du droit applicable et de la juridiction compétente.

Les textes applicables

Les textes applicables sont nombreux :

Le règlement n° 44/2001

L’article 2, paragraphe 1, pose en principe que « «Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

L’article 5 du même règlement énonce aussitôt un tempérament, étant que « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre: 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ».

Enfin, les articles 15 et 16 créent un régime particulier en matière de contrats conclus par les consommateurs notamment le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

Le règlement n° 44/2001 fait suite à la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et – texte modifié – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1) et par la convention du 29 novembre 1996 relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1, ci-après la «convention de Bruxelles»). À compter de son entrée en vigueur, le 1er mars 2002, ce règlement a remplacé la convention de Bruxelles dans les relations entre les États membres à l’exclusion du Royaume de Danemark.

 La convention de Bruxelles

L’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles contient un régime similaire quoique pas totalement identique en ses termes pour tout contrat conclu avec un consommateur ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels si: a) la conclusion du contrat a été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat.»

Le règlement (CE) n° 593/2008

Le septième considérant du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6), énonce que le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport à ceux du règlement n° 44/2001.

Le vingt-quatrième considérant du règlement n° 593/2008 est encore plus explicite sur la question des « activités dirigées » : «S’agissant plus particulièrement des contrats de consommation, […] [l]a cohérence avec le règlement (CE) n° 44/2001 exige, d’une part, qu’il soit fait référence à la notion d’‘activité dirigée’ comme condition d’application de la règle de protection du consommateur et, d’autre part, que cette notion fasse l’objet d’une interprétation harmonieuse dans le règlement (CE) n° 44/2001 et le présent règlement, étant précisé qu’une déclaration conjointe du Conseil et de la Commission relative à l’article 15 du règlement (CE) n° 44/2001 précise que ‘pour que l’article 15, paragraphe 1, point c), soit applicable, il ne suffit pas qu’une entreprise dirige ses activités vers l’État membre du domicile du consommateur, ou vers plusieurs États dont cet État membre, il faut également qu’un contrat ait été conclu dans le cadre de ces activités’. La déclaration rappelle également que ‘le simple fait qu’un site [I]nternet soit accessible ne suffit pas pour rendre applicable l’article 15, encore faut-il que ce site [I]nternet invite à la conclusion de contrats à distance et qu’un contrat ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen. À cet égard, la langue ou la monnaie utilisée par un site [I]nternet ne constitue pas un élément pertinent.’».

Les questions préjudicielles (C585/08 et C-144/09).

Sans entrer dans les détails, retenons que dans la première affaire, une personne domiciliée en Autriche achète sur le site web d’un intermédiaire allemand, un voyage en bateau organisé par une société allemande avec départ d’un port italien.

Les juridictions autrichiennes se demandent si « pour que des activités soient ‘dirigées’ (vers l’État membre dans lequel le consommateur a son domicile) au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du [règlement n° 44/2001], suffit-il que le site web d’un intermédiaire puisse être consulté sur Internet? »

Dans la seconde affaire, le litige oppose l’exploitant d’un hôtel situé en Autriche à un consommateur résidant en Allemagne qui a contracté via le site web de l’hôtel. Les juridictions se posent la même question que dans a première affaire.

L’arrêt rendu

La finalité du critère d’activités dirigées

La cour commence par établir une sorte de hiérarchie des normes : « Ledit article 15, paragraphe 1, sous c), constitue une dérogation tant à la règle générale de compétence édictée à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001, attribuant compétence aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, qu’à la règle de compétence spéciale en matière de contrats, énoncée à l’article 5, point 1, de ce même règlement, selon laquelle le tribunal compétent est celui du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2005, Gruber, C‑464/01, Rec. p. I‑439, point 34) ».

La cour relève ensuite qu’en l’absence de définition de la notion « d’activité dirigée », cette notion doit être interprétée de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs de ce règlement, en vue d’assurer à celui-ci sa pleine efficacité (voir arrêt du 11 juillet 2002, Gabriel, C‑96/00, Rec. p. I‑6367, point 37).

À cet égard, la Cour rappelle que elle « a déjà jugé que, dans le système établi par le règlement n° 44/2001, l’article 15, paragraphe 1, sous c), occupe, ainsi qu’il ressort du treizième considérant de ce même règlement, la même place et remplit la même fonction de protection de la partie la plus faible que l’article 13, premier alinéa, point 3, de la convention de Bruxelles (arrêt du 14 mai 2009, Ilsinger, C‑180/06, Rec. p. I‑3961, point 41) ».

Certes dit la cour,  le libellé de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 n’est pas en tous points identique à celui de l’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles. Mais est-ce pour autant le signe que la volonté du législateur a été modifiée ? Pour la cour, la réponse est négative, le libellé de l’article 15, paragraphe 1, sous c), devant être considéré comme englobant et remplaçant les notions précédentes dans le but de renforcer la protection du consommateur dans un environnement électronique  qui rend plus difficile la détermination du lieu où sont accomplis les actes nécessaires à la conclusion du contrat, tout en augmentant la vulnérabilité du consommateur à l’égard des offres des commerçants.

La seule accessibilité du site est insuffisante 

La cour s’attache ensuite à répondre à un point crucial, générateur de beaucoup d’hésitations en jurisprudence.

La notion « d’activité dirigée » fait-elle référence à la volonté du commerçant de se tourner vers un ou plusieurs autres États membres, ou se rapporte-t-elle simplement à une activité de facto tournée vers ceux-ci, indépendamment d’une telle volonté ?

La cour résume comme suit le problème : « La question ainsi posée est celle de savoir si la volonté du commerçant de cibler un ou plusieurs autres États membres est requise et, si tel est le cas, sous quelle forme une telle volonté doit se manifester ».

Les modes de publicité classiques permettent souvent de cerner la volonté du commerçant. La situation est très différente  dans le cas de la publicité en ligne ayant par nature une portée mondiale.

Cette accessibilité ne signifie pas, dit la cour, que le critère d’activités dirigées est satisfait.

En effet dit la cour, s’il ne fait aucun doute que les articles 15, paragraphe 1, sous c), et 16 du règlement n° 44/2001 visent à protéger les consommateurs, cela n’implique pas que cette protection soit absolue. Et la cour de rappeler, par simple bon sens, que « si telle avait été la volonté du législateur de l’Union, il aurait posé comme condition d’application des règles en matière de contrats conclus par les consommateurs non pas la «direction des activités vers un État membre», mais la simple existence du site Internet ». Mieux encore, la cour déduit d’une version antérieure de la proposition de règlement que le législateur de l’Union a écarté une suggestion de la Commission visant à insérer un considérant selon lequel la commercialisation de biens ou de services par un moyen électronique accessible dans un État membre constitue une activité «dirigée vers» cet État.

Pour la cour, il y a donc « lieu de considérer que, aux fins de l’applicabilité dudit article 15, paragraphe 1, sous c), le commerçant doit avoir manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec les consommateurs d’un ou de plusieurs autres États membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ».

Quels sont les critères à prendre en compte ?

Reste alors à dégager les critères qui permettent de dégager une telle volonté.

Pour la cour :

  • Ne figure pas au nombre de tels indices, la mention sur un site Internet de l’adresse électronique ou géographique du commerçant non plus que l’indication de ses coordonnées téléphoniques sans préfixe international.

 

  • la distinction effectuée par certains des gouvernements et certaines des parties ayant présenté des observations devant la Cour, entre les sites Internet permettant de contacter le commerçant par voie électronique, voire même de conclure le contrat en ligne au moyen d’un site dit «interactif», et les sites Internet n’offrant pas cette possibilité, distinction selon laquelle seuls les premiers seraient à inclure dans la catégorie de ceux qui permettent d’exercer une activité «dirigée vers» d’autres États membres, n’est pas déterminante.

 

  • Au nombre des expressions manifestes d’une telle volonté du commerçant figure la mention selon laquelle ce dernier offre ses services ou ses biens dans un ou plusieurs États membres nommément désignés.

 

  • Il en va de même de l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur Internet auprès de l’exploitant d’un moteur de recherche afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans différents États membres l’accès au site du commerçant, qui démontre également l’existence d’une telle volonté.

 

  • D’autres indices éventuellement combinés les uns aux autres sont susceptibles de démontrer l’existence d’une activité «dirigée vers» l’État membre du domicile du consommateur. Cela peut résulter de la nature internationale de l’activité en cause, telle que certaines activités touristiques, la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication du préfixe international, l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi, par exemple «.de» ou encore l’utilisation de noms de domaine de premier niveau neutres tels que «.com» ou «.eu», la description d’itinéraires à partir d’un ou de plusieurs autres États membres vers le lieu de la prestation de service ainsi que la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres, notamment par la présentation de témoignages de tels clients.

 

  • La langue ou la monnaie utilisée ne constituent pas nécessairement des éléments pertinents. Si, en revanche, le site Internet permet aux consommateurs d’utiliser une autre langue ou une autre monnaie que celles-ci, la langue et/ou la monnaie peuvent être prises en considération et constituer un indice permettant de considérer que l’activité du commerçant est dirigée vers d’autres États membres.

 

  • La remise des clefs des chambres à l’arrivée à l’hôtel et le paiement sur place, ne sont pas suffisants pour exclure les activités dirigées si la réservation et la confirmation de celle-ci ont eu lieu à distance de sorte que le consommateur s’est trouvé contractuellement engagé à distance.

En conclusion, la cour estime que :

« Les éléments suivants, dont la liste n’est pas exhaustive, sont susceptibles de constituer des indices permettant de considérer que l’activité du commerçant est dirigée vers l’État membre du domicile du consommateur, à savoir la nature internationale de l’activité, la mention d’itinéraires à partir d’autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi, l’utilisation d’une langue ou d’une monnaie autres que la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel est établi le commerçant avec la possibilité de réserver et de confirmer la réservation dans cette autre langue, la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication d’un préfixe international, l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur Internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant ou à celui de son intermédiaire, l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi et la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres. Il appartient au juge national de vérifier l’existence de tels indices.

En revanche, la simple accessibilité du site Internet du commerçant ou de celui de l’intermédiaire dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante. Il en va de même de la mention d’une adresse électronique ainsi que d’autres coordonnées ou de l’emploi d’une langue ou d’une monnaie qui sont la langue et/ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel le commerçant est établi. » 

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