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La copie privée au centre de toutes les attentions : la cour d’appel et le Parlement se penchent sur la question

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Dans un arrêt très attendu, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé la décision du tribunal de première instance, dans le litige opposant l’association de consommateurs Test-Achats à l’industrie du disque, au sujet des dispositifs anti-copies qui équipent de plus en plus de CD. En résumé, la cour estime que l’éventuel droit subjectif à la…

Dans un arrêt très attendu, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé la décision du tribunal de première instance, dans le litige opposant l’association de consommateurs Test-Achats à l’industrie du disque, au sujet des dispositifs anti-copies qui équipent de plus en plus de CD. En résumé, la cour estime que l’éventuel droit subjectif à la copie privée dont Test-Achats allègue l’existence n’est, de toute manière et à en supposer l’existence, pas un droit d’auteur ou un droit voisin, de sorte que l’action fondée sur l’article 87 de la loi de 1994 relative aux droits d’auteur doit être déclarée non fondée.

Historique de l’action

De plus en plus de CD vendus dans le public sont équipés de dispositifs qui empêchent la prise de copie.

Or, il est généralement prévu dans toutes les législations européennes sur le droit d’auteur une exception au profit de la copie dite privée. La portée de cette exception varie d’un état à l’autre, mais sa philosophie reste toujours la même : il s’agit de permettre la réalisation d’une copie d’une œuvre protégée pour autant cette copie soit réservée à la sphère privée/familiale de celui qui l’effectue.

Le cas d’école cité dans tous les manuels de droit vise la personne qui se rend chez son disquaire pour acheter un CD, puis en réalise une copie de telle sorte qu’il puisse écouter son morceau favori dans sa maison de campagne tout en laissant l’original à sa résidence principale.

L’arrivée du numérique a chamboulé ce bel ordre. Les fichiers musicaux s’échangent sur l’Internet, et l’industrie du disque a identifié ces échanges comme l’une des causes principales du déclin des ventes. C’est que les fichiers musicaux que l’on retrouve sur l’internet proviennent souvent, à l’origine, de la copie d’une œuvre licitement achetée qui est copiée, mise à disposition via un réseau peer-to-peer, offerte en téléchargement à quelques milliers d’utilisateurs, qui les offrent eux-mêmes offerts à d’autres membres du réseau et ainsi de suite. Petite cause, grands effets…

L’industrie a donc décidé d’empêcher à la source la réalisation d’une copie. La directive européenne sur les droits d’auteur dans la société d’information a pris en compte cette nouvelle dimension puisqu’elle a créé un régime de protection juridique qui protège … les dispositifs anti-copies.

Tout le problème consiste alors à arbitrer le droit de l’industrie d’empêcher les copies illicites, et le droit de l’utilisateur de réaliser une copie privée.

Mais l’utilisateur dispose-t-il réellement d’un tel droit ?

L’arrêt rendu

Le neuf septembre 2005, la cour d’appel a rendu son arrêt.

Il faut tout d’abord souligner la qualité de l’arrêt au niveau de la motivation. La cour, manifestement consciente que son arrêt serait lu par un grand nombre de personnes dont toutes ne sont pas juristes, a pris un soin tout particulier pour expliquer son raisonnement dans des termes simples, aisément compréhensibles par le public. Il faut saluer cet effort d’enseignement que l’on adorerait retrouver plus souvent.

L’action était basée sur l’article 87 de la loi du 30 juin 1994 qui dispose que :

« Sans préjudice de la compétence du tribunal de première instance, le président de celui-ci constate l’existence et ordonne la cessation de toute atteinte aux droits d’auteur ou à un droit voisin ».

Et la cour d’en déduire, très logiquement, que la première chose à démontrer par le demandeur est l’existence, dans son chef, d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin. La cour relève en effet que l’article 87 :

« indique clairement que le président du tribunal ne peut ordonner la cessation d’une atteinte à un droit que s’il s’agit d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin. Il ne peut prendre de telles mesures à l’égard de n’importe quel autre droit qu’une personne physique ou morale penserait pouvoir puiser dans la loi du 30 juin 1994 ou, a fortiori, dans d’autres textes ».

En d’autres termes, la cour doit répondre à la question préalable suivante : le droit à la copie privée est-il un droit d’auteur ou un droit voisin ?

En droit belge, le régime de la copie privée et fixée par l’article 22 de la loi du 30 juin 1994 qui dispose que :

« Lorsque l’œuvre a été licitement publiée, l’auteur ne peut interdire la reproduction d’œuvres sonores et audiovisuelles effectuées dans le cercle de famille est réservée à celui-ci ».

Test-Achats argumentait que cette disposition crée un véritable droit subjectif à la copie privée, dont l’existence serait confirmée notamment par le fait que depuis 1995 une redevance est perçu sur tous les supports de reproduction.

La cour commence par rappeler la finalité de la copie privée :

« Cette exception s’explique par le fait que l’atteinte aux droits d’auteur qu’entraîne la copie privée et négligeable et difficilement contrôlable, mais aussi par le droit au respect de la vie privée du bénéficiaire de l’exception ou encore pas le principe de liberté de commerce et d’industrie, notions étrangères au droit d’auteur ».

La cour en conclut que cette exception :

« n’a pas pour effet de transférer à la personne qui effectue une copie privée un droit d’auteur ou un droit voisin sur le CD dont elle tire une copie, ou sur la copie réalisée. Elle ne fait pas davantage naître un tel droit dans son chef ».

La conclusion est simple et tient en un raisonnement à quatre temps :

  1. La cour est saisie sur base de l’article 87 de la loi du 30 juin 1994 ;

  2. Cette disposition exige que le demandeur dispose d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin au sens de cette loi ;

  3. La copie privée n’est pas un droit d’auteur ou un droit voisin ;

  4. L’action est donc non fondée.

Quelques brefs commentaires

L’arrêt est particulièrement adroit.

D’une part, il est indiscutable que la cour a confirmé que la copie privée n’est pas un droit d’auteur : « l’action de Test-Achats ne se fonde donc pas sur un droit d’auteur ou un droit voisin. Par conséquent, elle ne peut avoir trait à une atteinte portée à un tel droit ».

Mais d’autre part, et les commentaires lus jusqu’ici l’oublient souvent, la cour n’a pas pour autant nié l’existence d’un droit subjectif à la copie privée. Elle n’a tout simplement pas répondu à cette question ! Vu l’angle d’attaque choisi, la magistrate n’avait d’ailleurs pas à y répondre : saisie sur une disposition qui permet de faire cesser l’atteinte à un droit d’auteur, et constatant que le demandeur n’a pas de droit d’auteur, elle a estimé l’action non fondée.

La cour a « seulement » confirmé que s’il existe un droit subjectif à la copie privée, ce droit n’est pas un droit de l’auteur ou à droit voisin. Sous-entendu : cet éventuel droit pourrait très bien puiser sa source dans une autre norme juridique comme la vie privée, la liberté de commerce … ou tout simplement l’article 1382 du Code civil.

S’il fallait avoir le moindre doute sur la portée exacte de l’arrêt, celui-ci serait levé à la lecture des deux éléments suivants :

Ayant constaté que Test-Achats de base pas son action sur un droit d’auteur, la cour précise que « il est dès lors sans intérêt d’examiner les autres moyens de défense développés par les intimés [NDR : l’industrie du disque] soutenant notamment que (…) il n’existe pas de droit subjectif à une copie privée (…).

En cours de procédure, Test-Achats avait demandé une réouverture des débats pour que le juge belge puisse prendre connaissance de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris à l’encontre du jugement du TGI de Paris du 30 avril 2004. La cour d’appel belge a refusé en justifiant sa décision comme suit : « Le jugement précité du TGI de Paris ne se prononce pas sur l’existence d’une atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, mais uniquement sur la question du droit à la copie privée. Dès lors que la cour ne fonde pas ses décisions sur cette question, il est sans intérêt pour elle de prendre connaissance de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ».

La copie privée sur l’internet débattue au Parlement

Le 11 mai 2005, une parlementaire posait aux ministres compétents une question parlementaire relative notamment à cette question.

Dans sa réponse du 21 juin 2005, le ministre a expliqué ce qui suit :

La loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins prévoit certaines exceptions au droit d’auteur notamment en matière de copie privée. Cette exception est susceptible de s’appliquer aux actes de téléchargement effectués dans le cadre des réseaux d’échange de
données, nommés « Peer to Peer ».

L’Office de la Propriété Intellectuelle a rédigé en 2003, un avis sur cette question dans le cadre des travaux de la commission consultative pour copie privée. Cet avis a été accepté à l’unanimité par les membres de cette commission d’avis, notamment par la société Auvibel du côté des ayants droit ainsi que par les consommateurs, l’industrie du «hardware», la FEB, les classes moyennes, etc. Une copie de cet avis sera déposée auprès du secrétariat de la Chambre des représentants.

Pour le ministre, l’exception de copie privée est donc susceptible de s’appliquer aux actes de téléchargement dans les réseaux peer-to-peer. Attention, on parle bien de téléchargement, c’est-à-dire de consommation passive : une personne télécharge un fichier musical et l’utilise dans le cadre bien précis de l’article 22 de la loi du 30 juin 1994 (la « reproduction d’œuvres sonores et audiovisuelles effectuée dans le cercle de famille est réservé à celui-ci »). Ceux qui proposent ces fichiers en téléchargement ne sont donc pas protégés …

Cette approche rejoint la décision du TGI de mots du 21 avril 2005.

Plus d’infos ?

En prenant connaissance de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 9 septembre 2005, disponible sur notre site.

En prenant connaissance de la décision du TGI de Meaux du 21 avril 2005

En lisant la question parlementaire évoquée ci-dessus.

En lisant l’avis de la Commission consultative de l’Office de la propriété intellectuelle.

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