La compétence de règlement des litiges du CSA
Publié le 15/01/2008 par Thibault Verbiest, Marie de Bellefroid
Depuis 2006, le CSA s’est vu attribuer une nouvelle compétence de règlement des litiges. Le décret n°2006-1084 détermine en effet les règles de procédure applicables lorsqu’un différend est soumis au CSA, et veille, notamment, au respect des garanties offertes aux parties par les principes fondamentaux du droit procédural.
La compétence (quasi) juridictionnelle du CSA : opératoire depuis 2006
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a pour mission principale de garantir, en France, l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle. C’est la loi du 30 septembre 1986 (loi n°86-1067), modifiée à plusieurs reprises, qui définit les conditions d’intervention du CSA, afin de mener à bien sa mission.
En 2004, le législateur français modifia cette loi afin d’attribuer au CSA un pouvoir quasi-juridictionnel de règlement des litiges. Ainsi, désormais, la loi prévoit la possibilité, pour un éditeur (une chaîne de télévision ou une station de radio), un distributeur de services ou encore un exploitant ou fournisseur d’accès à des services numériques de radio ou de télévision, de saisir le CSA en vue de régler tout différend relatif à la distribution d’un service de radio ou de télévision.
C’était sans compter, cependant, le fait que l’exercice de cette nouvelle compétence du CSA était subordonné à la publication d’un décret par le Conseil d’Etat, décret ayant pour but de fixer les modalités d’application du nouvel article 17-1 de la loi.
Ce n’est que tardivement, à savoir le 29 octobre 2006, que le décret tant attendu fut enfin adopté (décret n°2006-1084). Ce décret détermine les règles de procédure applicables lorsqu’un différend est soumis au CSA, et veille, notamment, au respect des garanties offertes aux parties par les principes fondamentaux du droit procédural.
Actuellement, le CSA a déjà rendu quelques décisions sur base de sa compétence de règlement des litiges.
Pour plus de clarté, plusieurs points méritent d’être relevés, quant à cette nouvelle compétence du CSA.
Premièrement, il appartiendra au CSA de déterminer, selon les cas, si les faits qui lui sont présentés constituent un « différend » au sens de la loi du 30 septembre 1986. Ce préliminaire a son importance dans la mesure où il importera, avant tout, d’éviter qu’une partie recourt directement au CSA afin de contourner d’éventuelles négociations commerciales avec l’autre partie.
Par ailleurs, il faut noter également que la compétence (quasi) juridictionnelle du CSA s’appréhende dans les limites des objectifs et missions dévolus au CSA.
Ainsi, l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 précise que le CSA exerce sa compétence juridictionnelle lorsque le différend porté devant lui « est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences du service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services ».
Cette disposition ne fait, finalement, que reprendre l’étendue des missions déjà conférées auparavant au CSA.
C’est d’ailleurs cette limitation qui fait dire à la doctrine que la compétence quasi juridictionnelle du CSA « relève plus certainement de l’application linéaire d’obligations existantes que d’un pouvoir de juridiction large de juris dictio » (G. WEIGEL et F. FONTAINE, « La procédure de règlement des différends devant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel », Lamy droit de l’immatériel, 2006, n°20, p. 73).
Concrètement, en outre, il est important de noter que l’action du CSA se combinera éventuellement avec celle de l’ARCEP ou du Conseil de la concurrence, lorsque des pratiques sanctionnées par le code de commerce seront signalées dans le cadre de la procédure pendante devant le CSA. A nouveau, la loi et le décret d’application décrivent dans quels cas, l’ARCEP ou le Conseil de la concurrence seront saisis.
Mérite également que l’on s’y attarde : le résultat des décisions rendues par le CSA dans le cadre de sa mission de règlement des litiges. Il faut préciser en effet que ces décisions auront vocation à se substituer à la volonté initiale des contractants impliqués dans le différend. Par ailleurs, la loi du 30 septembre 1986 permet également au CSA de modifier les autorisations administratives relatives à l’usage des fréquences, et qui auraient été auparavant délivrées aux parties.
On le voit, la loi du 30 septembre 2006 a introduit, dans les missions dévolues au CSA, une série de modifications qui méritent d’être analysées, bien que, comme on a pu le relever, la nouvelle compétence de règlement des litiges dévolue au CSA, reste limitée par les missions générales du CSA.