La Commission adresse une communication des griefs à Visa au sujet des commissions d’interchange
Publié le 15/04/2009 par Etienne Wery
La Commission européenne a confirmé qu’elle a envoyé, le 3 avril dernier, une communication des griefs à Visa, dans laquelle elle expose son analyse préliminaire selon laquelle les commissions multilatérales d’interchange (CMI) fixées directement par Visa restreignent la concurrence entre les banques qui acceptent les cartes de paiement «consommateurs» sans pour autant contribuer au progrès économique et technique et profiter aux consommateurs. Les CMI constituent une partie importante des coûts totaux que les détaillants doivent payer en acceptant les paiements par la carte Visa consommateur, et créent en fait un prix minimum pour les détaillants. Selon son analyse préliminaire, la Commission estime que ce comportement enfreint les règles européennes en matière d’ententes et d’abus de position dominante (article 81 du traité CE et article 53 du traité EEE).
À la suite d’une enquête engagée de sa propre initiative et après l’expiration à la fin de 2007 de la décision d’exemption de Visa, la Commission a ouvert, en mars 2008, une procédure formelle à l’encontre de Visa (voir MEMO/08/170). La communication des griefs contient une appréciation des CMI sous l’angle de la concurrence dans les systèmes de cartes de paiement parvenus à maturité, semblable à celle qui avait été réalisée pour la décision d’interdiction de Master card de décembre 2007 (voir IP/07/1959).
La communication des griefs concerne la totalité des commissions multilatérales d’interchange (CMI) fixées directement par Visa dans l’EEE pour les transactions aux points de vente réglées par cartes de paiement consommateurs. Les CMI sont actuellement appliquées à toutes les transactions transfrontalières dans l’EEE, ainsi qu’aux transactions effectuées à l’intérieur de neuf États membres de l’UE (Belgique, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas et Suède). Dans les autres États membres, les CMI de Visa qui s’appliquent aux transactions nationales aux points de vente sont fixées soit au niveau national par des groupements bancaires, soit par un accord bilatéral entre banques. Ces commissions interbancaires sont payées par la banque du commerçant (banque acquéreuse) à la banque du client (banque émettrice) sur toutes les opérations aux points de vente effectuées avec une carte de paiement Visa consommateur.
La communication des griefs expose l’analyse préliminaire de la Commission selon laquelle les CMI imposées par Visa portent atteinte à la concurrence entre les banques acquéreuses, gonflent le coût de l’acceptation d’une carte de paiement pour les commerçants et, au bout du compte, augmentent les prix à la consommation.
Les CMI ne sont pas illégales en tant que telles. Toutefois, lorsqu’elles sont appliquées dans le cadre d’un système de cartes de paiement ouvert tel que celui de Visa, elles ne sont compatibles avec les règles de concurrence de l’UE que si elles contribuent au progrès technique et économique et profitent aux consommateurs.
La communication des griefs porte aussi sur d’autres règles et pratiques du système, telles que la règle imposant l’obligation d’honorer toutes les cartes («honour all cards rule»), la règle de l’interdiction de majoration des prix («no surcharge rule») et du prix moyen unique («blending»), qui font obstacle à la capacité des commerçants de gérer le coût de leurs paiements, augmentant de ce fait les effets restrictifs des CMI.
Les cartes de crédit et de débit de Visa représentent 36 % environ de la totalité des cartes de paiement émises dans l’EEE. Avec 5 millions de commerçants acceptant ses cartes de paiement, Visa possède le réseau d’acceptation le plus étendu au sein de l’EEE. 27 milliards de paiements ont été effectués en 2006 dans l’EEE à l’aide d’une carte de paiement, pour une valeur totale de 1600 milliards EUR.
La Commission a pris acte de l’annonce faite récemment par Visa en ce qui concerne de nouvelles mesures pour ses CMI. Ces mesures s’attaquent, semble-t-il, à plusieurs problèmes importants: l’adoption d’une nouvelle méthode pour la fixation des CMI intrarégionales qui frappent les cartes consommateurs, une diminution de ces CMI et la modification de certaines règles de transparence. Selon la Commission, ces mesures, qui devraient améliorer la concurrence et la transparence sur les marchés affectés, représentent un pas dans la bonne direction. Elle estime toutefois que ces modifications ne dissipent pas sa crainte que les CMI imposées par Visa restreignent la concurrence. Elle compte donc examiner les mesures annoncées récemment et les traiter dans le cadre de procédures en cours.
Une communication des griefs est une étape officielle des enquêtes antitrust de la Commission par laquelle cette dernière informe par écrit les parties concernées des griefs retenus à leur encontre. Le destinataire d’une communication des griefs peut y répondre par écrit, en exposant tous les faits dont il a connaissance qui sont susceptibles d’écarter les griefs formulés par la Commission. Il peut également demander à être entendu pour présenter ses observations à propos de l’affaire en cause.
La Commission peut alors décider si les pratiques décrites dans la communication des griefs sont compatibles ou non avec les dispositions du traité CE en matière de répression des ententes et des abus de positions dominantes. L’envoi d’une communication des griefs ne préjuge pas de l’issue finale de la procédure.
(Source : communiqué de presse de la Commission européenne)