La commercialisation de médicaments par l’internet : quelle légalité en droit français ?
Publié le 20/11/2003 par Thibault Verbiest
Comme chacun sait, les pharmacies en ligne se multiplient. La plupart sont installées en dehors de l’Union européenne, souvent auxs Etats-Unis, où elles profitent d’une législation plus clémente. Quelle est la légalité des ces cyber-pharmacies en droit français ? La publicité en ligne La publicité en faveur des médicaments est réglementée par les dispositions du…
Comme chacun sait, les pharmacies en ligne se multiplient. La plupart sont installées en dehors de l’Union européenne, souvent auxs Etats-Unis, où elles profitent d’une législation plus clémente.
Quelle est la légalité des ces cyber-pharmacies en droit français ?
La publicité en ligne
La publicité en faveur des médicaments est réglementée par les dispositions du Code de la santé publique.
La publicité auprès du grand public ne peut concerner que des médicaments qui ne sont ni soumis à prescription médicale obligatoire, ni remboursables par des régimes obligatoires d’assurance maladie et dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ne comporte aucune restriction en matière de publicité auprès du public (article L. 5122-6 du Code de la Santé publique).
Elle est, en outre, soumise à un contrôle a priori de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Ainsi, la publicité pour tout autre médicament, sauf exceptions prévues par les textes, n’est pas accessible au grand public.
En outre, toute publicité auprès du public pour un médicament doit comporter des mentions obligatoires.
Toutefois, la publicité auprès des professionnels de santé peut concerner des médicaments. Elle fait l’objet d’un dépôt auprès de l’Afssaps dans les 8 jours qui suivent sa diffusion.
Toute publicité pour un médicament auprès des professionnels de santé doit comporter les informations prévues par l’article R.5047 du code de la santé publique. Ces informations doivent être accessibles de façon simple et claire par le professionnel de santé.
Afin de clarifier l’application des règles précitées à la publicité opérée sur l’internet, l’AFSSAPS et le Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) ont élaboré une « Charte pour la communication sur internet des entreprises pharmaceutiques ».
Selon cette charte, dans le cas de publicité auprès de professionnels par bandeaux publicitaires, les mentions obligatoires complètes devront être rendues accessibles par un lien incitant clairement l’internaute à cliquer à partir du bandeau d’appel.
Il sera notamment précisé » mentions obligatoires » en toutes lettres. En outre, la Charte préconise des « restrictions réelles d’accès » à l’entrée du site, à savoir l’attribution d’un code d’accès personnel, remis après avoir vérifié la qualité de professionnel de santé (numéro d’inscription au conseil de l’Ordre par exemple).
La vente en ligne de médicaments : un contrat à distance
Dans quelle mesure de tels produits peuvent-ils être vendus sur l’internet ?
En droit, la vente par l’internet de médicaments est une vente à distance.
C’est donc le Code de la Consommation qui s’appliquera à la commercialisation à distance de produits pharmaceutiques.
Toutefois, avant d’appliquer la réglementation des contrats à distance, encore faut-il déterminer si la vente en ligne de médicaments soumis à prescription est permise au regard des dispositions du Code de la santé publique (CSP) et des règles déontologiques applicables aux pharmaciens ainsi qu’aux médecins prescripteurs.
L’ouverture d’une officine virtuelle en France
Les autorités publiques et ordinales françaises sont réticentes à accepter l’idée d’une officine pharmaceutique virtuelle.
Une analyse des textes applicables mène toutefois à penser que l’officine virtuelle n’est pas impossible, même si les contraintes réglementaires et déontologiques en rendront l’exploitation particulièrement mal aisée.
La vente de médicaments ne peut avoir lieu que dans une officine pharmaceutique, et sous la surveillance attentive d’un pharmacien (art. L. 4221-1, L. 5125-8, et L. 5125-20 CSP).
Première certitude : seuls des personnes disposant des diplômes et des titres requis pour exercer la profession de pharmacien pourraient envisager, en toute hypothèse, d’administrer le site d’une officine électronique.
Une vente en dehors de l’officine « physique » est-elle légale ?
Le Code de la santé publique prévoit cette hypothèse : toute commande livrée en dehors de l’officine par toute autre personne que le pharmacien ne peut être remise au domicile du patient qu’en paquet scellé portant son nom et son adresse (art. L. 5125-25 CSP).
Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de Cassation a estimé que le code de la santé publique autorise le portage à domicile de spécialités pharmaceutiques, dès lors qu’il est effectué à la demande du patient et sous pli scellé.
Toutefois, demeurent interdits la vente de médicaments par des non pharmaciens ainsi que la sollicitation de commandes auprès du public et le recours à des courtiers (art. L. 5125-25 CSP).
Le portage de médicaments au domicile du patient suite à une commande en ligne est donc en principe possible.
Mais toute distribution en ligne devra respecter la répartition légale obligatoire des officines sur le territoire, en fonction du nombre d’habitants de la commune concernée (art. L. 571 et s. CSP).
Une solution avancée par certains serait de réserver l’exploitation d’officines électroniques aux titulaires d’officines de pharmacie physiques.
Une autre difficulté devra être résolue : le pharmacien responsable a l’obligation de refuser la dispensation d’un médicament si l’intérêt de la santé du patient le requiert, et ce, à condition d’en informer immédiatement le prescripteur et de mentionner le refus sur l’ordonnance qui lui est présentée par le patient.
Comment assurer cette obligation dans un univers électronique où, par hypothèse, le contact physique est inexistant ?
Une réponse partielle peut être apportée dans le cas où l’ordonnance est susceptible d’être télétransmise selon une procédure sécurisée qui garantisse l’identification du médecin prescripteur, du patient et du pharmacien. Dans ce cas, le refus du pharmacien de dispenser un médicament pourrait être indiqué sur l’ordonnance électronique.
En l’état actuel de la technique et du droit, la signature électronique certifiée, conforme au décret d’application du 31 mars 2001, est la seule voie possible. Les systèmes CPS et Sésam-Vitale en sont d’ailleurs déjà des applications dans le domaine des feuilles de soin électroniques.
La télétransmission sécurisée de l’ordonnance ne permet toutefois pas au pharmacien d’estimer s’il doit ou non refuser la dispensation du médicament “dans l’intérêt de la santé du patient”.
Dans une affaire de parapharmacie en ligne, la Cour d’appel de Versailles a ainsi jugé que la vente des produits par internet n’était pas possible, notamment parce qu’elle ne permettait pas le contact visuel et personnel avec le pharmacien.
C’est en fait la technologie mise en place qui a été critiquée par la Cour : une simple “hotline” par courrier électronique a été jugée insuffisante au regard de l’obligation de conseil personnalisé. Il n’est donc pas exclu que la technique permette un “dialogue” en ligne dans des conditions acceptables pour la pharmacien (par exemple par l’intermédiaire de webcams).
Le processus de commande en ligne devra en tous cas intégrer cette obligation légale imposée au pharmacien d’officine.
Pour plus d’informations :
– L’ouvrage paru chez Litec : La protection juridique du cyber-consommateur.