La CNIL exclut de l’opt-in les courriels envoyés vers une adresse nominative professionnelle
Publié le 06/03/2005 par Thibault Verbiest, Etienne Wery
Se prononçant sur l’interprétation à donner à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, la CNIL a estimé, lors de sa séance du 17 février 2005, que des personnes physiques peuvent être prospectées par courrier électronique à leur adresse électronique professionnelle sans leur consentement préalable, si le message leur est envoyé au titre de…
Se prononçant sur l’interprétation à donner à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, la CNIL a estimé, lors de sa séance du 17 février 2005, que des personnes physiques peuvent être prospectées par courrier électronique à leur adresse électronique professionnelle sans leur consentement préalable, si le message leur est envoyé au titre de la fonction qu’elles exercent dans l’organisme privé ou public qui leur a attribué cette adresse.
Ce faisant, la CNIL fait pour le moins preuve d’audace puisqu’elle consacre une interprétation diamétralement opposée à celle des autorités européennes (voir l’avis 5/2004 portant sur les communications de prospection directe non sollicitées selon l’article 13 de la Directive 2002/58/CE ).
Que n’aura-t-on écrit sur l’opt-in ! Après un ballet législatif sans précédent, le régime actuel est fixé par l’article L 34-5 du code des postes et telecommunications, qui stipule :
Est interdite la prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen.
Pour l’application du présent article, on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection directe.
Constitue une prospection directe l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services.
Toutefois, la prospection directe par courrier électronique est autorisée si les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale, et si le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé.
Dans tous les cas, il est interdit d’émettre, à des fins de prospection directe, des messages au moyen d’automates d’appel, télécopieurs et courriers électroniques, sans indiquer de coordonnées valables auxquelles le destinataire puisse utilement transmettre une demande tendant à obtenir que ces communications cessent sans frais autres que ceux liés à la transmission de celle-ci. Il est également interdit de dissimuler l’identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est émise et de mentionner un objet sans rapport avec la prestation ou le service proposé. (…)
Cet article ne répond toutefois pas explicitement à une question épineuse. Un courriel envoyé à monsieur Jean Dupond, comptable dans la société ComptaPlus, pour lui transmettre un message commercial qui vise directement sa fonction (l’organisation d’un séminaire sur une nouvelle règle TVA), est-il visé ?
Pour l’industrie, la réponse était non. Ce message entre directement dans le cadre de la fonction et ne doit donc pas suivre les règles de l’opt-in. Les anti-spams étaient, eux d’un avis totalement différent.
La CNIL vient de trancher.
Elle relève tout d’abord qu’une interprétation littérale de la loi conduit à considérer que cette règle du consentement préalable s’applique aux adresses professionnelles nominatives du type nom.prenom@nomdelasociété.fr. Il est donc interdit par exemple d’envoyer un message commercial à un cadre chargé des achats au sein d’une société sans avoir son accord préalable, sauf si son adresse électronique ne révèle pas son identité comme dans service-achats@nomdelasociété.
Toutefois, le gendarme des données personnelles considère que l’esprit de la loi du 21 juin 2004 est de protéger la vie privée des consommateurs personnes physiques et non de freiner les échanges électroniques entre professionnels, la prospection d’entreprise à entreprise communément appelée « B to B » : En conséquence elle estime que :
des personnes physiques peuvent être prospectées par courrier électronique à leur adresse électronique professionnelle et au titre de la fonction qu’elles exercent dans l’organisme privé ou public qui leur a attribué cette adresse, sans leur accord préalable. L’envoi d’un message présentant les mérites d’un logiciel à paul.toto@nomdelasociété , directeur informatique, sans l’accord préalable de M. Paul Toto, est acceptable, non l’envoi d’un message vantant le charme du tourisme aux Caraïbes en hiver.
Mais attention, et ceci est important, la CNIL souligne qu’une adresse de courrier électronique professionnelle permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique est une donnée à caractère personnel au sens de la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978. En d’autres termes, même si l’opt-in est levé, la protection accordée aux données personnelles est maintenue. Notamment, les titulaires de ces adresses doivent notamment avoir été mis en mesure, au moment de la collecte de leur adresse électronique, de s’opposer à toute utilisation commerciale de leurs coordonnées.