La Belgique transpose la directive sur les Services de Médias Audiovisuels (SMA)
Publié le 23/08/2009 par Etienne Wery , Veronique Delforge
La Belgique est dans les temps. Elle devait, pour décembre 2009, transposer en droit interne la directive SMA du 11 décembre 2007. Cela fut fait au travers de l’adoption de deux décrets :le décret de la Communauté flamande du 27 mars 2009 qui entrera en vigueur le 1er septembre 2009 et le décret de la Communauté française adopté le 5 février 2009 et entré en vigueur le 18 mars 2009. Nous nous penchons sur ce dernier.
Pour rappel, la directive SMA modernise et actualise la directive Télévision sans Frontière (TSF) adoptée en 1989 et révisée par après. Cette directive visait à instaurer un cadre général pour l’exercice des activités de radiodiffusion télévisuelle dans l’Union Européenne. Depuis lors cependant, les changements dans la structure du marché de l’audiovisuel et bien entendu la convergence des médias et l’innovation technologique avaient fait de sa révision une question prioritaire.
Les points forts de la directive SMA
• L’une des mesures phares de cette directive consiste en l’extension de son champ d’application à tous les « services de médias audiovisuels » qu’ils soient linéaires (diffusion télévisuelle traditionnelle) ou non linéaires (programmes audiovisuels à la demande).
Cette nouvelle définition permet d’exclure les services dont la finalité principale n’est pas la fourniture de programmes, c’est à dire, ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire, accessoire (les versions électroniques de journaux et de magazines, certains sites internet, de brefs spots publicitaires,…) ainsi que toutes formes de correspondance privée.
La directive instaure un socle de règles communes s’appliquant à l’ensemble de services de médias audiovisuels. (Interdiction de l’incitation à la haine, règles sur le placement du produit, principe du pays d’origine, etc.)
En outre, elle met en place des régimes particuliers selon qu’il s’agisse d’un service linéaire ou non linéaire. Elle fait bénéficier les premiers d’un régime plus souple qu’auparavant, notamment en matière de publicité et introduit des règles minimales pour les seconds telles que celles relatives à la protection des mineurs, à la prévention de l’incitation à la haine,… Les dispositions relatives aux évènements majeurs, à l’insertion et à la durée publicitaire ne sont par contre pas applicables à ces services.
Le législateur européen explique cette différence de régime en raison du contrôle que l’utilisateur peut exercer dans le cadre d’un service non linéaire (contenu pull) et à l’impact que ces services ont sur la société. Ainsi, plus l’utilisateur est libre de choisir, plus les règles sont souples sous réserve évidemment du respect de certaines obligations liées à des valeurs fondamentales.
• La directive SMA assoupli et simplifie les règles d’insertion et de durée de la publicité.
Les radiodiffuseurs peuvent choisir le meilleur moment pour insérer des messages publicitaires alors qu’auparavant, un intervalle d’au moins 20 minutes entre ces messages devait être respecté.
La publicité reste limitée à 12 minutes pour une heure donnée mais la limite quotidienne qui était fixée à trois heures par jour disparait.
Enfin, les films (à l’exclusion des séries, feuilletons et documentaires) et les journaux télévisés ne peuvent être interrompus par la publicité plus d’une fois par période de 30 minutes.
• Elle clarifie la notion de « placement de produit » et autorise sous certaines conditions son insertion au sein de programmes, le tout afin d’en garantir un traitement homogène et de renforcer la compétitivité du secteur européen des médias.
• Elle poursuit le pluralisme des médias qu’elle élève en principe fondamental de l’Union Européenne.
• Elle promeut la diversité culturelle à travers la reconnaissance de la possibilité pour les Etats membres « chaque fois que cela est réalisable…» d’imposer aux fournisseurs de services de médias, des quotas de contenu en faveur des productions européennes.
En ce qui concerne les services non linéaires, elle prévoit que les Etats membres sont obligés de promouvoir la production des œuvres européennes et l’accès à ces dernières mais n’étend pas cette obligation à la promotion des œuvres européennes indépendantes.
• Elle promeut l’auto et la co-régulation et met sur pied une procédure de coopération entre les Etats membres en cas de ciblage d’audience par un service linéaire.
A travers cette directive, le législateur européen a voulu instaurer une coordination « a minima » laissant donc aux états membres la possibilité de prévoir des règles plus strictes.
Le décret de la communauté française transposant la directive SMA
Ce décret vient modifier le décret de la communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion en le coordonnant.
Le cadre général
La directive SMA on l’a vu, ne place pas les services linéaires et non linéaires sur le même pied en prévoyant un régime juridique plus léger pour les seconds. Retenons que notre législateur a préféré atténuer cette distinction en soulignant l’importance d’assurer une protection des téléspectateurs quel que soit les modes de diffusion des programmes, linéaires ou non linéaires, et de maintenir l’égalité de traitement entre les éditeurs de ces services. Des règles similaires sont donc globalement prévues pour ces deux types de services audiovisuels avec toutefois de légères adaptations aux spécificités de fonctionnement des services non linéaires. Sur ce dernier point, le texte du décret s’avère donc plus restreint par rapport à celui de la directive SMA.
Les éléments essentiels de la transposition en Communauté Française
• Les règles d’insertion publicitaire applicables aux services linéaires n’ont pas été assouplies. Par ailleurs, ces règles furent étendues aux services non linéaires afin de garantir le maintient d’un niveau élevé de protection des mineurs et consommateurs.
L’insertion de publicité, de télé-achat et d’autopromotion est restée interdite dans les Journaux télévisés, les émissions pour enfants, les retransmissions de cérémonies religieuses et laïques.
Les règles relatives à la durée des publicités n’ont pas été modifiées. La limite maximum de 3 heures quotidienne de diffusion de publicité est donc restée en vigueur.
• Les interdictions publicitaires relatives à l’alcool, au tabac et aux médicaments ont été élargies aux services non linéaires ainsi qu’à toutes les formes de publicités.
• Une régulation plus graduée a été instaurée en matière de protection des mineurs, sur base de la gravité de la nuisance. Ainsi, le décret maintient la mise en place d’un régime commun pour les services linéaires et non linéaires qui interdit strictement « les programmes susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs » (article 9.2). Il prévoit en outre un double régime pour les programmes qui sans nuire gravement aux mineurs, sont « susceptibles de nuire à leur épanouissement… ». Le premier régime applicable aux services non linéaires est maintenu en place, le second, relatif aux services non linéaires est adapté en fonction de leurs spécificités propres. Ainsi, afin d’avertir le téléspectateur du contenu diffusé, le décret prévoit l’emploi d’un signal acoustique ou d’un symbole visuel avant et pendant la diffusion du programme.
• La règle des quotas de diffusion d’œuvres européennes et de la Communauté française n’a pas été imposée pour les services non linéaires mais, en accord avec les opérateurs, il fut prévu d’organiser une obligation de mise en valeur particulière des œuvres européennes, y compris celles de la Communauté française, par une présentation spécifique (guides électroniques des programmes, sites Internet, magazines envoyés aux abonnés, …).
• Le régime de contribution dans la production audiovisuelle francophone ainsi que le régime de coopération entre les états membres, déjà existants pour les services linéaires ont été étendus aux services non linéaires.
• Le placement de produits est resté interdit dans les émissions pour enfants ainsi que dans les Journaux télévisés. Il n’est autorisé que dans certaines conditions (« de ne pas nuire à l’intégrité du programme,… ») pour tenir compte notamment des cas où il s’agit d’« accessoires de production ».
• En lieu et en place du régime d’autorisation préalable applicable aux éditeurs de services, le décret a instauré un régime déclaratif pour les services télévisuels et les éditeurs de services sonores recourant à d’autres moyens que la « diffusion hertzienne terrestre » (radio FM). Le but de cette mesure a été d’alléger la procédure en vigueur afin de favoriser l’accès au marché et d’inciter les fournisseurs à se déclarer ; autrement dit, éviter qu’ils soient tentés, vu la charge administrative, d’éluder le contrôle établi par le CSA.
• Les sanctions pouvant être appliquées par le CSA en cas de non respect du décret sont élargies.
En conclusion
Il y a de quoi se réjouir de cette transposition de la directive SMA à plusieurs titres. Non seulement et plus globalement, elle a été effectuée dans les délais alors que la Belgique s’avère ne pas toujours être un modèle de ponctualité à cet égard. (Rappelons qu’en 2008, sur 97 directives européennes à transposer en droit interne, la Belgique restait en retard pour 36 d’entre elles, ce qui réduisait toutefois son déficit de transposition à 1,2 % contre 1,5 pour l’année 2007). On se réjouit en outre de la prise en compte, dans la définition même des services de médias audiovisuels des services non linéaires. Elle était nécessaire d’autant qu’il faut admettre que ces services remplaceront au moins partiellement les services linéaires dans un futur immédiat.
Quant à l’ « audace » de notre législateur communautaire face au cadre minimaliste instauré par la directive, lui laissant donc une certaine marge d’appréciation, on constate qu’elle reste modérée. Ce dernier adopte une approche prudente qui se situe entre un souci d’attractivité et de concurrence interne imposant des règles souples et un souci de protection des valeurs fondamentales indépendamment de la technologie de transmission utilisée, légitimant des règles plus strictes pour les services non linéaires.
Il ne reste plus qu’à attendre une mise en pratique concrète de cette approche afin d’en jauger l’efficacité réelle.