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Un logiciel peut se qualifier en tant que dispositif médical

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La Cour de justice de l’Union européenne, suivant l’avis de son Avocat général, confirme qu’un logiciel d’aide à la prescription médicale peut être qualifié de dispositif médical. Une telle conclusion est fondamentale : le produit qualifié de dispositif médical doit comporter le marquage CE. En contrepartie, il doit pouvoir circuler librement dans toute l’Union, les Etats membres ne pouvant, sauf exception, exiger de son fabricant une certification supplémentaire.

Les faits

Le logiciel, objet du litige, est un programme informatique d’aide à la prescription médicale portant le nom de « Intellispace Critical Care and Anesthesia » (« ICCA »). Il est fabriqué et commercialisé par Philips France. Ledit logiciel a notamment pour fonction d’aider le prescripteur, le médecin, en lui fournissant les informations dont il a besoin pour prescrire correctement les médicaments, notamment en ce qui concerne leurs éventuelles contre-indications, les interactions entre les différents médicaments et les posologies excessives. Il est utilisé dans les domaines de l’anesthésie et de la réanimation.

Le logiciel ICCA porte le marquage CE des dispositifs médicaux, attestant de sa conformité aux exigences essentielles de la directive 93/42 relative aux dispositifs médicaux.

Le problème qui s’est posé est le suivant : le droit français, par le décret n° 2014-1359, impose aux fabricants de logiciels d’aide à la prescription médicale une certification supplémentaire franco-française, pour pouvoir commercialiser ledit logiciel en France (concernant cette certification notre article).

L’on rappellera que, pourtant, l’article 4 de la directive relative aux dispositifs médicaux pose clairement un principe de libre circulation en Europe des dispositifs médicaux portant le marquage CE. Cela implique que les Etats membres ne doivent pas faire « obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs portant le marquage CE ». Or, comme Philips France le revendique, exiger pour les logiciels d’aide à la prescription même munis du marquage CE, une certification supplémentaire, comme le fait l’Etat français, ne serait pas compatible avec le principe de libre circulation du dispositif médical. Dans ces conditions, le décret français litigieux a fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat.

Pour le Conseil d’Etat français, la première question à se poser, et la seule à poser à la Cour de justice, était celle de savoir, si les logiciels d’aide à la prescription médicale, tel que le logiciel dont il est question ici, correspondent effectivement à la qualification de dispositifs médicaux au sens de la directive. C’est sur ce point que le Conseil d’Etat a décidé de sursoir à statuer pour saisir la Cour de Justice.

Un logiciel d’aide à la prescription de médicaments peut constituer un dispositif médical

La question posée à la Cour, telle qu’elle l’a reformulée, est la suivante : « l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42 doivent[-ils] être interprétés en ce sens qu’un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins notamment de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain ? »

Pour répondre à cette question, la Cour met en exergue les deux conditions cumulatives que doit remplir un dispositif pour être qualifié de dispositif médical au sens de la directive : à savoir, d’une part, la finalité poursuivie par le dispositif, et, d’autre part, l’action produite par ce dispositif.

a) Finalité poursuivie

Conformément à la définition donnée par la directive, un dispositif sera un dispositif médical s’il est destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins, notamment, de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie, ainsi que de diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap. Le dispositif qui n’est pas destiné à l’une des finalités médicales, évoquées ici, ne sera pas un dispositif médical, et ce même s’il est utilisé dans un contexte médical.

Le logiciel qui procède au recoupement des données d’un patient avec les médicaments que le médecin souhaite lui prescrire et qui, ainsi, est en mesure de fournir à celui-ci une analyse visant les éventuelles contre-indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives, doit être considéré comme destiné à poursuivre une finalité spécifiquement médicale, telles que celles relevées par la directive. Un tel logiciel sera donc un dispositif médical.

b) Action produite

La Cour confirme, d’une part, que, pour qu’un dispositif soit un dispositif médical, il n’est pas exigé qu’il agisse directement dans ou sur le corps humain. A ce titre, un logiciel d’aide à la prescription, n’ayant aucune action dans ou sur le corps humain, peut parfaitement être un dispositif médical.

D’autre part, la Cour renvoie aux lignes directrices publiées par la Commission européenne relatives à la qualification et à la classification des logiciels autonomes utilisés en médecine dans le cadre réglementaire des dispositifs médicaux (Meddev 2.1/6). Selon ces lignes directrices, le logiciel qui est destiné à créer ou modifier des renseignements médicaux, par le biais par exemple de calcul, de quantification ou de comparaison de données, sera un dispositif médical. A l’inverse, le logiciel qui se contente de stocker ou d’archiver des données, sans les modifier ni les interpréter, ne constituera pas un dispositif médical.

La Cour conclut donc que le « logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain. »

Les implications et enjeux de l’arrêt de la Cour

La Cour a adopté ici une approche similaire à celle développée par le législateur européen dans le nouveau Règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, adopté le 5 avril 2017, qui, on le rappelle, abrogera, à compter du 26 mai 2020, la directive 93/42 (voir à cet égard notre article). Le considérant 19 du nouveau Règlement annonce effectivement : « Il est nécessaire de préciser que les logiciels spécifiquement destinés par le fabricant à une ou plusieurs des fins médicales visées dans la définition de la notion de dispositif médical, constituent, en soi, des dispositifs médicaux, tandis que les logiciels destinés à des usages généraux, même lorsqu’ils sont utilisés dans un environnement de soins, ou les logiciels destinés à des usages ayant trait au mode de vie ou au bien-être, ne constituent pas des dispositifs médicaux ».

La grille d’analyse fournie ici par la Cour est bienvenue à l’heure du développement et de la mise en service de logiciels et applications mobiles, de plus en plus nombreux et toujours plus diversifiés, touchant de près ou de loin la santé. Il sera plus qu’utile de s’y référer pour vérifier si telle ou telle application doit être qualifiée de dispositif médical, et doit à ce titre porter le marquage CE et bénéficier du même coup de la libre circulation au sein de l’Union.

Quant à la réglementation française spécifique aux logiciels d’aide à la prescription médicale, elle sera très probablement retoquée par le Conseil d’Etat dans les prochains mois, le logiciel portant le marquage CE devant pouvoir librement circuler dans toute l’Union européenne, sans avoir à obtenir de certification nationale supplémentaire.

Droit & Technologies

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