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Le juge qui est « ami » sur Facebook avec une partie, est-il encore impartial ?

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Le 5 janvier 2017, la Cour de cassation de France a estimé que le terme « d’amis », employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux, ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme. Cet élément, en tant que tel, n’est pas de nature à établir l’impartialité du juge.

Indépendance et impartialité

L’indépendance de la justice, et l’impartialité du juge, sont considérées comme des valeurs cardinales de la justice en Europe.

Cela se reflète dans plusieurs règles d’organisation, notamment :

  • Indépendance de la justice dans son ensemble par rapport au pouvoir exécutif. Chaque fois qu’un ministre essaie de se mêler d’une procédure judiciaire, c’est la bagarre. Les magistrats sont extrêmement sensibles sur ce sujet. Même si la justice est une des prérogatives de l’État, et qu’elle est organisée et financée par l’Etat, plusieurs limites ont été instituées en vue de limiter l’influence du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire dans le but de garantir l’indépendance de ce dernier.
  • Indépendance du juge dans sa fonction de juger. Il arrive fréquemment que des jugements rendus puissent heurter l’opinion publique. Qu’il s’agisse d’une peine trop clémente, d’une application rigoureuse des droits de la défense qui amène le juge à déclarer des poursuites irrecevables, les exemples sont nombreux de ces procès dans lesquels l’opinion publique est en désaccord avec la vérité judiciaire. C’est le droit de chacun de commenter. Pour autant, si la critique émane d’un ministre, d’un homme politique ou d’un mandataire public, les choses risquent de se corser car cela pourrait être compris comme une tentative d’influencer le juge dans sa fonction de juger. En Belgique, en 2016, un ministre avait proposé de « former les juges » aux conséquences du viol car un de ceux-ci avait été clément dans un jugement rendu.
  • Impartialité du juge vis-à-vis des parties. C’est la partie la plus visible de l’iceberg. Il est inacceptable pour une partie à un procès d’apprendre que le juge est un cousin éloigné de l’adversaire, que sa sœur est mariée à l’avocat de l’adversaire, ou que le juge a été employé jadis par une filiale du groupe auquel je m’attaque.

La récusation

L’impartialité vis-à-vis des parties se résout par la récusation. Chacun peut demander, s’il a des raisons sérieuses et légitimes de croire à l’absence d’impartialité du juge, que celui-ci soit récusé.

Dans la plupart des états européens, cette récusation peut reposer sur trois hypothèses.

  • Première hypothèse : les éléments objectifs liés aux parties. Exemple : le juge a un cousin qui est le beau-frère de mon adversaire. En fonction de la nature des éléments objectifs qui posent problème, la récusation pourra être ordonnée.
  • Deuxième hypothèse : les éléments objectifs liés au juge. Exemple : le juge a écrit il y a quelques années un article dans une revue scientifique, en prenant position pour une thèse juridique qui est celle défendue par mon adversaire. La récusation est en général plus difficile à obtenir, mais c’est possible. C’est le risque en terme d’impartialité dans la fonction de juger qui sera pris en compte.
  • Troisième hypothèse : les éléments subjectifs. Dans sa manière de conduire les débats, le juge semble partial. C’est une hypothèse fréquente en pratique. Il suffit d’une remarque, d’une question, voire d’une attitude, pour que le doute puisse naître. Souvent, la preuve est difficile et le greffier d’audience, requis par un avocat d’acter le comportement du président, est rarement enclin à le faire même si, par sa fonction, il est en principe obligé de refléter exactement la façon dont se déroule l’audience.

Le juge est « ami » sur Facebook

La Cour de cassation a été saisie du dossier d’un avocat du barreau de Paris, visé par une procédure disciplinaire.

Celui-ci avait été poursuivi devant le conseil de l’Ordre des avocats et avait récusé plusieurs avocats conseillers qui étaient « amis » de la plaignante et de l’autorité de poursuite (le Bâtonnier).

La Cour d’appel de Paris avait jugé que le seul fait que les personnes objets de la requête soient des « amis » du bâtonnier ne constituait pas une circonstance justifiant la récusation.

Le 5 janvier 2017, la Cour de cassation de France a estimé à son tour que le terme « d’amis », employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme : « Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la pertinence des causes de récusation alléguées que la cour d’appel a retenu que le terme d’ « ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme et que l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession » (Arrêt n° 1 du 5 janvier 2017 (16-12.394), Cour de cassation (France), Deuxième chambre civile, ECLI:FR:CCASS:2017:C200001).

Autrement dit, le seul fait d’être amis sur Facebook n’est pas nécessairement suffisant. Cela peut être un indice parmi d’autres qui, ensemble, justifient la récusation mais le seul fait d’être ami sur Facebook n’est, en tant que tel, pas suffisant.

En Belgique, une sensibilité un peu différente

Un intéressant article paru le site Justice en ligne suite à une décision du Conseil supérieur de la justice, montre que l’approche belge est légèrement différente.

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