Jeux par SMS : sur le point d’être régulés en Belgique
Publié le 14/12/2004 par Thibault Verbiest
Dans une précédente actualité, nous avions relevé dans la future loi-programme les changements au niveau du droit des sociétés, permettant le recours intensif aux nouvelles technologies en matière de convocation des assemblées générales. Le lecteur (très) attentif aura en outre remarqué que la même loi-programme contient un article 322 visant à modifier la loi du…
Dans une précédente actualité, nous avions relevé dans la future loi-programme les changements au niveau du droit des sociétés, permettant le recours intensif aux nouvelles technologies en matière de convocation des assemblées générales.
Le lecteur (très) attentif aura en outre remarqué que la même loi-programme contient un article 322 visant à modifier la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard.
Selon cette disposition, une quatrième exception serait ajoutée à l’article 3 de la loi du 7 mai 1999 :
« Ne sont pas des jeux de hasard au sens de la présente loi:
- les jeux relatifs à l’exercice des sports, ainsi que les paris engagés à l’occasion de ces jeux;
- les jeux offrant au joueur ou au parieur comme seul enjeu le droit de poursuivre le jeu gratuitement et ce, cinq fois au maximum;
- les jeux de cartes ou de société pratiqués en dehors des établissements de jeux de hasard de classe I et II, ainsi que les jeux exploités dans des parcs d’attractions ou par des industriels forains à l’occasions de kermesses, de foires commerciales ou autres et en des occasions analogues, ne nécessitant qu’un enjeu très limité et qui ne peuvent procurer, au joueur ou au parieur, qu’un avantage matériel de faible valeur;
- Les jeux proposés dans le cadre de programmes télévisés au moyen de séries de numéros du plan belge de numérotation pour lesquels il est autorisé de facturer à l’appelant, en plus du prix de la communication, également le prix du contenu étant entendu que ce prix est limité aux séries pour lesquelles le tarif de l’utilisateur final ne dépend pas de la durée de l’appel, et qui forment un programme complet de jeu doivent satisfaire aux conditions fixées par le Roi. ».
Le contexte : des jeux controversés
Comme chacun sait, les principales chaînes de télévision belges (comme étrangères) offrent différents jeux qui utilisent des numéros payants (par exemple 0905, SMS, MMS payants du type 3xxx ou 4xxx).
La Commission des jeux de hasard estime que la plupart de ces jeux tombent sous la définition des jeux de hasard visés à l’article 2 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard dans la mesure où il y aurait : mise, perte ou gain et hasard.
La Commission a en conséquence transmis une cinquantaine de plaintes au parquet…
Cette analyse est contestée par le secteur, notamment au motif que, dans nombre de jeux, le hasard n’intervient pas ou de manière très limitée. En outre, dans certains cas, une possibilité de remboursement des frais de communication est offerte. En France, il est acquis que la remboursabilité ôte au jeu son caractère onéreux, et le rend donc licite.
Le débat juridique n’est donc pas clos…
L’exposé des motifs de la future loi-programme reprend néanmoins à son compte l’argumentaire de la Commission :
« Comme la participation se déroule au moyen de numéros
payants, le coût de participation demandé dépasse
le prix normal des conversations téléphoniques standards
ou — SMS ou — MMS et compte tenu qu’il est éventuellement
nécessaire de tenter plusieurs fois sa chance
pour pouvoir réellement participer, cette manière de procéder
peut être assimilée à une mise. Il se peut également
qu’à tout instant, un prix soit gagné ou que, le cas
échéant, la mise soit perdue.
De plus, ces jeux sont conçus de telle manière qu’un
élément de hasard y est toujours présent ne fût- ce que
d’une manière accessoire : tirage, roue de la fortune,
nombre de joueurs, énigmes … »
Un exemple de corégulation
Depuis des mois, la Commission des jeux de hasard discute avec les principales chaînes de télévision belges et les opérateurs de téléphonie mobile pour convenir d’un code de conduite applicable aux jeux SMS ou utilisant des lignes surtaxées (sans reconnaissance préjudiciable du secteur quant à la qualification juridique des jeux visés).
Ce faisant, la Commission privilégie la voie de la corégulation, plutôt que celle de la régulation autoritaire.
Mais des définitions ambiguës
Si la démarche est parfaitement louable, force est de constater que la réforme envisagée risque de porter le flanc à la critique, et ce pour les motifs suivants :
- seuls les jeux par SMS et lignes surtaxées sont visés, et non les autres jeux de hasard à distance (par le web etc.). Or, l’exposé des motifs justifie la réforme en ces termes : «(…) on ne peut ignorer que ces jeux, à côté de l’aspect attractif ont un aspect commercial et concurrentiel (tant national qu’international) important à tel point
qu’une solution doit être trouvée afin de maintenir l’équilibre
entre l’offre et la protection du joueur. »L’argument est certes fondé, mais ne se limite pas aux jeux par SMS ou lignes surtaxées. La raisonnement vaut aussi pour les jeux à distance utilisant d’autres technologies. Mais il est vrai qu’une réforme plus globale des jeux à distance (comme au Royame-Uni) serait une autre affaire politique….
- Le champ d’application de la réforme est encore plus étroit puisque seuls sont visés les jeux « qui constituent un programme complet à la télévision », au motif qu’ils seraient « à l’origine des plus grandes difficultés de comportement exagéré vis-à-vis des jeux. » Cette restriction est difficilement compréhensible car l’on ne perçoit pas la différence de nature entre ces jeux et ceux qui ne sont disponibles que pendant une partie de l’émission, voire les jeux SMS qui sont indépendant d’un programme audiovisuel.
- Enfin, l’on touche ici, au moins indirectement, à une compétence des Communautés (l’audiovisuel) et il est à espérer que celles-ci ont été suffisamment consultées…
En lisant le projet de loi-programme.