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Jeux d’argent en ligne en France: vers quel cadre réglementaire ?

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Les sites de jeux d’argent proposés depuis quelques années sur internet connaissent un succès florissant. Il suffit d’aller sur le web pour constater que ce secteur est en pleine croissance économique. Les opérateurs les plus connus comprennent notamment Unibet, Cassava Enterprises, PartyGaming, Betfair, William Hill. Ces sociétés sont toutes légalement autorisés à exercer leurs activités…

Les sites de jeux d’argent proposés depuis quelques années sur internet connaissent un succès florissant. Il suffit d’aller sur le web pour constater que ce secteur est en pleine croissance économique.

Les opérateurs les plus connus comprennent notamment Unibet, Cassava Enterprises, PartyGaming, Betfair, William Hill.

Ces sociétés sont toutes légalement autorisés à exercer leurs activités dans d’autres Etats membres de le Communauté européenne, tel au Royaume-Uni, à Malte ou encore à Gibraltar.

Les revenus générés sont énormes : à titre d’exemple, la société « PartyGaming », leader en matière de poker en ligne, a généré en 2004 600 millions de dollars de revenus nets.

Par ailleurs, les distinctions traditionnelles opérées dans le monde physique tendent à disparaître sur internet, certains opérateurs proposant aussi bien des paris sportifs que des jeux de casino et de poker.

Comment le droit français appréhende-t-il cette réalité économique?

LE DROIT FRANÇAIS DES JEUX FACE AU VIRTUEL

En France, les jeux ne sont pas soumis à un régime commun.

Ainsi, les loteries et les paris sportifs relèvent d’un monopole d’Etat confié à la Française des Jeux par dérogation à la loi du 21 mai 1836 qui interdit les loteries.

Quant aux casinos, ils bénéficient d’une dérogation à la loi du 12 juillet 1983 interdisant les jeux de hasard, sous réserve du respect d’une procédure réglementée qui les soumet à approbation du ministère de l’intérieur.

Enfin, une loi de 1891 régit les paris sur les courses de chevaux, qui sont réservés au Pari Mutuel Urbain.

La loi française interdit donc les jeux de hasard, sous réserve des dérogations accordées à la Française des Jeux, au Pari Mutuel Urbain et aux casinos autorisés Ces textes sont anciens et ont été adoptés à une période où l’internet n’existait pas encore.

Selon les autorités françaises, les jeux d’argent virtuels proposés en France le seraient de façon illégale. La question n’est pas encore tranchée de manière certaine, en particulier en ce qui concerne les jeux de casinos en ligne, car la loi parle de « maison de jeu », termes a priori inadaptés à un environnement numérique….

De plus, la loi pénale française étant applicable dès lors qu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis sur le territoire français, en principe, les sites de jeux d’argent en ligne offerts en France devraient être soumis aux interdictions édictées par le droit français. Toutefois, dans d’autres domaines (comme les contrefaçons ou les actes de diffamation sur internet), la jurisprudence a déjà fait preuve de plus de réalisme en ne soumettant au droit français que les sites qui ciblaient l’Hexagone.

Cela étant, cette règlementation sévère est manifestement contraire au droit communautaire.

Le droit communautaire europeen

L’article 49 du Traité instituant la Communauté européenne (TCE) pose le principe de la libre prestation de services à travers la Communauté européenne. La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) soumet depuis longtemps les services de jeux d’argent à l’article 49.

Par ailleurs, en vertu de la jurisprudence de la CJCE et notamment de l’arrêt Gambelli (2003), les Etats membres de la Communauté européenne ne peuvent restreindre l’offre transfrontalière de services de jeux d’argent que s’ils établissent qu’ils ont une politique de canalisation du jeu cohérente et systématique.

Ainsi, en vertu de la jurisprudence communautaire, un Etat membre ne saurait légalement interdire l’offre de jeux sur son territoire en évoquant des motifs liés à la protection des consommateurs ou à la protection de la société en général, tout en menant en même temps à travers ses propres monopoles un politique active de développement du jeu.

Or la France n’a pas à l’heure actuelle une politique de jeu cohérente et systématique.

Un rapport sénatorial français stigmatise ainsi « les négligences de la sphère publique » concernant l’encadrement des jeux d’argents sur le plan sociologique et considère l’Etat français comme un Etat croupier.

En effet, la Française des Jeux n’a cessé ces dernières années d’accroître et de diversifier son offre. La plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’Etat, avait d’ailleurs déjà mis engarde le monopole en 2001 contre la légalité d’une telle extension de son offre de jeux au regard du droit communautaire.

De plus le monopole de la FDJ s’est vu étendu à l’internet, au grand dam des opérateurs de casino « en dur » français qui mènent depuis de nombreuses années, sans succès, des actions auprès des autorités françaises afin de se voir octroyer l’autorisation d’offrir leurs services en ligne.

Forts de la jurisprudence communautaire, des opérateurs privés ont envoyé des plaintes auprès de la Commission européenne. Cette dernière a d’ailleurs introduit des recours en manquement contre sept Etats membres en avril dernier pour non conformité de leur règlementation en matière de jeux avec le droit communautaire, mais la France y a échappé – pour cette fois.

Des actions sont aussi en cours au niveau national afin d’obtenir la fin du monopole de la Française des Jeux. De telles actions ont abouti en Allemagne à un arrêt de la Cour Constitutionnelle obligeant le monopole de paris sportifs à revoir sa politique à la lumière des exigences de droit communautaire, sous menace d’être déclaré inconstitutionnel.

En revanche, les actions intentées en vue d’empêcher les sites de jeux d’argent européens de cibler le marché français sont restées à ce jour peu nombreuses : en 1997, un bookmaker anglais qui avait organisé un concours de pronostics sportifs sur les résultats du Tour de France avait été condamné par la Cour de cassation ; en janvier dernier, le PMU a gagné son procès contre un opérateur établi à Malte, la Cour d’appel ayant condamné la société maltaise sous astreintes, à cesser de cibler le territoire français.

FDJ préfère quant à elle cibler les intermédiaires. Elle a ainsi récemment déclenché des poursuites pénales principalement orientées contre contre les affiliés de la société BetandWin.

Il est néanmoins peu probable que les actions aboutissent devant les juridictions pénales, car celles-ci pourraient en référer à la CJCE et juger que le droit français est contraire au droit communautaire.

La FDJ pourrait en effet se voir menacée par une jurisprudence française « pro-Gambelli », encore inexistante à l’heure actuelle en France.

Face à la pression accrue du droit communautaire, l’Etat français, qui détient 72 % des parts de la Française des Jeux, veut se donner l’apparence de la légalité. Le gouvernement a ainsi adopté en février dernier un décret soumettant le monopole à diverses obligations calquées sur la jurisprudence Gambelli.

La FDJ pourra procéder, seule ou en liaison avec des opérateurs de jeux étrangers, à des prises de jeux ou à l’organisation et l’exploitation de jeux en dehors des départements français, selon des modalités et conditions qu’elle définit avec les autorités locales compétentes.

Cela augure donc d’une expansion des jeux transfrontaliers de la FDJ, en particulier via l’internet, contraire à une prétendue politique de canalisation du jeu.

Enfin, un arrêté crée auprès du ministre chargé du budget un comité, qui a pour mission de le conseiller dans la mise en oeuvre de la politique d’encadrement des jeux exploités par la société.

Ce comité n’est cependant pas indépendant puisqu’il est composé majoritairement de représentant ministériels.

Ces mesures suffisent-elles à rendre le droit français conforme au droit communautaire ?

Il est permis d’en douter…

CONCLUSION

La simple mise sur papier de règles « pro-européennes » ne mettra pas la Française des Jeux à l’abri d’investigations européennes.

En effet, la France ne peut prétendre avoir une politique de canalisation cohérente et systématique quand :

  1. Il n’existe pas d’autorité administrative indépendante digne de ce nom chargée de contrôler les jeux, contrairement à plusieurs autres pays de l’Union européenne ;
  2. Il n’existe aucune étude, aucune statistique sur l’assuétude au jeu ;
  3. La protection des joueurs, qui constitue le fondement du monopole, n’est pas assurée ?

    La CJCE exige des Etats membres qu’ils apportent des preuves statistiques pour justifier d’une politique de jeu cohérente et systématique susceptible de restreindre la libre circulation des services.

    Et là, le bât continue de blesser…

    Droit & Technologies

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