Jeux d’argent en ligne : bientôt régulés en Belgique ?
Publié le 07/04/2007 par Thibault Verbiest
Le parlement fédéral est actuellement saisi d’un projet de loi visant à modifier la loi du 7 mai 1999 régissant les jeux de hasard. En effet, il est apparu nécessaire au gouvernement – notamment au regard des exigences du droit communautaire et des règles relatives à la libre prestation de services prévues à l’article 49…
Le parlement fédéral est actuellement saisi d’un projet de loi visant à modifier la loi du 7 mai 1999 régissant les jeux de hasard.
En effet, il est apparu nécessaire au gouvernement – notamment au regard des exigences du droit communautaire et des règles relatives à la libre prestation de services prévues à l’article 49 du Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE) – d’assurer dans ce domaine fortement marqué par l’évolution des nouvelles technologies plus de cohérence et d’uniformité.
Comme l’a exprimé une étude de l’Université Catholique de Louvain, le régime actuel ne répond pas à ces exigences de cohérence et d’uniformité pourtant indispensables à une protection réelle et efficace des joueurs.
Le projet de loi a été initialement déposé à la Chambre des représentants le 7 Décembre 2006, après avis du Conseil d’Etat, aux termes de la procédure d’urgence prévue par le règlement intérieur de la Chambre.
Néanmoins, suite à un lobbying très intense de certains acteurs belges du jeu, , le projet de loi a été retiré de la loi de Finances.
Le projet suit en ce moment la procédure bicamérale ordinaire au parlement, mais il semble de plus en plus improbable qu’il soit adopté avant les élections législatives de juin. La volonté politique d’adopter la réforme devrait toutefois perdurer au-delà des élections.
LE REGIME ACTUEL
En application des articles 6 et 7 la loi du 19 avril 2002, la Loterie Nationale a le monopole pour organiser des loteries, ainsi que le droit d’organiser des jeux de hasard, des paris et concours par le biais des outils de la société de l’information.
En vertu de la loi du 7 mai 1999, un opérateur qui souhaite exploiter des jeux d’argent en Belgique doit obtenir une licence octroyée par la Commission des jeux de hasard. La Loterie Nationale doit également demander l’avis de la Commission si elle veut lancer de nouveaux jeux de hasard (arrêt Cour d’arbitrage du 10 mars 2004, n°33/2004)
La loi de 1999 sur les jeux de hasard, et ses arrêtés d’exécution, ne prévoient pas expressément la possibilité d’accorder une licence pour les services de la société de la société de l’information.
De ce fait, selon l’interprétation dominante, il est interdit aujourd’hui d’accorder à un opérateur privé une licence de jeu sur internet.
La loi du 26 juin 1963 réglemente les paris sportifs. Elle prévoit un système de licence pour les compétitions et paris sur les résultats d’épreuves sportives, licence délivrée par les ministres des Sports des Communautés (flamandes, françaises ou germanophones).
Cependant,
- La loi de 1963 n’est pas applicable aux paris à côte fixe. Par conséquent, ces derniers ne sont pas règlementés en Belgique. Cependant le ministère des Finances estime qu’ils sont soumis à la taxe sur les paris.
- Les paris sur les évènements non sportifs sont soumis à la loi de 1999 qui ne prévoit pas de licence pour l’organisation de tels paris. Ils sont donc interdits.
- Enfin, les paris sur courses de chevaux sont soumis à l’autorisation du ministère des Finances
LE PROJET DE LOI SUR LES JEUX DE HASARD
Selon le nouveau régime, tous les paris se trouveraient soumis à la nouvelle loi régissant les jeux de hasard et à la compétence de la Commission des Jeux de Hasard.
Le principe fondamental reste que l’exploitation d’un jeu de hasard ou d’un pari est soumise à l’octroi préalable par la Commission des jeux de hasard d’une licence non cessible.
Les jeux de hasard exploités via un média (radio et télévision) seraient autorisés pour autant qu’ils remplissent les conditions fixées par arrêté royal délibéré en conseil des Ministres.
La nouvelle loi prévoit surtout une réglementation spécifique pour les jeux de hasard exploités par internet en permettant à la Commission des jeux de hasard la possibilité de conclure un « certificat de fiabilité » avec un exploitant d’un Etat membre de l’Union européenne.
La reconnaissance de ces sites européens permettra à la Belgique de se conformer à ces obligations communautaires en assurant une offre du jeu « cohérente et systématique » protectrice du consommateur, au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).
Dans l’arrêt « Gambelli » rendu en novembre 2003, la CJCE a en effet jugé que les restrictions à la libre prestation de services intracommunautaires devaient faire partie d’une « politique de canalisation du jeu cohérente et systématique ».
La Belgique suivrait ainsi la tendance initiée dans la plupart des Etats membres de l’Union européenne.
L’octroi du certificat est subordonné à un certain nombre de conditions qualitatives que doivent réunir l’exploitant et son exploitation, ainsi qu’au paiement d’une garantie, qui seront déterminés par arrêté royal.
Enfin, la composition et les compétences de la Commission des jeux de hasard sont étendues : elle pourrait infliger des amendes administratives en cas d’absence de poursuites par le ministère public avec recours possible devant le tribunal de première instance.
LES AMENAGEMENTS NECESSAIRES
A l’heure de la convergence des médias et des télécommunications, la Belgique – tout comme les autres membres de l’Union européenne – se trouve confrontée depuis quelques années à l’offre croissante de jeux d’argent via les services de la société de l’information, alors que sa législation n’est plus du tout adaptée à régir ces types de services.
La nouvelle loi devra donc régir non seulement les jeux de hasard via internet – mais plus généralement les jeux de hasard via ces « services de la société de l’information ».
L’insertion de cette notion à la place de celle plus restreinte, de l’internet, permettra ainsi de remédier aux potentiels problèmes de discrimination dont souffriront immanquablement les opérateurs de jeux via d’autres médias interactifs (par exemple les jeux par SMS) si le projet de loi est adopté en l’état.
Par ailleurs, un amendement imposant un « établissement permanent » comme condition d’octroi du certificat de fiabilité, a été déposé et réintroduirait un élément de contrariété fondamental au droit communautaire.
Dans la mesure où le droit communautaire interdit les entraves à la libre prestation de services au sein de la Communauté, une société de jeux en ligne légalement établie dans un Etat membre de l’Union européenne ne pourrait se voir imposer une exigence d’établissement permanent pour offrir ses services en Belgique, sans porter atteinte au fondement même de la libre prestation de services intracommunautaire.
L’introduction d’un tel amendement obligera le gouvernement belge à procéder à une nouvelle notification du projet de loi amendé à la Commission européenne, conformément aux exigences de la directive 98/34.
En effet, cette directive impose non seulement la notification de tout projet de loi comportant des normes techniques ou touchant à la société de l’information au sens de la directive mais aussi de leurs amendements.
Cette notification suspendrait le vote de l’amendement en cause et risquerait par conséquent de retarder – voir d’hypothéquer – l’adoption du projet de loi.
Il incombera enfin au législateur d’assortir la nouvelle loi d’un système fiscal attractif et réaliste, condition sine qua non du succès d’une nouvelle législation régissant les jeux de hasard.
Affaire à suivre…
Plus d’information :
En lisant le projet de loi .