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Hallucinant ! La Turquie s’autorise la mise sous tutelle d’un journal de l’opposition et le transforme par la force en journal pro-gouvernemental. Venant d’un pays en négociation avec l’UE pour son adhésion, membre de l’OTAN et allié stratégique, la démarche laisse pantois. Du côté européen, la réponse est hyper-musclée : le sujet sera évoqué pendant le café lors d’un prochain diner avec M. Erdogan.

Zaman

Zaman (mot turc d’origine arabe : « Le Temps ») est un quotidien national turc fondé en 1986.

C’est un média güleniste (les relations entre le gouvernement turc et le mouvement güleniste sont très tendues après avoir des alliés pendant longtemps).

Le 4 mars 2016 l’édition turque est mise sous tutelle judiciaire, à la demande du gouvernement.

La justice reproche des tas de choses au journal ; toutes ont un trait commun : ne pas être assez gentil avec le pouvoir en place.

Devant les TV internationales médusées, la police charge les manifestants enchainés devant l’immeuble de la rédaction et s’empare du journal.

Les nouveaux responsables virent les journalistes et dès le lendemain, le journal parait avec sa nouvelle ligne gentille-gentille : le premier ministre tout sourire en première page inaugurant un pont, rencontrant des femmes, parlant de l’avenir avec confiance.

Le journal disposait d’une rédaction internationale, notamment en France. Celle-ci a depuis lors pris son indépendance et publie un journal en ligne : Zamanfrance (https://www.zamanfrance.fr/)

Politique, ton univers impitoyable

Le 14 avril 1987, Turgut Özal adressait la candidature de la Turquie à l’Union européenne au président en exercice du Conseil des Communautés européennes.

« Au nom du Gouvernement de la République de Turquie, j’ai l’honneur d’informer Votre Excellence que, par la présente, la Turquie demande officiellement à devenir membre de la Communauté économique européenne, conformément aux dispositions de l’article 237 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Dans ce contexte, je voudrais insister sur la vocation européenne de la Turquie et son attachement à l’unité européenne ainsi qu’aux idéaux qui ont donné naissance aux traités instituant les Communautés européennes. »

Faut-il rappeler que la pluralité d’opinion, la liberté d’expression, la liberté d’association, l’interdiction de la censure, sont autant de valeurs inscrites dans les textes fondateurs européens.

On se dit que devant une violation aussi flagrante des droits fondamentaux, l’Europe a du montrer les dents.

Après tout, quand un membre de la famille européenne dérape, les autorités aiment lui rappeler les valeurs européennes. On l’a vu avec la Hongrie et la Pologne. La réponse n’est pas toujours à la hauteur mais au moins est-elle là.

Dans la cas turque, on a … organisé le lendemain un sommet EU-Turquie sur le crise migratoire.

Le gouvernement turc s’est promené à Bruxelles, tout sourire, et on a multiplié les courbettes. On a promis de nouveaux milliards à la Turquie, on l’a suppliée à genoux de contrôler ses frontières, d’arrêter de laisser les migrants Syriens passer sur son territoire en route vers l’UE.

Y a-t-il un lien de cause à effet : est-ce parce que l’Europe est à genoux dans la crise migratoire que son allié turque s’autorise ce qu’elle veut sur son sol, sachant qu’elle restera impunie ? Chacun jugera.

Quand on pense à cette photo des dirigeants européens alignés après les attentats de Paris, clamant leur attachement à la liberté d’expression, et qu’on voit le cirque aujourd’hui, il y a de quoi pleureur.

Pour vous consoler

Que le bon peuple se rassure, tout ne va pas si mal au pays des droits de l’homme.

Le 4 mars, pendant qu’en Turquie on assassinait la liberté d’expression, le Président français remettait la légion d’honneur au prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Nayef à l’Elysée.

Il l’a fait en toute discrétion.

Le gouvernement français est tellement gêné qu’il n’a même pas communiqué. C’est l’agence de presse saoudienne qui a révélé les choses quelques jours plus tard.

On va donc pouvoir continuer à emprisonner en Arabie Saoudite, à lapider, à interdire aux femmes de conduire, à museler l’opposition. Pourquoi s’en priver puisqu’au final tout ceci vaut une légion de (dés)honneur.

Envie de réagir

http://www.elysee.fr/ecrire-au-president-de-la-republique/

Nous vous suggérons d’écrire un texte simple que vous pouvez copier-coller :

« Monsieur le président,

Le 4 mars 2016 :

–          le gouvernement turque muselait les journaux d’opposition. La France et l’Europe laissaient faire.

–          vous accordiez la légion d’honneur au prince héritier d’Arabie saoudite.

J’ai mal à ma liberté, à ma France, à mon Europe. »

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