Histoire belge : pour une question linguistique, le parlement flamand viole les droits moraux d’un auteur
Publié le 16/05/2013 par Etienne Wery
Choqué par la présence de mots en Français dans une planche originale de BD exposée au parlement flamand, son président fait retoucher la reproduction de la planche sans l’accord de l’auteur. Pour paraphraser Molière, « Couvrez ce Français que je ne saurais voir ; Par de pareils objets, les âmes sont blessées ».
Les faits
Une histoire belge, bête à mourir mais qui pourrait finir au tribunal si l’auteur le voulait.
L’idée de départ est merveilleuse dans un pays qui se considère comme l’un des berceaux du 9ème art : une exposition au Parlement flamand de planches originales de BD des plus grands noms.
Parmi celles-ci, des planches du dessinateur belge François Schuiten.
Les commissaires de l’expo aiment tellement l’une de ses planches qu’ils décident d’en faire la couverture du catalogue de l’exposition, et de l’utiliser pour l’invitation.
Jusque-là, rien à signaler puisque l’ensemble se fait avec l’accord de l’auteur.
Les choses se corsent lorsqu’à la sortie de l’imprimerie, on constate un affreux rectangle blanc au milieu de la planche reproduite, à la façon d’une censure d’il y a 30 ans.
Est-il possible que l’œuvre originale soit celle-là ?
Bien vite, les observateurs retrouvent la B.D. et constatent qu’à la place de ce rectangle blanc figure en réalité un phylactère dont le texte est rédigé en français.
Au pays des perpétuelles querelles linguistiques, l’affaire fait grand bruit.
Il faut dire que le président du parlement flamand ne semble guère s’émouvoir et reconnaît son intervention. La presse rapporte les propos stupéfiants de son porte-parole : « Nous ne pouvions tout de même pas laisser un texte en français au parlement flamand », ou encore « Nous ne voulions pas (de cette planche), mais c’était trop tard pour changer. Le gouvernement flamand paie les commissaires de l’exposition 10.000 euros pour remplir leur rôle, est-ce trop demander de choisir une planche sans phylactère en français ? ».
Le droit
Au-delà de la politique, qui relève des convictions de chacun, il reste le droit qui s’impose à tout le monde, même au président du parlement flamand.
Ledit président aurait-il oublié qu’il existe une loi (fédérale … soupirs …) du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisin, dont l’article premier stipule que l’auteur « dispose du droit au respect de son œuvre lui permettant de s’opposer à toute modification de celle-ci », et que « Nonobstant toute renonciation, il conserve le droit de s’opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de cette œuvre ou à toute autre atteinte à la même œuvre, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation » ?
Ces droits font partie de ce que l’on appelle les droits moraux de l’auteur. Ils existent indépendamment des droits patrimoniaux qui permettent à l’auteur d’être rétribué pour son travail. En quelque sorte, les droits moraux permettent de protéger l’auteur contre les atteintes à l’œuvre qui, sans nécessairement affecter son exploitation patrimoniale, "font mal" à l’auteur en raison du lien quasi filial qu’il entretient avec son œuvre. On retrouve ainsi le droit à la paternité, le droit de divulgation, et le droit au respect.
La loi est la même pour tous.