Heurts et malheurs des agences de presse à l’heure de l’internet
Publié le 16/11/2009 par Etienne Wery
Belga, célèbre agence de presse, annonce le décès inopiné de la reine Fabiola, qui aurait succombé à la tristesse d’apprendre le divorce du prince Laurent et de son épouse Claire. Information aussitôt démentie par le palais royal : Fabiola, Laurent et Claire vont bien et s’aiment. Trop tard : le mal est fait. Fameux couac qui en rappelle d’autres …
La tendance actuelle : mettre la population à contribution
Belga pensait avoir trouvé le bon filon : le site ihavenews.be, qu’elle a créé, permet à tout un chacun de signaler des événements d’actualité importants : « ce site a été développé pour alerter tous les médias en même temps lorsque vous avez été témoin d’un événement. Vous pouvez envoyer votre info sous forme de texte ou d’image ».
Dans un site de ce style, basé sur la contribution de la population, tout l’enjeu consiste à trouver le bon équilibre : éviter de devenir une xième rubrique ‘chiens écrasés’ tout en étant aussi accessible que possible à la population qui doit pouvoir faire remonter toutes sortes d’informations parmi lesquelles certaines seront jugées dignes d’intérêt.
Nul doute qu’une agence de la qualité de Belga n’a que faire des faits divers et autres bagarres de café, et que ce n’est donc pas cela qui est visé.
Mais pour rester accessible et remplir son rôle, le site doit aussi faire simple, efficace et rapide. C’est ce qui explique le fonctionnement technique de la plateforme : des textes limités à 160 caractères (format SMS), ou des photos de maximum 1 MB.
Justification de ces contraintes : « La rapidité est très importante quand il s’agit d’information. Il faut que votre message soit bref et concis. Les rédactions qui souhaitent en savoir plus prendront directement contact avec vous via le numéro de téléphone ou l’adresse de courriel que vous mentionnerez ».
Ihavenews.be n’est ni le premier ni le dernier site de ce genre ; il s’agit d’une tendance de fond. L’actu doit remonter de partout où elle se trouve, le pus vite possible. Rien de plus simple pour cela que l’internet, les SMS et autres.
Tous ces sites font face au même défi, à la même quadrature du cercle : rester accessible et rapide, tout en filtrant l’information.
Des couacs pas si rares que cela
Cette affaire en rappelle une autre survenue il y a un an aux Etats-Unis.
Dans un contexte survolté causé par la proximité de la date-anniversaire des événements du 11 septembre, une agence de presse l’annonce : UAL, l’une des plus grandes compagnies aériennes américaines, demande la protection du chapitre 11 de la loi. En gros, l’on peut comparer cela à une mise sous concordat qui rime malheureusement souvent avec faillite prochaine.
Le monde financier, lui aussi soumis à rude épreuve depuis un an, se met en branle : Vendez ! Vendez ! En quelques minutes (!), le cours de bourse s’effondre et perd deux tiers de sa valeur. Les autorités boursières réagissent aussitôt et suspendent la cotation mais c’est trop tard, le mal est fait.
Finalement, l’enquête montrera que l’information est fausse. Suite à un malheureux concours de circonstances, un vieux communiqué de presse périmé depuis 5 ans a été remis en première page d’un journal en ligne. Sa présence en Une a été repérée par Google News qui l’a reprise et l’a diffusée. L’info a aussitôt été reprise par une agence de presse qui l’a prise à son compte sans vérifier. Tout le monde a suivi sans se poser de question.
L’internet : défi de taille pour les agences de presse
Dans l’affaire Belga, c’est clairement le contrôle qui a été défaillant.
Un plaisantin envoie une information suffisamment interpellante pour qu’elle soit traitée en priorité, suffisamment « people » pour que le destinataire comprenne que si l’info est vraie elle sera reprise et commentée et qu’étant le premier à l’annoncer il aura sa part du gâteau, et suffisamment plausible pour franchir un contrôle léger.
Assez rapidement, Belga a fait son mea culpa et promis de renforcer le contrôle.
La presse quant à elle se montre assez tendre avec Belga. Personne ne cloue au pilori l’agence de presse. il y a au moins deux raisons à cela.
La première est inavouable : toutes les rédactions qui ont repris l’information sans la vérifier ont elles aussi fauté, et personne ne veut donc jouer la surenchère.
La seconde est plus fondamentale. Tout le monde sait que les agences de presse font aujourd’hui face à un énorme défi. Tout le monde sait aussi qu’il est de l’intérêt supérieur de la démocratie qu’elles remportent ce défi car ces agences sont des instruments vitaux pour la liberté d’information et la démocratie.
Twitter, Facebook et autres sites de réseaux sociaux sont devenus de gros concurrents dans la « pêche l’info ». Le monde entier a suivi les manifestations en Iran grâce à quelques courageux contestataires qui ont alimenté leur compte Twitter et permis au monde de savoir ce qui se passait à Téhéran. Le problème de ces sites est double : d’une part, la surinformation tue l’information; d’autre part, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.
La question pour les agences de presse n’est donc plus de savoir s’il faut être sur l’internet, mais comment y être.
Forcément, les premiers essais sont balbutiants. Il est toutefois certain que malgré ces couacs, les agences de presse ne renonceront pas. La première qui arrivera à gérer le compromis entre la complétude, la rapidité et la qualité de l’information, décrochera la timbale.