France : une charte pour l’édition électronique
Publié le 08/05/2000 par Thibault Verbiest
Le 21 avril, le GESTE (Groupement d’éditeurs de services en ligne) – regroupant notamment Les Echos, Investir, Libération, Le Monde, La Tribune et ZDNet – a adopté une « Charte d’édition électronique destinée à garantir les droits des internautes, des éditeurs et des auteurs », disponible sur son site. Cette charte est intéressante en ce qu’elle prend position…
Le 21 avril, le GESTE (Groupement d’éditeurs de services en ligne) – regroupant notamment Les Echos, Investir, Libération, Le Monde, La Tribune et ZDNet – a adopté une « Charte d’édition électronique destinée à garantir les droits des internautes, des éditeurs et des auteurs », disponible sur son site.
Cette charte est intéressante en ce qu’elle prend position sur deux questions brûlantes : la « citation » d’articles en ligne par liens hypertextes et les limites du droit de citation dans le cas de compilations et bases de données d’articles d’autrui.
Création de liens
La Charte précise : « Il est possible de créer un lien vers un site sans autorisation expresse de l’éditeur, à la seule condition que ce lien ouvre une nouvelle fenêtre du navigateur.
Dans les autres cas et notamment :
– si vous souhaitez afficher le logo de l’éditeur,
– si le contenu du site de l’éditeur doit s’intégrer dans la navigation de votre site,
en particulier par voie de cadres (frames),
– si l’accès aux pages contenant le lien vers le site de l’éditeur n’est pas gratuit,
vous devez demander l’autorisation expresse de l’éditeur aux adresses figurant à la fin de cette charte ».
Ainsi, seuls les liens appelés HREF sont implicitement autorisés, à l’exclusion des frames. Rien n’est cependant précisé concernant les liens profonds, à savoir les liens établis avec des pages secondaires, et non avec la page d’accueil. C’est pourtant les liens profonds (deep linking) qui ont suscité, avec les frames, le plus de litiges, en particulier dans le cas de « pillage » d’articles en ligne et de contournement des bannières publicitaires affichées sur la page d’accueil.
Toutefois, la charte apporte une précision qui est susceptible de concerner les liens profonds : « la libre autorisation de faire un lien vers un site n’inclut pas la reproduction d’une partie du contenu, notamment un titre ou un sous titre, pour fabriquer ce lien… Dans le cas particulier des titres et sous-titres, l’éditeur de ce site considère que la reprise de plus de trois titres et/ou sous titres d’une même édition, qu’il s’agisse de la reprise du journal papier ou de l’édition en ligne, ne saurait être considérée comme une citation et fera l’objet d’un accord spécifique et préalable de l ‘ auteur ».
Les compilations d’articles d’autrui
La Charte dispose que : « La citation est une reproduction d’un extrait de la publication, respectant le droit moral de l’auteur par l’indication de son nom et de la source. Elle est nécessairement courte pour éviter le plagiat. Le qualificatif » courte » s’apprécie tant par rapport à la publication dont elle est extraite que par rapport à celle dans laquelle elle est introduite. La citation illustre un propos et ne doit pas concurrencer la publication à laquelle elle est empruntée. La multiplication des citations aboutit à la création d’une anthologie, considérée comme oeuvre dérivée, et donc soumise à l’accord préalable de l’auteur ou de l’ayant droit. ».
Ce faisant, le GESTE s’oppose à la jurisprudence Le Monde/Microfor de la Cour de cassation de France, qui, par un arrêt du 30 octobre 1987, rendu en assemblée plénière, a décidé qu’il était licite, au regard de l’article 41 de la loi du 11 mars 1957 (devenu l’article 122-5, 3° du CPI) qui vise les courtes citations justifiées notamment par le caractère d’information de l’œuvre « citante », de constituer une banque de données à partir de courts extraits d’œuvres d’autrui, en l’espèce des articles de presse, et de les référencer à l’intérieur d’un index, sous la double réserve, d’une part, que soient mentionnés le nom de l’auteur et la source utilisée, et, d’autre part, que les informations rassemblées ne dispensent pas le lecteur de recourir à la lecture de l’œuvre elle-même (critère de « non-substituabilité »). Une telle banque de données aurait, selon la Cour, le caractère d’une « œuvre d’information ».
En effet, selon pareille jurisprudence, seraient légales des banques de données qui ne seraient nullement des « œuvres autonomes citantes » dans lesquelles viendraient s’incorporer de courtes citations d’œuvres d’autrui.
Nous approuvons la charte du Geste : pareille jurisprudence dénature l’institution du droit de citation.
Le SNJ critique la charte
La Charte d’édition électronique ne satisfait pas le SNJ, le principal syndicat de journalistes en France. En effet, par communiqué de presse publié sur son site, Le Syndicat National des Journalistes tient à rappeler que les véritables détenteurs des droits d’auteur (moraux et/ou patrimoniaux) sur leurs oeuvres sont les journalistes.
Le SNJ invite donc les éditeurs, et en particulier les signataires
de la charte du GESTE, à conclure avec les journalistes et leurs
représentants des accords pour réexploiter, quel que soit le support,
leurs œuvres, et ce conformément aux récentes affaires DNA, Figaro et Le Progrès, qui ont conduit à la condamnation d’éditeurs.
Pour plus d’infos :
– Les affaires DNA, Figaro, Le Progrès : nos articles « La presse électronique : quel cadre juridique », disponible sur Juriscom; « La presse multimédia : vers un cadre juridique propre ? », Légipresse, janvier/février 2000 ; « La presse électronique », Auteurs & Media, 2000/1*-2, p. 69.
– Faire une recherche par les mots clés « Liens hypertextes », et notre actualité du 16 novembre 1999 sur l’accord collectif entre syndicats et éditeurs pour la reproduction en ligne des articles des journalistes.