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La France freine (à nouveau) les activités légales des pharmaciens sur l’Internet

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Les arrêtés du 28 novembre 2016 (relatifs aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments d’une part, et aux règles techniques applicables aux sites internet des pharmaciens d’autre part) sont entrés en vigueur ce 1er février 2017. Après quatre ans de tergiversations judiciaro-réglementaires, le droit français en la matière est désormais complet. Est-ce une bonne nouvelle pour les pharmaciens français ? Pas forcément. Leurs concurrents étrangers, par contre, pourraient bien en profiter.

D’évidence, l’entrée en vigueur de ces arrêtés va apporter la sécurité juridique qui faisait cruellement défaut en la matière ces dernières années. Mais à quel prix ? Les pharmaciens français ont certes désormais un cadre, mais qui semble tellement contraignant que l’on s’autorise à douter que le commerce électronique de médicaments décolle un jour en France.

Une saga déjà ancienne …

En 2003, la Cour de Justice de l’Union européenne a posé le principe selon lequel la vente à distance de médicaments non soumis à prescription médicale doit être autorisée aux pharmaciens légalement établis dans les Etats membres de l’Union européenne. C’était avant la directive ; la Cour se fondait sur les Traités.

Le même principe a depuis été inséré par le législateur européen au sein de la Directive 2001/83 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Les Etats membres devaient transposer le principe pour le 2 janvier 2013.

La France s’y était conformée en adoptant, le 19 décembre 2012, l’Ordonnance n°2012-1427 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments, consacrant l’ouverture aux pharmaciens de la possibilité de vendre en ligne des médicaments.

L’Ordonnance devait, sur plusieurs points, être complétée par des textes complémentaires qui se sont faits attendre.

Un premier arrêté instituant des bonnes pratiques a été mis sur la table en 2013. Le texte était particulièrement frileux à l’égard du commerce électronique, imposant des conditions qui faisaient, en pratique, qu’il était quasi impossible pour une officine indépendante de créer et exploiter un site qui soit un minimum rentable.

Malgré les critiques, l’arrêté a été adopté le 20 juin 2013 et est entré en vigueur le 12 juillet suivant (voir notre article sur cet arrêté).

Le 16 mars 2015, le conseil d’État constatait l’illégalité de l’arrêté : « L’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique est annulé. » En cause, l’absence de notification du projet à la Commission européenne. Le Conseil d’Etat ne s’était alors pas prononcé sur le fond (voir notre commentaire de cet arrêt).

Pour remplacer l’arrêté de 2013 annulé, le gouvernement français a ensuite proposé deux nouveaux projets d’arrêtés, ceux-là mêmes qui sont entrés en vigueur le 1er février dernier :

  • Le premier, relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments, pris en application de l’article L. 5121-5 du code de la santé publique ;
  • Le second concernant les règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments, pris en application de l’article L. 5125-39 du Code de la Santé publique.

Sur le fond, ces deux projets reprennent quasiment à l’identique, en le complétant, l’arrêté du 20 juin 2013.

Dans un avis consultatif du 26 avril 2016 (Avis 16-A-09), l’Autorité de la concurrence a été particulièrement sévère à l’égard de ces deux projets : « l’Autorité émet un avis défavorable sur ces projets de texte », peut-on lire sur le communiqué de presse concernant cet Avis (voir notamment notre commentaire de cet Avis).

Cela n’a pas empêché le gouvernement d’adopter ces textes quasiment tels quels, sans y apporter véritablement les modifications recommandées.

Qu’en est-il du contenu de ces arrêtés ?

Outre le rappel de principes contenus d’ores et déjà dans le Code de la Santé publique tels des règles déontologiques s’appliquant en toute hypothèse aux pharmaciens français, l’Arrêté relatif aux bonnes pratiques décortique l’acte pharmaceutique – de la vérification de la prescription à la délivrance en passant par le conseil pharmaceutique, etc. Il reprend, de plus, une obligation déjà controversée lors de l’adoption de l’arrêté annulé du 20 juin 2013 : l’équipe officinale doit se doter d’un pharmacien adjoint supplémentaire par tranche de 1.300.000 euros de chiffre d’affaires. L’Autorité de la concurrence avait déjà signalé en 2013 que le critère du chiffre d’affaires pour déterminer le nombre de pharmaciens n’était pas pertinent pour le commerce électronique, qui se limite à la vente de médicament non soumis à prescription et de produits non médicamenteux et dont les besoins en expertise pharmaceutique sont moindres que pour la vente en officine, dont l’activité se concentre sur la dispensation de médicaments soumis à prescription médicale.

Dans son article 7, l’arrêté relatif aux bonnes pratiques ajoute des « Règles complémentaires applicables au commerce électronique de médicaments ». Parmi ces règles, l’on retrouve notamment :

  • L’obligation d’insérer dans le processus de commande un questionnaire de santé ;
  • La consultation obligatoire de la notice lors de la commande ;
  • La fixation de quantités maximales de médicaments pouvant être délivrés lors d’une commande.

Le second arrêté dit relatif aux « règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments » reprend, de l’arrêté de 2013, notamment les interdictions suivantes :

  • Les forums de discussion sont interdits ;
  • Le référencement payant est interdit.

L’on rappellera que l’Autorité de la concurrence, dans son avis d’avril 2016 sur lesdits arrêtés considérait que, de manière générale, « ce dispositif semble vouloir priver de portée la liberté déjà limitée que l’ordonnance du 19 décembre 2012 avait accordée aux pharmaciens français souhaitant créer une officine en ligne et alourdit le régime issu du précédent arrêté du 20 juin 2013 qui n’a permis qu’un développement très faible de la vente en ligne en France ».

L’avenir nous dira si ces arrêtés seront pérennes ou si, comme leur prédécesseur, ils continueront à alimenter la saga tumultueuse et agitée entamée depuis  2012 sur les bonnes pratiques de la dispensation des médicaments par la voie électronique.

L’enjeu au niveau européen

Il faut bien comprendre l’enjeu au niveau européen : le code communautaire permet aux pharmaciens qui opèrent légalement dans un Etat membre, de vendre en ligne dans l’ensemble de l’Union européenne.

Le pharmacien Anglais qui s’attaque au marché Français a pour obligation principale de ne proposer sur son site Français que des médicaments qui peuvent être vendus en France. Si un médicament n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en France, ou s’il est soumis en France à une prescription médicale alors qu’il est en vente libre en Angleterre, le pharmacien anglais devra veiller à ne pas le proposer à ses clients français. Pour le reste, le pharmacien anglais opère en étant essentiellement soumis à son droit d’origine.

Mécaniquement,  on assiste donc à  un déplacement de l’activité économique au profit  des pharmaciens étrangers. Cela se fait en quatre temps :

  1. La vente en ligne de médicaments est un marché en croissance, notamment parce que le public est attiré par les prix avantageux que l’on peut trouver en ligne pour tout ce qui relève de la parapharmacie (cosmétique, beauté, hygiène, etc.) et des médicaments banals  qui ne nécessitent pas de prescription (rhume, paracétamol, etc.) ;
  2. Puisqu’il est plus difficile aux pharmaciens français d’être présents en ligne en raison d’un cadre juridique étriqué, l’offre est principalement entre les mains d’acteurs étrangers. Ce sont eux qui sont les plus visibles et les plus dynamiques sur l’Internet, y compris sur le marché français.
  3. Le marché Français de la vente en ligne échappe donc petit à petit aux pharmaciens Français, et le phénomène va s’amplifier.
  4. Il ne faudra pas longtemps pour que ce déplacement de l’activité vers l’Internet et la captation de ce marché par des opérateurs étrangers, induisent des effets économiques importants au détriment des officines physiques en France.

Cela n’avait pas échappé à l’Autorité de la concurrence. Dès 2013, elle attirait l’attention que ce qu’elle a appelé la « discrimination à rebours » au détriment des pharmaciens français. Elle n’a manifestement pas été entendue.

La question des locaux

Une disposition qui a fait déjà parler d’elle devant les tribunaux français pour sa potentielle inconstitutionnalité, impose aux pharmaciens de ne stocker les médicaments qu’au sein de l’officine ou dans des lieux de stockage se trouvant à proximité immédiate de celle-ci.

A cet égard, l’Autorité régionale de Santé de Basse-Normandie a considéré que des lieux de stockage situés à 3.6 km de l’officine ne pouvaient pas remplir cette exigence de « proximité immédiate ».

Démentie en première instance, la décision de l’ARS vient d’être réhabilitée en appel. Pour le premier juge, cette exigence n’a pas de lien avec la santé publique et est de surcroît discriminante (exemple : pour une pharmacie établie en milieu urbain dense, il est souvent matériellement impossible de développer ses locaux à proximité immédiate de l’officine). Le juge administratif a donc annulé la décision de l’autorité régionale. La cour d’appel vient, à l’inverse, de confirmer la légalité de la disposition. Le dernier mot pourrait bien appartenir au conseil d’État qui sera plus que probablement saisi.

Pour sa part, l’Autorité de la concurrence avait souligné le caractère inadapté d’une telle clause : « Une telle interprétation de la notion de « proximité immédiate » fait nécessairement obstacle au développement de la vente en ligne de médicaments dès lors que l’importance de l’activité générée par un site en croissance et les exigences qui en découlent en termes de logistique et d’infrastructures rendent indispensable le recours à des locaux de dimension importante (en l’occurrence dix mille m2) affectés à cette activité. De tels locaux sont, pour des pharmacies installées dans une ville, à la fois très difficiles à trouver et coûteux à acquérir ».

Or, l’Autorité souligne que : «  la restriction apportée par l’interprétation restrictive du texte n’apparaît pas justifiée par un impératif de santé publique, dès lors que la présence de pharmaciens adjoints sur les lieux, affectés à l’activité de vente en ligne, permet d’assurer le contrôle, la sécurité et la qualité de ce mode de dispensation ».

Plus d‘infos ?

En lisant le dossier publié sur notre site en 2014 : « Pharmacie en ligne : quel cadre juridique en France ». Attention, ce dossier de 45 pages analysait la situation à l’époque et est en cours de réactualisation.

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