Fournisseurs d’accès : Compuserve acquitté
Publié le 04/01/2000 par Nicolas Ide
Par son arrêt du 8 décembre 1999, la Landgericht München (l’équivalent de la Cour d’appel en Belgique) a acquitté le directeur de Compuserve Gmbh, Monsieur Felix Somm, pour avoir fourni accès à du contenu pédophile.Pour rappel, Mr Somm était inculpé d’avoir, par la fourniture d’accès au serveur news de Compuserve Inc., facilité la consultation de…
Par son arrêt du 8 décembre 1999, la Landgericht München (l’équivalent de la Cour d’appel en Belgique) a acquitté le directeur de Compuserve Gmbh, Monsieur Felix Somm, pour avoir fourni accès à du contenu pédophile.
Pour rappel, Mr Somm était inculpé d’avoir, par la fourniture d’accès au serveur news de Compuserve Inc., facilité la consultation de news groups à caractère pédophile (du type « alt.sex.pedophilia »). Malgré le fait que ces news groups étaient hébergés aux Etats-Unis par Compuserve Inc., il avait été condamné en premier ressort à une peine d’emprisonnement de deux ans avec sursis, par jugement de l’Amtgericht München du 28 mai 1998 (voir notre actualité du 4 juillet 1998).
En réformant le jugement rendu en premier ressort, la Landgericht confirme le principe d’exonération de la responsabilité des fournisseurs d’accès pour le contenu illicite auquel ils permettent d’avoir accès.
Ce principe étant déjà un acquis dans plusieurs législations en vigueur (notamment l’article 5 (3) du Teledienstegesetz allemand du 13 juin 1997, et le § 512(a) du Digital Millenium Copyright Act américain du 28 octobre 1998), ainsi que dans une convention internationale adoptée (voy. la Déclaration commune concernant l’article 8 du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur du 20 décembre 1996), et dans la proposition modifiée de directive européenne relative à certains aspects du commerce électronique du 1 septembre 1999 (article 12), nous ne pouvons qu’approuver l’acquittement de Mr Somm par la Landgericht.
Les faits à la base de cet arrêt étaient les suivants :
- la société américaine Compuserve Inc. hébergeait, sur son serveur news, des news groups à contenu pédophile;
- la société allemande Compuserve Information Services Gmbh permettait aux abonnés allemands d’accéder à ces news groups à des coûts de connexion réduits;
- Compuserve Inc. était la seule société à avoir des liens contractuels avec les abonnés allemands;
- à la suite d’une perquisition (le 22 novembre 1995), le ministère public allemand informait Mr Somm de l’existence de news groups illicites et lui communiquait une première liste de 5 news groups illicites;
- Compuserve Gmbh n’ayant pas les moyens techniques de couper l’accès aux news groups, Mr Somm a immédiatement transmis la première liste à Compuserve Inc. en lui demandant de supprimer les news groups litigieux;
- le 29 novembre 1995, le ministère public constatait que ces news groups n’étaient plus accessibles;
- le 8 décembre 1995, une seconde liste de 282 news groups pédophiles était communiquée à Mr Somm;
- Mr Somm avait, cette fois également, immédiatement communiqué la liste à Compuserve Inc. en lui demandant de couper l’accès à ces news groups;
- du 22 décembre 1995 au 13 février 1995, Compuserve Inc. avait supprimé l’accès à la majorité de ces news groups;
- le 16 février 1995, Compuserve Inc. déclarait, par voie de presse, qu’elle estimait ne plus devoir intervenir, puisque Compuserve Inc. et Compuserve Gmbh mettaient maintenant à disposition de leurs clients (spécialement les parents) un outil de contrôle appelé « Cyber Patrol – Parental Control », également disponible en langue allemande, qui permettait à l’abonné de censurer lui-même l’accès aux news groups qu’il choisissait;
- depuis, de nouveaux news groups illicites étaient accessibles, et Mr Somm avait été cité.
En ce qui concerne l’épineuse question de la tierce-complicité, la Landgericht a décidé, avec raison, que Mr Somm n’était pas complice aux infractions. Elle a considéré qu’une tierce-complicité était soumise à la preuve d’une faute dans le chef de Mr Somm et qu’en l’espèce, une telle faute ne pouvait résulter que des deux faits d’abstention suivants :
- le fait, pour Mr Somm, de ne pas avoir empêché tout traffic avec le serveur news de Compuserve Inc. (donc également avec du contenu licite). A ce sujet, la Landgericht a considéré qu’une telle obligation de faire n’avait pas de fondement (la motivation sur ce point n’est pas très claire, mais le caractère disproportionné de la mesure paraît manifeste);
- le fait, pour Mr Somm, de ne pas avoir réitéré ses demandes de couper l’accès auprès de Compuserve Inc. A ce sujet, la Landgericht a considéré que les chances de succès d’une telle démarche étaient nulles, vu la prise de position officielle (dans la presse) contraire de Compuserve Inc. Mr Somm ne commettait donc pas de faute en s’abstenant d’insister auprès de sa société mère.
La Landgericht a également considéré que Mr Somm devait être acquitté en application de l’article 5 (3) du Teledienstegesetz allemand du 13 juin 1997, qui dispose (dans sa traduction anglaise accessible au site de la Initiative Informationsgesellschaft Deutschland) :
« Providers shall not be responsible for any third-party content to which they only provide access. The automatic and temporary storage of third-party content due to user request shall be considered as providing access ».
Cette disposition peut, à notre sens, également être invoquée au bénéfice des fournisseurs de services Internet en matière d’hyperliens. En effet, on sait que la responsabilité de ces fournisseurs a déjà été mise en cause pour la simple présence, sur les sites de leurs clients, d’hyperliens vers des sites de tiers à contenu prétendument illicite.
A notre sens, les copies temporaires réalisées suite à l’activation du lien par l’internaute sont à considérer comme des copies faites à la demande de l’utilisateur ( « to user request »). Le fournisseur de services serait donc, en vertu de l’article précité, exonéré de toute responsabilité à leur égard.
Pour ceux qui souhaitent consulter les jugements ou avoir plus d’informations à propos de l’affaire Compuserve, le site The Somm Case, entièrement dédié à l’affaire, mérite une recommandation toute particulière.